Le Palais du Luxembourg, ses ors et ses tapis profonds, flattent les délicates narines sénatoriales d’un suave parfum florentin hérité de sa plus prestigieuse propriétaire, après la République, bien sûr, Marie de Médicis. En revanche, les marées populaires qui ont déferlé sur Paris avaient une odeur de populisme pour ne pas dire de peuple qui ont désagréablement touché certains des Sénateurs qui ont eu assez de nez pour se faire élire par de grands et peu nombreux électeurs dans cette chambre confortable aux sièges sur mesure.
Elus au suffrage indirect, les Sénateurs bénéficient d’un légitimité moins forte que celle des Députés. Il n’ont pas le dernier mot. S’ils votent le texte de la loi, une Commission Mixte Paritaire permettra de limer les quelques aspérités entre les textes des deux Assemblées, et celui-ci sera voté définitivement par les deux Chambres. Sinon, l’Assemblée l’emportera. Le vote du Sénat est-il donc superflu ? Non, car le Sénat offre une ambivalence qui en fait le charme. Un mandat plus long, une absence de dissolution, une tradition d’échanges courtois et de recherche du consensus mettent, en principe, ses débats à l’abri des tempêtes de l’actualité. Pas de regard des médias braqué en permanence sur les 4 colonnes, pas de manifestation continue devant ses portes. Mais le Sénat a changé. Auparavant, pour un mandat de 9 ans, ses élus étaient surtout des détenteurs de mandats locaux, ou des Députés qui venaient faire profiter la République de leur longue expérience. On a établi sur ce recrutement l’idée d’une chambre sage, mais souvent “conservatrice” ou formaliste, et surtout trop attachée aux intérêts locaux liés à son élection. Les nouveaux Sénateurs élus pour 6 ans présentent un autre profil : il s’agit d’élus qui ne pourraient pas l’être directement et qui ne le sont sur une liste que grâce au soutien d’un parti. Lorsqu’on entend certains d’entre eux se réclamer fortement de la représentation populaire pour refuser un référendum, on doit cacher un sourire, qu’ils dénonceraient comme factieux.
Le débat du Sénat sur le mariage unisexe, au résultat incertain, fera planer dans l’hémicycle des fumets disparates. La retenue et le modération ont limité à 279 les amendements contre 5000 à l’Assemblée, par respect d’une technique législative sérieuse. Les élus de la Droite enracinée dans la Province mènent l’offensive contre le texte, rejoints au moins dans l’abstention, sans doute par la gauche des valeurs, à l’image de Jean-Pierre Chevènement, et par celle du bon sens encore fortement présente dans la tradition de l’Outre-Mer. Malheureusement, des Sénateurs de l’opposition seront peut-être responsables du vote du texte, soit parce qu’ils auront confondu vie privée et intérêt public, soit parce qu’ils trahissent sans vergogne ceux qui les ont élus ou fait élire. L’UMP n’aura pas failli à son imposture intrinsèque en proposant, avec ce geste si sénatorial de la recherche du consensus, une Union Civile qui améliorerait le PaCS, sans doute pour montrer qu’il était idiot de s’y opposer auparavant… S’éventant d’un revers de main pour chasser les émanations des foules en colère, le rapporteur du texte n’a pas voulu recevoir les représentants de la “Manif pour Tous”. Cachez ce peuple que je ne saurais voir a dit notre Tartuffe dans un remugle de mauvaise foi. Comment ? Voici des élus indirects qui ont retardé, depuis que la gauche est majoritaire au Sénat, le vote de la loi organique permettant de mettre en oeuvre le référendum d’initiative partagée issu de la Réforme Constitutionnelle de 2008, et qui s’empressent de voter cette absurde loi Taubira ! Ce sont les mêmes qui, la main sur le coeur, prétendent que le mariage, c’est sociétal, alors que l’article 11 de la Constitution n’ouvre le Référendum qu’au social : casuistes pleins de morgue et de dédain qui tolèrent que le Peuple s’occupe des petites choses mais se réservent le privilège de chambouler l’Anthropologie à la demande de certaines coteries.
Dimanche, les Alsaciens, en vertu de l’article 72 cette fois, pouvaient voter la fusion des départements dans la Région. Cette possibilité est ouverte depuis la réforme constitutionnelle de 2003. Favorable à la disparition des Départements, et auteur d’une Proposition de Loi en faveur de l’instauration en France du véritable référendum d’initiative populaire à la suisse, j’espèrais un vote positif des Alsaciens. La réforme de 2003, comme celle de 2008 ont été réalisées par des majorités dites “de droite”, et combattues par la gauche sans doute au nom de la liberté et du progrès… Le vote du Sénat sur la Loi Taubira nous apprendra, par la suite, si la Haute Assemblée, soucieuse de ses prérogatives, est toujours capable de prendre la mesure de l’essentiel, de ce qu’aucun parlement n’a le droit de changer, parce que cela appartient structurellement à l’humanité, ou si elle n’est plus que le refuge bavard d’idéologues qui se sont habilement placés hors de portée de la volonté populaire, et ne se drapent dans les plis de la République que pour interdire au Peuple de se faire entendre.
Un commentaire
Rappelons tout de même que seulement 12 Sénateurs votèrent contre la loi constitutionnelle n°2007-237 du 19 février 2007 qui gravait dans le marbre l’engagement pris ,en juin 2003 à Koné par Madame Brigitte Girardin, de faire réviser par voie parlementaire la Constitution de la Vème République: personne n’avait dû lui expliquer que Jacques Chirac n’avait pas le droit de lui déléguer ce pouvoir !
Malheureusement, cette farce pourrait devenir une tragédie d’ici à l’année 2018 puisque le tribunal correctionnel de Nouméa s’apprête à dégeler partiellement le corps électoral spécial: c’est donc que la droite calédonienne sera sollicitée pour faire modifier la clef de répartition financière…