Nous examinions hier, lundi, la proposition de loi de mon collègue Morel-A-L’Huissier relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires.
« Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Cette parole du Président Kennedy prend tout son sens en cette année 2011, année européenne du volontariat, dans la vieille Europe épuisée par ses États-Providence.
Elle résonne particulièrement en France. Notre pays peut être légitimement fier de l’efficacité et du professionnalisme de ses services publics de sécurité. Mais on y cultive, sans doute plus qu’ailleurs, les écarts entre les personnels qui y travaillent et la population qui en bénéficie, entre les fonctionnaires statutaires et les salariés des entreprises privées.
Cette double fracture n’est pas sans conséquences fâcheuses : de manière générale, la France est efficiente pour les interventions curatives, mais déficiente dans l’action préventive. Les services fonctionnent, mais la population est insuffisamment informée, insuffisamment motivée.
Récemment, se tenait à la Préfecture de Lille une audition des services de sécurité mobilisables en cas d’accident nucléaire à la Centrale de Gravelines. Un incident y fut relaté : lors du déclenchement fortuit d’une sirène, la population est sortie « pour voir », faisant exactement le contraire de ce qui était recommandé. Nous demeurons toujours en retard également pour l’apprentissage des gestes qui sauvent.
Or, la sécurité est un élément primordial du Bien Commun. Elle doit faire l’objet d’une coproduction entre les professionnels et la population. Dans cette perspective, la participation de volontaires issus de la population doit jouer un double rôle : en amont, celui de relayer l’information et la motivation ; en aval, celui de compléter l’action.
On parle souvent de la participation des citoyens dans le cadre de l’extension de leurs droits. Dans l’esprit de la Déclaration des Droits et des Devoirs de 1795, il faut rappeler avec force le devoir pour les citoyens de participer à la réalisation du Bien Commun. Ce rappel est d’autant plus opportun que l’occasion essentielle qui était offerte, le Service National, a été suspendue. C’est dans cet esprit qu’a été rédigé, en 2010, le rapport de la commission « Ambition Volontariat », présidée par Luc Ferry, déjà chargé l’année précédente d’un rapport sur le service civique volontaire, encore aujourd’hui insuffisamment traduit dans les faits.
Celui de 2010, consacré aux Sapeurs Pompiers Volontaires, qui est à l’origine de la Proposition de Loi que nous examinons lançait le cri d’alarme : « sans les volontaires, c’est tout notre système de protection et de sécurité civile qui s’effondrerait ». La départementalisation, le regroupement des SDIS, la tentation de l’hyper professionnalisme vont à l’encontre du volontariat. Mais de manière plus profonde, je cite le rapport, « l’engagement citoyen connaît une véritable crise. L’individualisme, les intérêts personnels, la vie familiale prennent le pas ». Enfin, la judiciarisation croissante décourage les bonnes volontés. Les effectifs des Sapeurs Pompiers Volontaires sont en constante diminution depuis 2004.
Le texte que nous étudions aujourd’hui veut enrayer et inverser ce processus. Je l’ai cosigné.
Je souhaite toutefois souligner trois préoccupations.
Le recrutement d’un plus grand nombre de sapeurs pompiers volontaires au sein d’un public plus diversifié devrait passer par une intégration des possibilités offertes par le Service Civique à ce dispositif.
Une plus grande égalité devrait être recherchée entre les collectivités territoriales et les entreprises, entre les fonctionnaires d’une part, et les travailleurs du secteur privé, y compris les chefs d’entreprises. La proposition de loi « Conforter le volontariat dans le corps des sapeurs-pompiers » avait inscrit dans son article 5 « les entreprises employant des sapeurs-pompiers volontaires ont droit à leur demande de bénéficier d’une exonération de prélèvements sociaux à hauteur de 30% ».
Enfin, l’attribution de facilités matérielles en vue d’améliorer la disponibilité des volontaires me paraît une excellente disposition. Je pense en particulier à la création de logements civiques à proximité des Centres d’Incendie et de Secours.
En votant ce texte, nous allons satisfaire le troisième objectif du rapport Ambition volontariat, celui de la Reconnaissance envers des citoyens qui s’engagent, et qui doivent être pour les autres des exemples encourageants.