François Hollande est en Russie. Bonne occasion d’évoquer la retraite, d’autant plus qu’en France, c’est la Bérézina économique et sociale. Alors, le Président va devoir faire machine arrière, annoncer que la gauche se replie sur des positions plus solides, mûrement préparées à l’avance, en raison de l’héritage calamiteux de la droite. Comme ce n’est pas la guerre mais la politique avec de petits moyens, on va commencer par réunir une commission qui va plancher sur… LES RETRAITES, bien sûr ! L’amateur de petites blagues va pouvoir en faire une sur la retraite sur les retraites. L’ennui, c’est que çà ne va faire rire personne. Ni les socialistes qui vont devoir expliquer que leurs critiques de la droite et leurs promesses étaient soit des preuves d’incompétence, soit des signes de mauvaise foi, ni les électeurs de François Hollande qui vont se prendre pour des corbeaux après la perte du fromage, ni l’opposition qui n’a pas su convaincre lorsqu’elle était majoritaire. Le COR (Conseil d’Orientation des Retraites) a sonné non pas la retraite, mais le branle-bas de combat, pour ne pas dire la charge, ou plutôt les CHARGES ! Après trois ou quatre réformes, Balladur en 1993, pour le régime général, Raffarin/Fillon en 2003, pour la fonction publique, Fillon/Bertrand en 2007 pour les régimes spéciaux, et Fillon/Woerth en 2010, la situation devient périlleuse pour l’avenir des retraites qu’on ne peut plus financer sans déficit ni endettement insupportables. Le rétroviseur est impitoyable : entre les réformes comptables menées à petits pas au lendemain des victoires électorales de la “droite”, l’echec de Juppé en 1995, la politique de l’autruche de Jospin, et le trompe-l’oeil de Bertrand, qui a permis à Sarkozy de se vanter de savoir mener une réforme, alors qu’il abandonnait discrètement de la main gauche, avec l’intégration des primes ou l’augmentation des échelons, ce qu’il avait affiché de gagner de la main droite, c’est un festival de lâcheté, d’irresponsabilité et de calculs à court terme aussi bien des gouvernements que des partenaires sociaux. Le résultat est là : le mur est devant nous, hérissé de déficits, avec ceux des caisses complémentaires, qui auront épuisé leurs réserves en 2017 et 2020, ceux de régimes spéciaux pour lesquels l’Etat a dû augmenter sa subvention d’équilibre jusqu’à 3,2 Milliards d’Euros en 2012 rien que pour la SNCF, et avec un déficit global qui passe de 14 Milliards en 2011 à 21 Milliards voire 25 Milliards en 2020.
De grands et beaux discours sur le système social que le monde entier nous envie, sur la répartition que nous n’abandonnerons jamais, sur l’égalité plus que jamais au coeur de la République, qui permet à un conducteur de TGV de partir en retraite confortable dix ans avant un ouvrier, auquel on parle de pénibilité avec compassion, jalonnent ce parcours peu glorieux. Une réflexion va être menée par des spécialistes, dont certains ont déjà participé à la rédaction des nombreux rapports sur le sujet. Le rapport rapporte la question, la commission l’enterre et cependant l’horizon des chiffres, des déficits, de la dette, des dépenses, des prélèvements obligatoires, et du chômage contrairement à tout horizon respectueux de ses obligations, ne reculera pas. Il faudra choisir entre les trois solutions sans imagination auxquelles doivent se préparer les Français : soit ils cotiseront davantage, ce qui augmentera le coût du travail avec à la clef une perte de pouvoir d’achat et d’emplois… soit ils travailleront plus longtemps avec le sentiment que ce n’était pas la peine de changer de gouvernement…soit enfin ils verront leurs retraites amputées par un coup de ciseau avec CSG, côté prélèvement, et gel côté versement. Madame Touraine en a perdu son sourire triomphant et partage avec les Français la perte de son assurance. La droite ricane mais ses réformes comptables, tardives, insuffisantes, incomprises des Français en raison de l’irresponsabilité de la gauche et de certains syndicats, notamment la calamiteuse CGT, n’ont jamais été à la mesure des enjeux.
Il y a pourtant une solution, qui a été adoptée par la Suède qui a mis huit ans à la faire naître dans un consensus général politique et syndical parce qu’elle avait vu le problème assez tôt et qu’elle avait choisi le courage de la vérité et la patience de la concertation. J’avais d’ailleurs défendu ce modèle lors du débat parlementaire de 2010, et je n’étais pas le seul. Les Comptes Notionnels suédois marient la répartiton, puisque ce sont les cotisations qui financent principalement les arrérages perçus par les retraités( 8/9èmes pour 1/9ème de capitalisation) et les points, puisque c’est la somme de ceux-ci acquis au cours de la vie de travail qui fixe le niveau de la retraite. Ce système est unique et simple. La valeur du point diminue en fonction de l’éspérance de vie et varie selon l’évolution du salaire moyen suédois. J’avais proposé qu’on introduise deux éléments nouveaux, la pénibilité, souvent évoquée, mais jamais traitée et l’investissement associatif d’intérêt public. La première serait un troisième indice de la valeur du point et le second pourrait accorder des points supplémentaires. Tout suédois peut prendre sa retraite à 61 ans. Un an avant, il reçoit dans une enveloppe orange l’évaluation précise de sa retraite et fait son choix en prenant en compte sa situation personnelle et familiale et le pouvoir d’achat acquis. Il peut continuer à travailler si cela lui paraît nécessaire. La liberté responsable de la personne, les possibilités économiques du pays, la réalité des conditions de vie interviennent également dans cette solution qui est une belle leçon de liberté et d’équité sinon d’égalité dont les Français sont malheureusement bien éloignés.
2 commentaires
Il faudrait aussi faciliter la retraite par capitalisation. Les fonctionnaires en bénéficient et ils n’ont pas l’air de s’en plaindre.
J’ai apporté la précision demandée dans une modification du texte. Tout-à-fait d’accord pour une part de capitalisation.