Depuis Félix Faure, plus un Président de La République n’avait imaginé revêtir un uniforme de fonction. François Hollande a désormais le sien, la robe de bure qu’il va endosser pour ses voyages outre-mer : on avait la flagellation sur l’esclavage à Dakar, on aura une nouvelle séance à propos du 17 Octobre 1961 à Alger. Ce retour du refoulé historique joue en France un rôle démesuré dans l’expression politique sur lequel il est intéressant de s’interroger.
La repentance est entrée dans notre histoire avec la célèbre phrase de Pétain sur la mémoire courte des Français. Jusque là, ils avaient plutôt bonne opinion d’eux-même et tiraient une légitime fierté de la victoire à l’arraché de 1918 au bout de la nuit des efforts et des sacrifices. Or, Mitterrand, Chirac et Hollande ont réintroduit cette culpabilité collective dans leurs discours. La différence saute aux yeux : les fautes supposées des Français de 1940-41 étaient proches dans le temps et pouvaient s’identifier à leurs choix politiques qui avaient privilégié le bonheur de vivre en France au danger de vivre à côté de l’Allemagne nazie. Les péchés pour lesquels, depuis trente ans, leurs chefs d’Etat battent leur coulpe sur la poitrine des Français sont ou lointains dans le temps, ou isolés dans l’espace et l’on peut se demander quelle en est la raison.
Il y en a plusieurs. La première et la plus importante relie la repentance d’aujourd’hui à celle d’hier. “Vichy nul et non avenu” disait De Gaulle, qui, à part son modeste et tardif poste de sous-secrétaire d’Etat, n’avait aucun rapport avec le personnel politique de la IIIe République. Disant cela, il voulait la continuité de la République, mais il savait aussi combien les hommes et leurs pratiques s’étaient maintenus entre la fin de celle-ci et le début de l’Etat Français. Il savait que ceux qui avaient amené la France là où elle en était, les politiques comme les militaires, étaient empressés de se décharger de leur responsabilité sur le dos des Français. De Gaulle voulait des hommes nouveaux, des pratiques différentes et surtout un état d’esprit opposé, fondé sur la fierté et sur la confiance. C’est la raison pour laquelle, ayant lui-même, à deux reprises tiré notre pays de la catastrophe, il n’avait aucune faute à rejeter sur le peuple ou la République, mais une fierté à partager. De Gaulle est malheureusement une exception. Il suffit de comparer notre histoire à celle du Royaume-Uni pour comprendre ce prurit pénitentiel qui habite nos politiciens. Nos voisins britanniques ont sur nous deux avantages : ils habitent une île moins exposée aux invasions et ils ont été plus souvent gouvernés par la droite conservatrice que par la gauche. Pas de dictature depuis Cromwell et sa courte république, pas d’occupation étrangère, la colonisation la plus considérable de l’histoire et une décolonisation globalement réussie qui laissent une grande partie du monde peuplée d’anglo-saxons, où l’on parle anglais ou encore qui entretient avec l’ancienne puissance coloniale des rapports apaisés. Pendant ce temps, la France, brandissant plus ou moins sa Déclaration des Droits de l’Homme entre une dictature et une guerre civile larvée, a collectionné les déserts, a manqué leur exploitation ou leur peuplement, tandis qu’elle connaissait l’invasion à cinq reprises, quatre à l’occasion de défaites et la cinquième pendant une guerre mal préparée qui a provoqué une saignée irréparable dans la population française. Les politiciens français, et ceux de gauche, en particulier, ont beaucoup à se faire pardonner. Alors dans leur inconscient chargé s’opère un transfert : tous coupables ! C’est la France qui est coupable ! Il faut donc leur rappeler que la colonisation, c’était Ferry, que les mutineries de 1917, chères à Jospin, c’était la conséquence d’une guerre voulue et mal préparée par les gouvernements de gauche qui s’étaient succédés sans interruption depuis 1879, que Munich a lieu sous le Front Populaire qui a laissé sans réponse toutes les agressions hitlériennes, que les gouvernements auxquels participait François Mitterrand sous la IVe République ont enlisé notre pays dans deux guerres coloniales à l’issue politique et humaine désastreuse ! Que ceux qui héritent de ce lourd passé présentent leurs excuses, oui, mais c’est au Peuple Français qu’ils devraient les présenter pour leur incurie transmise de génération en génération !
