Suite du débat relatif à la modernisation des institutions (pour lire le 1er volet) :
Article 6 (Droit de grâce : prérogative présidentielle)
M. Christian Vanneste – Cet article, l’un des moins contestables du projet, est source de progrès : il conserve – pourquoi ne pas le dire ? – l’un des avantages du pouvoir monarchique… (Exclamations sur divers bancs)
M. Jean-Christophe Lagarde – Et voilà !
M. Christian Vanneste – …qui permettait au roi de réparer une injustice commise à l’encontre d’une personne. Permettez-moi d’en citer deux illustrations littéraires : dans Tartuffe, comme dans César Birotteau, c’est l’intervention du roi qui évite à un pauvre homme d’être victime d’une injustice. Loin d’être la réparation d’une erreur judiciaire, le droit de grâce constitue ainsi la pratique la plus élevée de l’équité : il permet de tenir compte de la situation auquel un événement de son histoire personnelle expose un individu.
Je suis donc partisan en la matière, cher Monsieur Mamère, du personnalisme (Sourires) : le pouvoir le plus élevé doit pouvoir prendre en considération les individus, dont la loi ne saurait connaître. Il est donc nécessaire, contrairement à ce qu’affirme M. Le Bouillonnec, de limiter le droit de grâce à des cas individuels, car il serait parfaitement injuste que ce droit ne serve qu’à la « gestion hôtelière des prisons » – pour reprendre l’expression fâcheuse d’un procureur de la République !
M. Guy Teissier, président et rapporteur pour avis de la commission de la défense – Absolument !
M. Christian Vanneste – Chaque jour, la presse nous apprend qu’une personne qui devrait être en prison vient de commettre un acte criminel ! Assumons nos responsabilités : prévoyons un nombre suffisant de lieux d’incarcération pour accueillir nos prisonniers, aujourd’hui moins nombreux qu’en Grande-Bretagne, mais moins bien logés. En la matière, la gauche n’a rien fait… (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)
M. Guy Teissier, rapporteur pour avis – Rien !
M. Christian Vanneste – …alors que nous avons veillé à accroître le nombre de lieux de détention ou à créer des peines de substitution, comme le sait bien M. le rapporteur. Mais le droit de grâce collectif constituerait une grave injustice.
M. Guy Teissier, rapporteur pour avis – Très bien !
(…)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Le droit de grâce ne doit pas être un moyen de régulation de la population carcérale.
M. Christian Vanneste – Très bien !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Cela irait en effet à l’encontre de la réinsertion et de la lutte contre la récidive, deux des priorités du Gouvernement. Le Président de la République a anticipé cet engagement, puisqu’il n’y a pas eu de grâce collective l’année dernière.
S’agissant des places de prison, seule la droite, en 1987 et en 2002, en a construites (Protestations sur les bancs du groupe SRC).
(…)
M. Christian Vanneste – Qu’il y ait une continuité de l’État entre la monarchie et la République en matière de pouvoirs régaliens, cela n’a rien de choquant. On peut parfaitement accepter que le plus haut détenteur du pouvoir exécutif soit en mesure de corriger une situation individuelle issue d’une décision judiciaire. La situation des parlementaires est toute différente : ne confondons pas l’application de la loi et son établissement. Il n’y a de loi que générale, comme l’affirmait déjà Aristote. Nous n’écrivons pas de loi particulière. Lorsque nous nous y risquons, nous ne sommes plus en République. En exerçant nous-mêmes un droit de grâce, nous irions à l’encontre de ce qu’est la loi. Ce serait nous nier nous-mêmes.
Article 9 (représentation des français de l’étranger à l’Assemblée)
M. Christian Vanneste – Mon amendement 218 tend à suivre l’avis du comité Balladur en ne modifiant pas la représentation des Français de l’étranger. La disposition prévue conduirait à l’introduction de la proportionnelle – ce que nous refusons – ou à un découpage absurde de grandes circonscriptions. Or je ne pense pas qu’une circonscription allant de la Patagonie au Groenland permette de bonnes relations entre l’élu et ses électeurs.
M. Jean-Christophe Lagarde – Un peu de considération pour les manchots ! (Sourires)
M. Christian Vanneste – Il faudrait en outre augmenter le nombre de députés – hypothèse que nous venons de rejeter – ou procéder à un nouveau découpage pour supprimer douze circonscriptions de métropole. Cela accentuera encore le déséquilibre entre les circonscriptions des départements peu peuplés, comme la Lozère, et celles de départements en pleine expansion démographique, comme le Val-d’Oise. C’est la raison pour laquelle, par l’amendement 218, je vous invite à abandonner cette idée.
Député frontalier, j’ai beaucoup d’admiration pour nos sages voisins, les Belges, qui se contentent de faire voter leurs compatriotes résidant à l’étranger dans des bureaux de communes belges.
L’amendement 218, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Christian Vanneste – Grâce à la Gauche !
Un commentaire
J’en connais tout de même au moins un qui a bénéficié d’une grâce présidentielle malencontreuse : Maxime Gremetz.