La formule de Winston Churchill faisant de Christophe Colomb le premier socialiste puisqu’il ne savait pas où il allait, ni où il était et voyageait aux frais du contribuable est un des plus célèbres traits d’humour de cet immense homme d’Etat conservateur. Mais, dans le fond, elle est d’une générosité imméritée, parce que les socialistes n’ont découvert aucune Amérique, et même nous privent des moyens d’en découvrir jamais. Le séminaire gouvernemental pour réfléchir à la France de 2025 est d’ailleurs une sorte d’aveu par défaut. Pourquoi ce souci du futur éloigné ? D’abord, bien sûr pour participer à la surabondance médiatique destinée à faire oublier la vacance de l’été dernier et à créer l’illusion d’une équipe au travail, à l’apparence sérieuse et motivée. Ensuite, et c’est la raison pour laquelle l’impression qu’ils “en font trop” s’impose, parce que les actuels détenteurs du pouvoir ont jusqu’à présent paru n’avoir rien préparé, ni anticipé, ni même compris à la situation de notre pays et du monde. La gauche-gribouille, comme chaque fois qu’elle parvient au pouvoir fait le contraire de ce que les autres pays font, leur donne néanmoins des leçons avant d’être obligée piteusement de faire demi-tour. Prétendre voir loin et soigner sa myopie est donc une manière de conjurer le sort d’un socialisme à la presbytie congénitale. Enfin, comme les signaux sont au rouge à court terme, cela permet de dire que tous les problèmes seront résolus en 2025 et renouer avec ce thème cher au socialisme, le rêve, qu’avait annoncé Mitterrand, et qui ne serait donc réenchanté pour les Français, comme l’avait promis Hollande, que dans deux mandats. Voilà qui permet, en outre, aux socialistes de caresser un autre rêve, celui d’imaginer qu’ils seront encore là en 2025.
Il faut relire l’ouvrage d’Alain Peyrefitte, “Quand la rose se fanera”, d’abord parce que cela montre qu’il fut un temps où la droite était capable de penser, ensuite, parce que cette analyse de l’échec de la gauche, après sa victoire de 1981, est pleine d’enseignements sur la situation actuelle. Certes le contexte a profondément changé : le parti communiste a quasiment disparu et les incantations de Mélenchon ne le font pas revivre. L’Europe pèse infiniment plus, notamment parce qu’elle oblige à rester dans certaines limites budgétaires et normatives, et qu’elle interdit, avec l’Euro, l’usage des dévaluations. La question des nationalisations n’est plus au centre du débat, puisque le secteur public est aujourd’hui plus réduit qu’il n’était en 1981, et que cette absurdité socialo-communiste est tombée dans la poubelle de l’histoire, en dehors d’actions stratégiques limitées dans le temps. Or, lorsqu’on lit Peyrefitte, on retrouve dans les attitudes et les déclarations de nos “progressistes” des signes qu’ils n’ont rien appris ni rien oublié.
Les erreurs qui ont précipité en 1981 la France dans un déclin, qu’elle n’a plus enrayé depuis, sont toujours au coeur d’une idéologie qui, dans notre pays, jouit d’un capital de sympathie d’autant plus surprenant qu’elle n’a conduit chez nous comme ailleurs qu’à de lamentables échecs. La plupart des peuples et des Etats l’ont compris. Le socialisme français offre ce paradoxe qui ne témoigne guère de son intelligence : le seul parti socialiste dans le monde démocratique qui soit encore teinté de marxisme, c’est-à-dire inspiré par une “philosophie de l’histoire” est aussi celui pour lequel l’histoire est bloquée. Comme un vieux disque vinyle rayé, les socialistes répètent inlassablement le même discours. Or, pour une fois, ils auraient pu apprendre en lisant Marx que lorsque l’Histoire se répète, la première fois, c’est une tragédie, la seconde, une comédie. Mitterrand a été une tragédie pour la France. Hollande, ses petites blagues et la bouffonnerie du séminaire, c’est de la comédie.
