Maurice Duverger disait que la politique est comme le dieu Janus : elle a deux visages. Le premier est celui de la conquête du pouvoir et de la conservation de celui-ci. C’est la face de Machiavel dont le Prince lutte pour être le maître et le rester. L’autre face c’est celle de Thomas MORE, l’auteur de l’Utopie, qui montre que l’habileté du gouvernement ne lui faisait pas défaut, mais il sut, en tant que Chancelier, comme Antigone, résister à son roi, au nom de ses principes, au point d’y perdre la vie. Il est rare qu’un homme puisse réunir ces deux visages. Le couple Balladur-Chirac en est la parfaite illustration. Le premier a su, chaque fois qu’il occupa une part du pouvoir l’exercer avec clairvoyance, aux côtés de Pompidou, lors de la fin douloureuse de son mandat présidentiel, comme Ministre de l’Economie et des Finances en 1986, et enfin en tant que Premier Ministre en 1993. Bon gouvernant, mais candidat médiocre. Chirac, au contraire, excellait dans les campagnes, mais n’ayant que peu d’idées qui lui soient propres et naviguant sans cesse à la godille, ou ne touchant à rien, sa présence au pouvoir fut une calamité pour le pays. Hollande est un Chirac de gauche, si tant est que Chirac fût de “droite”. Avec moins d’expérience, et de petites plaisanteries pour attirer la sympathie quand l’autre Corrèzien séduisait, je dois le reconnaître, par une chaleur, un entrain, un parfum de fraternité et de terroir auquel on pouvait difficilement résister, François Hollande, apparatchik en chef du Parti Socialiste, qui a passé sa vie à se frayer un chemin dans les arcanes du pouvoir, a su prendre la place que d’autres avaient laissée vacante au bon moment. La Fortune, autrement dit la chance, la Ruse qui lui fait toujours jouer habilement des contradictions du PS et de la gauche en général sont ses qualités machiavéliennes. Possède-t-il la troisième, la Vertu, au sens de la force du caractère ? Il est trop tôt pour le dire. Mais sa décision d’intervenir au Mali et son opiniatreté à résister à la pression de la Manif pour Tous dans la mesure où les manifestants n’étaient pas ses électeurs montrent qu’elle est plus forte chez lui que chez Chirac.
Cela dit, ce n’est pas d’un prince machiavélien dont la France a l’impérieux besoin, mais d’un gouvernant dévoué au Bien Commun, comme le fut Thomas More. La France se vautre dans la médiocrité depuis trop longtemps. Par paresse, par lâcheté, ses gouvernants n’ont pas été capables de procéder aux réformes structurelles indispensables. Sarkozy s’est beaucoup agité mais des rares changements superficiels opérés, il ne reste rien après un an de gauche. La question des retraites en est un bon exemple : au lieu d’une réforme d’ensemble, à la suédoise, la “droite” a procédé par petites touches. Hollande a donné un signal politique en agitant le symbole des “60 ans”, et va ensuite multiplier les solutions comptables à court terme. Sa tactique repose sur trois principes : d’abord dans le discours, alterner les déclarations destinées à plaire aux uns et aux autres, les attaques contre les riches et les clins d’oeil aux chefs d’entreprise ; ensuite, choisir systématiquement des solutions compliquées qui permettent de faire un peu sans faire vraiment ce que la nécessité impose et que l’autre candidat avait annoncé, comme le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi, au lieu de la TVA sociale ; enfin, saisir les occasions qui se présentent. La politique étrangère n’était pas la première préoccupation du Président, mais c’est le seul domaine où il a marqué un point. Le voilà donc devenu éminemment africain, lui qui voulait mettre un terme à une politique française décriée par le PS. Le voilà devenu le grand ami de chefs d’Etat qui ne brillent pas par un sens aigü de la démocratie. Le voilà en pointe contre le dictateur syrien pour aider les islamistes cousins de ceux que la France combat au Mali et que rejoignent des convertis et des écervelés de chez nous. Le voilà encore à dénoncer le crime-certes, odieux- commis contre un militant d’extrême gauche , mais il le fait, comme le PS dans son ensemble, avant tout pour manipuler l’opinion, diviser la droite, rendre le Front National infréquentable et grossir la signification politique d’un acte qui relève de la criminalité, voire de la psychiatrie et ne constitue en rien une menace pour le pays.
La France a plus que jamais besoin d’un grand homme politique. Elle n’a que de plus ou moins habiles concurrents pour le pouvoir, des Janus qui ont perdu la plus importante des deux faces. Hollande en est malheureusement le parfait exemple.
Un commentaire
Je partage comme vous l’analyste de cette situation.
Janus dieu des portes a Rome et a Babylone,comme ont sait une porte a DEUX façes.
Ancien menuisier en retraite