Du déluge de bêtises à propos des « tests ADN très controversés »… Dans 12 pays européens, le pragmatisme l’a emporté. Dans le nôtre, la confusion mentale a atteint certains responsables politiques que l’on pouvait croire intelligents comme BALLADUR ou PASQUA. Ce qui est le plus inquiétant dans cette affaire n’est pas d’ordre moral mais intellectuel. La France avait la chance à l’âge classique d’avoir bénéficié de la pensée cartésienne, des idées claires et distinctes, de ce discours où « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». Voilà qu’un chanteur dit que le recours au test ADN, c’est « sale » et que M. BALLADUR se dit « choqué ». On est là dans l’impressionnisme du sentiment, l’affectivité confuse et non plus dans une pensée digne de ce nom.
Le recours au test ADN est volontaire, il permettra l’accélération et la légitimation des procédures de regroupement familial comme cela se pratique dans de grandes démocraties amies, qu’on insulte au passage sans même en avoir conscience.
Il est évident que cette procédure ne concerne en rien les liens d’adoption. Mais elle n’empêche nullement la reconnaissance de ces liens, par des formalités sans doute parfois plus longues et plus difficiles lorsque des pays déchirés par une longue guerre civile ou soumis à une administration incertaine et corrompue ne peuvent délivrer des documents fiables. L’absence de test ADN n’améliorait en rien cette situation. Quant à ceux qui ramènent cette question à celle de l’opposition entre droit du sang et droit du sol en matière de fondement de la nationalité, comme l’a fait M. HOLLANDE, on est consterné par le brouet intellectuel que nous livre leur cuisine mentale. Contrairement à ce qu’ils sous-entendent, il n’y a pas contradiction entre les deux droits mais complémentarité. La reconnaissance de la nationalité ou de la filiation par le sang appartient à notre droit comme l’acquisition de la nationalité ou de la filiation par le droit du sol ou par l’adoption. Pourquoi introduire de prétendues oppositions ou d’improbables hiérarchies idéologiques entre elles ? S’ajoute d’ailleurs pour moi au sang et au sol, la volonté qui conduit à la naturalisation. Or c’est précisément la volonté qui conditionne le recours au test ADN. Le point ultime de cette Berezina de la pensée a été atteint lorsque le gouvernement a cru bon restreindre les tests ADN au seul lien entre la Mère et ses enfants au nom de la préservation de la famille et de l’égalité entre français et étrangers.
Curieuse manière de préserver la famille en éliminant une fois de plus l’importance du père, afin de couvrir l’adultère !
La seule logique de cette demande dont on a du mal à penser qu’elle soit intellectuelle est une fois encore de détruire une valeur, et de nier l’avantage que doit conférer le respect des lois et des contrats par rapport à l’absence de ce respect. Pour ne pas désavantager le regroupement familial d’un enfant adultérin qui n’a d’ailleurs aucun document fiable prouvant sa filiation, on peut empêcher le regroupement de celui qui pourra prouver qu’il est comme on dit « le fils de son père »… Belle logique en vérité ! Sans aider en rien le premier, on compromet injustement les chances du second.
Mais c’est pour ne pas établir de ségrégation entre français et étrangers dira-t-on alors. La distinction des droits de l’Homme et de ceux du citoyen est pourtant au cœur de la République. Tout homme a des droits qui le protègent. Le Citoyen a en plus des droits qui lui permettent de participer à la société politique. Le droit au regroupement familial est un droit de l’homme. Le droit de pouvoir pénétrer librement sur le territoire appartient davantage au citoyen. Il est donc tout à fait légitime que les procédures qui permettent de vérifier la validité d’un droit à entrer sur le territoire, la légitimité de l’appartenance familiale en l’occurence, soient spécifiques aux ressortissants étrangers, puisque le droit d’entrer sur le territoire est soumis pour eux à des conditions tout à fait légitimes.