En fait, la gauche n’a pas la mémoire courte. Elle a la mémoire sélective. Son imprégnation idéologique lui fait systématiquement réécrire l’Histoire, comme le fait l’Etat totalitaire imaginé par Orwell dans 1984. D’abord, l’histoire est westernienne, avec ses méchants indiens de droite et ses gentils cow-boys de gauche. La rafle du Vel d’hiv, les supposées noyades de 1961 ont une double parenté, la droite et la police parisienne. Le trait d’union existe : Papon, préfet de Pétain puis de De Gaulle et même Ministre. Mais Papon était à Bordeaux et en 1942, c’est un homme de gauche, un ami de Mitterrand, plus tard, qui est à Paris, c’est Bousquet. Entre la rafle évidemment ignoble de 1942 de Juifs auxquels la France n’avait strictement rien à reprocher et dont la destination réelle était, on peut l’espérer, ignorée des organisateurs français et la répression de la manifestation de 1961, il n’y a rien de commun. En 1961, l’Etat Républicain fait face à des manifestants qui viennent à Paris jeter de l’huile sur le feu en soutenant le FLN, c’est-à-dire le mouvement responsable de la mort de milliers d’appelés du contingent qui sont allés faire leur service en Algérie. Ils le font alors même que le Général De Gaulle s’est engagé dans la voie tragique de l’autodétermination, au terme de laquelle les Français d’Algérie, contraints de quitter leur pays, penseront avec amertume qu’il les a trahis. Les morts de la rue d’Isly, ceux des massacres d’Oran, les dizaines de milliers de Harkis assassinés doivent-ils, eux être oubliés, comme le sont les canonnés de Lyon, les noyés de Nantes ou les victimes du génocide vendéen ? De Gaulle ne pouvait sans doute pas mener une autre politique. Son indifférence au sort des partisans de l’Algérie Française reste une ombre dans la biographie de celui qui a sauvé le pays et son honneur dans les moments les plus difficiles, mais il est indigne de venir aujourd’hui reprocher à la France, et donc au Général, d’avoir agi avec fermeté dans un contexte passionnel dont la plupart des Français actuels ignorent tout. François Mitterrand était Ministre de la Justice lorsqu’on a confié à l’Armée la lutte contre le terrorisme à Alger, avec les moyens que l’on sait. Je doute que François Hollande aille s’en excuser et promettre des réparations.
Il ne faut pas confondre, comme le fait la gauche la Mémoire avec l’Histoire. Celle-ci a le droit et même le devoir de tout étudier, de tout chercher, de tout éclairer. Par exemple, l’étude de l’esclavage ne se limite pas à celui qui s’est développé sur l’Atlantique au profit des pays européens, il doit aussi prendre en compte celui qui était pratiqué par les barbaresques installés en Afrique du Nord au détriment des européens. La Mémoire, au contraire, est la construction de sa légende par un pays afin qu’au travers des commémorations des grands moments de son histoire, il puisse transmettre un idéal, une confiance en son avenir aux jeunes générations. La mémoire pour un pays comme le nôtre dont l’histoire a été malheureuse, mais globalement digne, doit être faite de célébrations non de contritions.
7 commentaires
Bonjour Monsieur le Député,
à la première lecture, je partage votre opinion.
En effet, j’en ai assez de battre ma culpe, parceque je suis Français et donc repentant du comportement des générations précédentes.
… à la première lecture seulement.
Je ne suis pas un politique, je ne fais pas de recherche pointue sur les événements que vous développez et je réponds par esprit de partage.
Donc, Monsieur le Député ne pensez-vous pas que cette repantence d’état
(1995 Chirac tout d’abord !) n’entrerait-elle pas dans une politique plus globale d’absorbtion républicaine pour 6 millions de français musulmans ? L’extrémisme de quelques centaines de fous barbus, fragilise ce bien vivre partagé. L’état donne des signes d’apaisement, de fraternité. Evidemment, une frange de la classe politique nationale dont vous faites partie, relève sa crête de coq mais ce qui compte n’est-ce pas, c’est bien une intégration réussie ?… Vous êtes bien d’accord, Monsieur le Député ? Ou bien préfèreriez-vous une guerre civile ?
L’intégration ne peut reposer que sur une histoire et une fierté nationale partagées. Les Pieds-Noirs aussi ont dû s’intégrer en Métropole et on ne les a guère aidés, en ignorant des souffrances autrement plus profondes que celles du 17 Octobre. Les Français d’origine algérienne n’ont rien à voir avec des manifestants qui se voulaient Algériens. Quant aux Algériens d’aujourd’hui, ils ont ce qu’ils voulaient et doivent accepter un respect mutuel sans manipulation d’une situation victimaire dont la réalité est historiquement discutable.
Bravo Monsieur le député de dire haut et fort ce que nous ne pouvons pas dire nous même .
@ Buil:
“Je ne suis pas un politique, je ne fais pas de recherche pointue sur les événements que vous développez et je réponds par esprit de partage.”
A la fin de l’année 1960, la guerre entre le FLN et le MNA avait déjà fait 1525 morts et 1291 blessés parmi les travailleurs nord-africains qui ne respectaient les lois ou l’imposition fixées par le FLN. Ce dernier était aidé par le réseau dit des “porteurs de valises” qui accueillait en Métropole les tueurs de travailleurs algériens. En 1960, une quinzaine des membres de ce réseau furent condamnés à dix ans de prison et, en 1998, certaines de ces personnes recevirent, à Paris, une décoration algérienne en reconnaissance des services rendus au FLN.
François Hollande ferait mieux de se taire; à l’époque de ces évènements, il avait tout juste l’âge de raison !
P.S. – Lisez “MOI, FRANCOIS NORMAL” dans “Les dossiers du Canard
enchaîné” venant de paraître !
Félix Faure ? J’imagine plutôt Hollande finir comme Paul Deschanel.
@ F.F.T:
” François Hollande ferait mieux de se taire; ”
On se souvient que le candidat socialiste, qui n’avait que 519.638 voix d’avance par rapport à Nicolas Sarkozy lors du premier tour de l’élection présidentielle, resta parfaitement muet lorsque Martine Delors comparaissait Nicolas Sarkozy à Bernard Madoff ou lorsque le MJS collait des affiches hitlériennes anti-sarkozystes.