D’abord, il nous a refait le coup du contrat avec le peuple. Après les 110 propositions de Mitterrand, les 60 de Hollande, comme si les Français les avaient lues ! Ils en avaient assez de Sarkozy, comme de Giscard, qui, tous deux ont été victimes de la crise surtout, et un peu de leur style. Les Français voulaient une rupture de style et d’orientation -politique- et, bons constitutionnalistes, ils ne pensaient pas que le Président fût élu pour exécuter un programme, mais pour conduire le pays. C’est au gouvernement d’en déterminer la politique. Lorsque celui-ci échoue, le Président peut alors décider le changement sans pour autant paraître se déjuger. Le quinquennat et Sarkozy ont accentué la dérive présidentielle. Plus ou moins consciemment les Français souhaitent que chacun reste à sa place. En second lieu, Hollande a rejoué la scène de la croissance contre l’austérité : ” je ne vois pas d’autre issue, si on ne se décide pas à faire ce que je propose de manière réaliste : aller vers la croissance…”, disait déjà Mitterrand. En 6 mois, note Peyrefitte, le nouveau pouvoir dut constater qu’il ne suffit pas de faire le contraire d’une politique d’austérité pour ramener la prospérité.” Et dans les deux cas, les arroseurs arrosés ont reçu une leçon de l’Allemagne. En troisième lieu, le choix de la lutte des classes plutôt que celui de l’unité nationale. “La réalité pour les socialistes doctrinaires, souligne Peyrefitte, n’est point l’état du marché, la valeur du dollar, l’endettement des entreprises ou le déficit du commerce extérieur ; la réalité éclairante… c’est l’éternelle opposition des “gros” et des “petits”.” Cette opposition est un thème démagogique et récurrent chez nos deux Présidents socialistes. Les riches, les grosses entreprises doivent être mis à contribution pour aider les pauvres et les PME. Cela justifie une politique fiscale décourageante bien au-delà des cibles désignées et qui détruit le troisième et essentiel facteur de la réussite économique, au-delà du capital et du travail, ou de la production et de la consommation, la confiance !
La France a donc connu lors du séminaire gouvernemental un grand moment de la comédie hollandaise : des hommes et des femmes incapables de se libérer du passé et de son idéologie poussiéreuse, hors d’état de percevoir les priorités du présent, se sont penchés sur le futur, qui a le grand mérite de ne pas avoir existé, et de laisser toute sa place à la prédilection des socialistes : le rêve.
2 commentaires
Quelle pantalonnade, ce gouvernement qui se livre à de la science-fiction pour faire mumuse ! On reprochait à Sarkozy ses idées loufoques ? il a été battu à plate couture par son successeur, parce que pour une idée de génie, celle-ci vaut plus que son pesant de “bullshit” (je ne trouve pas de traduction précise de ce mot). On en viendrait presque à plaindre ces ministres traités comme des enfants et qui obtempèrent sans un mot de rébellion, sans même un battement de cil agacé, à un exercice de grand n’importe quoi. Et sous le regard du public, encore. Et avec des copies dûment remises aux médias qui, forcément, en font des gorges chaudes.
Le calice jusqu’à la lie…
Le Président a t-il souhaité infantiliser ses troupes pour les rendre encore plus dépendantes de sa personne ? Est-ce une obscure vengeance pour les surnoms “affectueux” dont il a été affublé par certains de ses congénères du PS aujourd’hui ministres ?
Bref, on prie pour le retour du bon sens et de la dignité à la tête du pays. Vite.
“Mais, dans le fond, elle est d’une générosité imméritée, parce que les socialistes n’ont découvert aucune Amérique, et même nous privent des moyens d’en découvrir jamais. ”
Ho, je crois bien que si. Ils nous ont démontré que tout ce qu’ils voulaient démontrer était impossible.
L’impossibilité du multiculti, et l’impossibilité de l’égalité.
Or, il était impossible aussi de le démontrer sans l’essayer, les “débats et dialogues” n’en auraient jamais fini.
Ils ont peut-être finalement contribué à crever un abscès. A l’insu de leur plein gré bien sûr, ils restent ce qu’ils sont.