Hier, une bonne partie des Français avait le regard fixé sur un rectangle de gazon sud-africain. Au bout de 90 minutes, un mythe s’est dissipé. Ce non-événement m’inspire trois réflexions : d’abord, un mythe est un mensonge collectif, une illusion. Depuis 1998, beaucoup de français ont cru que l’équipe de football nationale était une grande équipe. C’était manquer de lucidité. Il suffit de se remémorer les commentaires de Thierry Henry sur les entraînements de Domenech pour s’en convaincre : « on s’ennuie… on ne sait pas comment jouer, où se situer, comment s’organiser. On n’a aucun style, aucune idée directrice, aucune identité. » Ensuite un mythe peut être soit un levier, soit un masque. En 1998, il avait joué son rôle pour relever le moral des français et avait sans doute eu des conséquences heureuses sur notre vie sociale et économique. Depuis, il a davantage eu pour fonction de cacher la réalité, de faire croire que la victoire de 11 joueurs pouvait si peu que ce soit remplacer le recul très réel de notre pays dans le monde, dans ses réalités politique et économique. En quoi deux équipes égales de pays profondément inégaux dans leur puissance et dans leur richesse peuvent-ils prétendre les représenter ? Il ne faut pas confondre symbole et gadget. Enfin, quel rapport y a-t-il profondément entre des professionnels du sport, rémunérés au-delà du raisonnable, supports vivants de publicité, jouant pour beaucoup dans des clubs étrangers, et la nation française, et son État. La présence critique ou berceuse des Ministres, dont le voyage est d’ailleurs, contrairement à celui des joueurs, payé par les contribuables a-t-elle une légitimité ? La pratique sportive des français peut être un objectif politique. La victoire de l’équipe de France ne l’est pas à moins de vouloir souligner à quel point notre situation actuelle rappelle celle de la décadence romaine : panem et circenses. Les gladiateurs sont de retour pour détourner le peuple du vide quotidien.
Aujourd’hui, c’est le 70ème anniversaire de l’Appel du 18 juin. C’est ce jour qu’a commencé l’épopée de la France libre. Il y a dans une épopée comme dans un mythe, une dimension légendaire, un embellissement rétrospectif que certains se plaisent à réduire et à détruire. L’épopée n’est pas vraiment l’histoire. Elle est cette vision de l’histoire qui donne des raisons de vivre le présent, et d’en être l’acteur. Le jour où De Gaulle a sauvé l’honneur de la France, il a donné à de nombreux français la raison d’offrir leur vie pour elle, pour sa liberté et pour sa grandeur. Ce souvenir ne doit pas être considéré comme une nostalgie inutile, mais au contraire comme l’expression du vouloir-vivre de notre nation que le Général exprimait, à la fin des Mémoires de Guerre avec ce talent littéraire que certains petits professeurs semblent lui dénier : « vieil homme, recru d’épreuves, mais jamais las de guetter dans l’ombre la lueur de l’espérance ! »