Faut-il intervenir en Syrie comme en Libye ? Nicolas Sarkozy estime les deux situations comparables. Son droit à la parole sur cette question ne fait aucun doute : la décision d’intervenir pour aider la révolution libyenne à chasser Kadhafi a joué un rôle déterminant dans la chute du dictateur et, prise à temps, elle a permis à la France, au Royaume-Uni, à deux monarchies du Golfe, soutenus par les Etats-Unis de défaire l’armée du régime et de susciter l’avènement d’un système parlementaire apparemment dominé par des “libéraux”. Si n’était l’onde de choc imprévue et non maîtrisée sur le Mali, le succès de l’ancien Président de la République serait total.
Les similitudes existent : les mauvaises langues n’omettront pas de rappeler que les deux dictateurs ont été reçus en grande pompe à Paris, alors que leurs régimes respectifs étaient responsables d’attentats contre des Français. Le 19 septembre 1989, 170 personnes, dont 54 Français trouvaient la mort dans le DC 10 d’UTA abattu au-dessus du Niger. Le 23 octobre 1983, 58 parachutistes mourraient dans l’explosion du Drakkar au Liban, immeuble précédemment occupé par les services secrets syriens. Il s’agit donc de deux pouvoirs parfaitement antipathiques appuyés sur des minorités, tribale en Libye, religieuse en Syrie, avec pour ennemis de l’intérieur notamment des islamistes sunnites et à l’extérieur les monarchies pétrolières, et leur parrain américain.
Pour le reste, les différences sont considérables : 23 millions de Syriens pour 7 de Libyens. Une armée puissante qui a participé en première ligne aux guerres contre Israël derrière Bashar El Hassad, un semblant de force militaire pour Kadhafi ; la neutralité, certes agacée ,des Russes et des Chinois en Libye et un soutien solide, au contraire, à leur allié syrien, avec le relais non négligeable de l’Iran. On retrouve ici la thèse développée par Huntington dans le Choc des Civilisations : en première ligne le régime syrien contre les révolutionnaires, en seconde ligne, l’Iran Chiite contre les monarchies sunnites ( qui ont écrasé dans l’indifférence occidentale la révolte de la majorité chiite de Bahrein ), en troisième ligne, la Russie Orthodoxe, la Chine Confucéenne contre l’Occident, qui, en l’occurrence n’a rien de chrétien; Le pouvoir est détenu en Syrie, comme il l’était dans l’Irak de Saddam Hussein par le Parti Baas, formation nationaliste arabe, fondée dans les années 30 et 40 notamment par un chrétien, Michel Aflak. Ce mouvement affiche une certaine laïcité qui lui permet de rassembler les minorités religieuses, les Alaouites qui se sont accaparés avec le clan Assad la plus grande partie du pouvoir (12% de la population), les Chrétiens (10%), les chiites et les Druzes (9%). Celles-ci n’attendent rien de bon de l’effondrement du régime. Certains imaginent même une partition, qui isolerait la bande côtière nord, majoritairement alaouite avec pour conséquence un renforcement du rapport de force Sunnites / Chrétiens. N’entend-on pas chez les adversaires d’Assad le slogan :” les Alaouites au tombeau, les Chrétiens à Beyrouth” ? Ces Chrétiens dont il faut rappeler qu’ils étaient là dans ce berceau de leur foi avant les Musulmans ! La principale différence entre les deux situations réside bien en cela : d’un côté, un pays et un Etat récents et superficiels, juste un vernis sur une réalité tribale et géographique beaucoup plus profonde. Lorsque la tribu des Warfala et son million de membres a fait sécession en Cyrènaîque, et que cette révolte a été soutenue par les “Mégharas” de Tripolitaine, le régime de Khadafi ne tenait plus qu’à un fil que Sarkozy a peut-être eu raison de couper. L’avenir nous le dira. De l’autre, La Syrie, au contraire se situe au coeur du berceau des civilisations méditerranéennes. C’est sur le chemin de Damas que Saint PAUL devient le principal propagateur de la foi chrétienne, c’est Damas aussi qui devient la capitale du premier califat, celui des Omeyyades, dans cette région qui lors de la disparition de l’Empire Ottoman, sera dévolue à la France, laquelle n’est pas étrangère à la place que les Alaouites ont prise en Syrie.
En se rendant dans ce qui était encore le Levant français, le Général De Gaulle disait qu’il allait vers l’Orient compliqué avec quelques idées simples. Eh oui ! La situation syrienne est complexe. Ni politiquement, ni militairement, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur, ni par rapport à la France, ni par rapport à la mission séculaire de notre Pays auprès des Chrétiens d’Orient, la Syrie n’est comparable à la Libye : des idées simples peut-être, mais pas d’idées simplistes !
4 commentaires
@ Monsieur le Député:
Etant donnés le rôle joué par la CIA dans l’insurrection syrienne et la proximité des points de vue entre Barrey Soetoro et le Président socialiste, David Cameron peut-il actuellement déclencher une opération militaire ?
C’est militairement impossible. Il faudrait une intervention terrestre comparable à celle qui s’est déployée en Irak. L’armée syrienne et le soutien d’une partie non négligeable de la population ne permettent pas d’envisager cette hypothèse surtout à quelques mois des élections américaines, me semble-t-il.
Pourquoi est-ce toujours l’Occident qui devrait prendre en charge et résoudre les problèmes de l’Orient, et jamais l’inverse ??
Je n’ai jamais été un soutien de Bachar El Assad mais j’ai connu et je connais de nombreux Chrétiens qui vivaient heureux en Syrie ( comme les druses et les alaouites ). Bachar est, peut etre, un dictateur mais ce titre peut aussi etre donné dans ce cas a de nombreux de nos bons amis d’Afrique ( noire ou pas ) et la Syrie est le seul pays arabes a etre vraiment laique. Le seul. je n’ai jamais été un soutien de Bachar et je le suis devenu. Ce pays qui vivait en paix est en guerre a cause de fanatiques religieux venus de ces grandes ” démocraties ” du Quatar et de l’Arabie saoudite qui les arment et les financent ( comme ils le font avec AQMI au Mali d’ailleurs…) . Avec l’aide évidemment des USA de la France et…d’Israel . J’ai défendu Israel régulierement , systématiquement devrais je dire , mais actuellement je ne peux pas. La lutte contre l’Iran n’implique pas tout et n’importe quoi. Il faut faire ” exploser ” la Syrie avec toutes les conséquences dramatiques qui suivront pour affaiblir l’iran ? Je dis non. Peut etre Israel se débarassera de bachar et du hezbollah, mais a quel prix ? Cela pretera a sourire lorsqu’Israel sera entourée de pays islamistes salafistes …
Patrick Mennessier.
DLR 49