M. Christian Vanneste interroge Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la fin du bail dérogatoire. Ce bail dérogatoire est conclu pour une durée au plus égale à deux ans. L’article L. 145-5, alinéa 2, du code de commerce dispose que “si à l’expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre”. La jurisprudence actuelle de la Cour de cassation exige de l’une des parties et notamment du bailleur qu’il se manifeste préalablement à la fin du bail dérogatoire et qu’à défaut il s’opère aussitôt un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux. Toute manifestation postérieure à la date du bail dérogatoire de l’une des parties pour s’opposer au nouveau bail est sans effet. L’expression “laisser en possession” sous-entend au contraire que le locataire reste dans les lieux à l’expiration du bail un certain temps qu’il convient de quantifier. Le 105e congrès des notaires de France a proposé en mai 2009 que le statut des baux commerciaux ne s’applique que trente jours après l’expiration du bail dérogatoire si aucune des parties n’a manifesté, dans ce délai, une volonté contraire. Il aimerait connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet.
Réponse du gouvernement :
Le rapport intitulé « Propositions pour une modernisation du régime juridique des baux commerciaux et professionnels » présenté en avril 2004 au garde des sceaux par le groupe de travail constitué sous la présidence de Me Philippe Pelletier préconisait de permettre la succession de plusieurs baux dérogatoires dans la limite de la durée totale de deux ans (proposition 5) et de clarifier la situation juridique des parties à l’issue de la période dérogatoire (proposition 6). S’agissant de cette dernière proposition, le rapport précisait qu’à droit constant, le groupe de travail avait pensé utile d’insérer dans la loi la solution jurisprudentielle organisant la situation des parties à l’issue de la période dérogatoire (titre III, chap. 2, n° 81). L’article 44 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a repris la proposition n° 5 du rapport Pelletier. En revanche, la proposition n° 6 n’a pas été retenue dès lors que la rédaction du deuxième alinéa de l’article L. 145-5 du code de commerce, qui dispose que « si, à l’expiration de cette durée (du bail dérogatoire), le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre », apparaît suffisamment claire, et a été interprétée sans aucune ambiguïté par la Cour de cassation. Aussi, pour écarter l’application du statut des baux commerciaux à l’issue d’un bail dérogatoire, le bailleur doit faire connaître avant l’arrivée du terme son intention de ne pas poursuivre la relation contractuelle, sans qu’un congé soit nécessaire pour ce faire (Cour de cassation, chambre civile 3°, 27 octobre 2009, n° 08-17246), à moins que le preneur qui a acquis le bénéfice du statut manifeste expressément et en toute connaissance de cause sa volonté d’y renoncer. Dans ces conditions, il n’apparaît pas utile de prévoir que le statut des baux commerciaux ne s’applique que trente jours après l’expiration du bail dérogatoire si aucune des parties n’a manifesté, dans ce délai, une volonté contraire, ce qui, au demeurant, poserait la question de la situation juridique des parties pendant cette période, le bail dérogatoire étant expiré et le statut des baux commerciaux non encore applicable.
Question publiée au JO le : 22/12/2009 page : 12187
Réponse publiée au JO le : 11/05/2010 page : 5358