Hier après-midi, dans l’hémicycle, le groupe GDR (alliance des communistes et des verts) proposait un débat sur la politique industrielle de la France. J’ai bien évidemment participé à celui-ci. Cela m’a permis d’évoquer devant le Ministre de l’Industrie et devant la représentation nationale, le sort des chantiers Wauquiez, et de SCA à Linselles. Christian Estrosi m’a répondu. Compte-rendu :
M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.
M. Christian Vanneste (UMP). Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lundi dernier, à Linselles, dans ma circonscription, un défilé était organisé par la CGT en réaction à l’annonce de la fermeture du site SCA par le groupe propriétaire de l’entreprise.
M. Daniel Paul (GDR). Vous y étiez, j’espère !
M. Christian Vanneste. J’y étais, parmi les élus locaux du secteur – le maire sans étiquette, la conseillère générale socialiste – et j’ai écouté l’Internationale : la défense de l’industrie vaut bien une Internationale…
M. Alain Bocquet (GDR). C’est bien, monsieur Vanneste. Vous progressez !
M. Daniel Paul. J’ai un bulletin d’adhésion sur moi !
M. Christian Vanneste. Aussi, je remercie le groupe GDR d’avoir organisé ce débat : nous ne sommes sans doute pas d’accord sur les solutions, mais au moins pouvons-nous nous accorder sur le problème.
Quel est-il ? Il y a plus de dix ans maintenant, à l’époque de la prétendue nouvelle économie, certains voyaient la France devenir le grand pays des services, d’autres annonçaient des entreprises industrielles sans usines et Jeremy Rifkin pronostiquait la fin du travail. Depuis, on s’est aperçu que l’industrie et ses produits s’en vont avec les usines, que beaucoup de services sont liés aux industries et que la fin du travail, ce n’est pas le loisir, mais le chômage – chômage que, selon Alain Minc, la France aurait choisi.
Nous sommes nombreux à penser que, si l’essentiel de notre richesse est désormais dans les services, c’est dans l’industrie que se développent l’innovation, l’invention des véritables nouveaux produits et que se situe le moteur de la croissance et de l’emploi. Quand l’industrie crée un emploi, elle en crée deux dans les services.
C’est la première raison pour laquelle nous devons refuser le déclin industriel de notre pays. Celui-ci a perdu 500 000 emplois industriels depuis 2000. Si nous progressons dans la pharmacie ou la parfumerie, nous stagnons dans l’agroalimentaire et nous reculons dans le secteur des biens de consommation ou dans celui de l’automobile. Nous sommes faibles dans les domaines des biotechnologies et des TIC, et certains voudraient, en plus, nous faire ignorer les nanotechnologies !
Cette situation se traduit par un recul de notre pays sur le marché mondial. La part des exportations de la France dans celles de l’ensemble de l’Europe est ainsi passée de 16 % à 13 %. Le déclin de l’industrie a, certes, été accentué par la crise, mais il ne date pas de celle-ci. Il frappe d’ailleurs toute l’Europe, puisque la part de l’industrie dans la valeur ajoutée a chuté de 20,5 % à 17 % dans l’Union européenne entre 1995 et 2006, mais la chute est plus sévère dans notre pays, puisque – vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur Bocquet – l’industrie manufacturière ne représente plus que 16 % de la valeur ajoutée, soit moins que la moyenne européenne.
Nous devons également nous battre pour l’industrie parce qu’elle représente une richesse humaine. Dans l’usine de Linselles à laquelle je faisais référence tout à l’heure, 50 % des ouvriers ont plus de cinquante ans. Beaucoup y ont passé leur vie, beaucoup en sont fiers. Un sondage récent de la SOFRES indiquait que, si l’entreprise est, pour les Anglo-saxons, un gagne-pain et, pour les Allemands, un lieu de valorisation par le travail, elle est, pour les Français, un lieu où se nouent des relations humaines. On comprend mieux ainsi ce qui se passe lorsque, dans certaines grandes entreprises, le traitement réservé aux salariés manque d’humanité.
Hier, le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a décidé de la sortie des chantiers Wauquiez de la procédure de sauvegarde. Il y a quelques mois, des ouvriers, des ébénistes de ce chantier naval situé en pleine terre, à Neuville-en-Ferrain, sont venus me dire qu’ils souhaitaient, non pas obtenir des primes ou des indemnités, mais tout simplement continuer à travailler dans et pour une entreprise dont ils étaient fiers – à ce propos, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, pour la part déterminante que vous avez prise dans ce dossier. C’est cette fierté qu’il faut communiquer aujourd’hui aux jeunes qui répugnent à choisir cette voie. Bien sûr, il faut aussi leur garantir une sécurité, dont ils peuvent légitimement douter.
