Nous examinons aujourd’hui un texte important pour notre économie. Le projet de loi de lutte contre la contrefaçon, issu d’une directive européenne du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle porte en effet sur un sujet qui est au coeur de notre avenir économique. Celui-ci sera de plus en plus voué à la création de richesses immatérielles produites par l’innovation et la créativité. Ce sont elles qui peuvent sauvegarder notre spécificité et notre longueur d’avance dans les domaines trop peu nombreux ou la France est une référence, tels que le luxe par exemple. C’est la raison pour laquelle, au-delà des prix et de la qualité des produits, il est nécessaire de nous battre aussi pour protéger les brevets, les marques, les dessins et modèles contre la concurrence déloyale de pays dont les entreprises ont parfois recours à la malfaçon et dont la langue utilise le même mot pour « fabriquer » et « copier », ce qui crée un certain obstacle culturel à la notion même de contrefaçon. Au-delà de l’économie, il y a aussi un combat culturel à mener comme nous l’avions fait à propos des droits d’auteur, pour défendre une conception personnaliste dans laquelle la création personnelle est une valeur essentielle.
Élu d’une région marquée par le textile et marquée plus encore par la disparition de nombreux emplois dans ce secteur, je suis particulièrement sensible au fait que 30 000 emplois disparaissent chaque année à cause de la contrefaçon.
Certes, les produits textiles (vêtements, accessoires du vêtement, linge de maison) ne représentent pas en 2006 la part la plus importante des contrefaçons saisies mais 15 % des saisies portent encore sur ce secteur. Ce chiffre est d’ailleurs en progression par rapport à 2005. Cette part était alors de 12 %. L’évolution économique facilite le développement de la contrefaçon avec la délocalisation des marques, la mondialisation de la distribution, l’inventivité des contrefacteurs, et les moyens techniques de copie qui sont à leur disposition, enfin par le développement du commerce sur Internet. Face à cela, les douanes redoublent d’efforts. En 2003, 2 millions d’articles textiles ont été saisis par elles, dont 48% de prêt-à-porter, 13% de vêtements de sport, et 38% d’accessoires. En 2005, ce sont plus de 5 millions et demi d’articles qui sont saisis, puis 6 millions d’articles en 2006.
Mais notre pays, même réputé pour son arsenal anticontrefaçon, parmi les plus répressifs et complets d’Europe notamment grâce à la Loi Longuet que nous avions voté en 1994, doit encore améliorer sa législation.
Le texte que nous allons voter va évidement dans la bonne direction. Je suis pour ma part particulièrement sensible au fait que la dissuasion sera largement augmentée par la prise en considération dans le calcul de dommages et intérêts des bénéfices réalisés par le contrefacteur. Il ne faut pas en effet qu’au bout du compte, le crime puisse payer quand même. Je suis également sensible aux améliorations portées dans le domaine pour le coup vraiment criminel de la contrefaçon des médicaments : il faut d’ailleurs souligner à ce propos l’équilibre entre la sanction et la prise en considération des besoins des pays particulièrement démunis. En revanche, j’estime encore insuffisante la procédure relative à la saisie contrefaçon. C’est pourquoi je propose plusieurs amendements sur ce sujet. Dans le cadre de cette procédure, il doit être possible, sur décision du juge, d’apporter les preuves de la traçabilité de la chaîne de contrefaçon, notamment en permettant les vérifications nécessaires de la comptabilité. Or, aujourd’hui, dans les faits, on constate que si l’ordonnance est exécutoire de droit, le juge ne prend quasiment aucun pouvoir de coercition. Lorsque l’huissier se heurte comme c’est souvent le cas à une obstruction ou à une absence de réponse lors de la saisie, je souhaite que l’on mette en place de véritables moyens coercitifs en qualifiant de circonstance aggravante le comportement du contrefacteur. Le juge pourra alors retenir les circonstances aggravantes et condamner l’entreprise ou le responsable présumé contrefacteur. L’huissier aura alors plus de pouvoir dans l’exécution de la mission ordonnée par la juridiction : nous retrouvons ainsi tout le sens de la saisie contrefaçon. Protéger les entreprises, les créateurs, les œuvres et les utilisateurs.
Par ailleurs, si la spécialisation judiciaire est souhaitable dans un domaine qui demande compétence et connaissance, s’il est souhaitable que se constitue un réseau national de tribunaux capable de juger efficacement dans ce genre d’affaires, on ne voit pas pourquoi, les tribunaux de commerce en seraient exclus. Ils sont plusieurs à être clairement compétents pour les dessins et modèles nationaux. Je pense en particulier au Tribunal de Commerce de Paris. Leur connaissance de la dimension économique du problème et l’association fréquente de la contrefaçon avec la concurrence déloyale plaident à l’évidence en ce sens. C’est la raison pour laquelle je crois qu’une nécessaire réforme de la carte judiciaire doit certes aller vers la spécialisation des tribunaux et donc l’amélioration de la justice rendue. En revanche, j’estime que les tribunaux de commerce ne doivent pas être exclus dans un domaine où ils sont justement plus spécialisés que d’autres.
En tout état de cause et avec ces quelques réserves, c’est avec à l’esprit les 23 000 emplois textiles du Nord désormais associés à un pôle de compétitivité où se marient l’innovation et la production que je voterai ce texte qui est, je le répète, une étape dans la bonne direction.