M. Daniel Paul. Eh oui !
M. Christian Vanneste. Pour atteindre cet objectif, trois moyens essentiels doivent être utilisés.
Il faut rendre notre pays plus attractif – il l’est déjà en raison de ses infrastructures et du coût de son énergie –, rendre surtout nos produits plus compétitifs et, enfin, développer la synergie essentielle entre la formation, la recherche et la production, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne grâce au dispositif Fraunhofer. Nous avons déjà beaucoup progressé dans ce domaine, avec les pôles de compétitivité et le crédit d’impôt recherche – dont je souhaite pour ma part qu’il soit étendu aux collections et aux modèles, ainsi que le réclame l’industrie du textile et de l’habillement. Nous avons, en revanche, de grands progrès à faire en matière de compétitivité. Le manque de compétitivité étouffe en effet notre industrie. Les prélèvements sociaux sur les sociétés représentent en France 11 % du PIB, contre 6,5 % en Europe et 6 % seulement en Allemagne. À cet égard, la suppression de la taxe professionnelle est une excellente mesure. La TVA sociale, qui aurait permis de faire reposer une partie de nos dépenses sociales sur la consommation, donc sur les importations et le tourisme, demeure une occasion manquée.
M. Thierry Benoit (NC). Absolument !
M. Christian Vanneste. Pour ma part, j’ai soutenu cette idée que Jean Arthuis a défendue sans succès jusqu’à présent, hélas !
Après bien des efforts, et malgré la difficile digestion de la zone d’occupation communiste (Sourires sur les bancs du groupe GDR), l’Allemagne est plus compétitive que la France, puisqu’elle vend très cher des produits de qualité fabriqués par des ouvriers qui ont des revenus supérieurs à ceux des Français, mais avec un coût salarial plus faible.
M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Christian Vanneste. Le coût français a doublé celui des Allemands en 2001. Comme le montre Christian Gianella, les 35 heures de Mme Aubry ont eu un effet macroéconomique à long terme négatif, alors que l’effet microéconomique à court terme pouvait paraître positif, ici ou là. Les 35 heures sont bien l’une des causes du chômage industriel !
Monsieur le ministre, vous avez déclaré qu’il fallait sortir de la crise « plus forts ». Le Président de la République avait lui-même déclaré, en septembre dernier : « Si on ne garde pas les usines, on n’aura pas d’emplois ». Pour faire face à la crise, de nouveaux moyens ont été créés : médiateur du crédit, médiateur de la sous-traitance, Fonds d’intervention stratégique, Fonds national de revitalisation des territoires. Il y a encore beaucoup à faire, mais le maintien et le développement de l’industrie française sont des enjeux qui méritent tous nos efforts.
M. Thierry Benoit. Très bien. Le message est clair !
(…)
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Monsieur Christian Vanneste, vous connaissez mon attachement à défendre notre industrie et vous pourrez en témoigner : nous avons lutté tous les deux pour défendre les chantiers Wauquiez et nous avons réussi, en faisant en sorte que les actionnaires apportent l’argent nécessaire. Le tribunal de commerce a approuvé hier la sortie de la période de sauvegarde, sans condition. Je veux ici souligner l’action des services de l’État, et notamment de François Yoyotte, commissaire à la réindustrialisation, qui ont permis de dénouer la situation.
Vous évoquez aujourd’hui le dossier de SCA, qui vient d’annoncer la fermeture de son site comptant 280 salariés. J’y serai très attentif. Il faut en particulier que toutes les pistes de reconversion du site soient étudiées avec la plus grande attention. La commune de Linselles est éligible aux aides à finalité régionale. Je suis prêt à intervenir auprès de Michel Mercier si un projet de reprise du site, éligible au dispositif, voyait le jour.
Au-delà de ce dossier emblématique, le Gouvernement s’est attaché à accompagner beaucoup mieux qu’auparavant le reclassement des salariés, grâce au contrat de transition professionnelle, le CTP. Toujours chez vous, monsieur Vanneste, le CTP permet de maintenir 90 % du salaire net pendant douze mois lorsqu’un salarié est licencié après une liquidation ou lorsqu’il travaillait pour une entreprise de moins de 1 000 personnes.
En tout cas, je tiens à saluer votre action personnelle sur l’ensemble de ces dossiers, qui nous a aidés à trouver des réponses dans un certain nombre de cas et, pour les problèmes n’ayant pas encore été résolus, je serai attentif à ce que nous puissions trouver des solutions.(…)