Au Sénat se tenait le 27 Septembre un colloque sur la Famille organisé par l’Institut Ethique et Politique Montalembert en partenariat avec Famille & Liberté et Valeurs 2 Gauche. Le thème en était : “La Famille est-elle naturelle ou culturelle ?” De quoi émoustiller les neurones de tous ceux qui s’intéressent aux questions actuelles du “mariage unisexe” et de l’idéologie du “gender”, en essayant de les aborder avec un minimum de connaissances et de réflexion philosophique, ce qui est loin d’être toujours le cas. Il faut donc remercier le Délégué Général de l’Institut Montalembert, Cyril Brun, de nous en avoir fourni l’occasion.
Après un rappel pédagogique et sémantique de Jean-Noel Dumont rappelant le sens des mots : “culturel”, “conventionnel”, “arbitraire”, “construction” qui encadrent conceptuellement le débat, le philosophe Bertrand Vergely nous a fait entrer brillamment dans le vif du sujet. Il a d’abord souligné la vacuité intellectuelle des arguments en faveur du mariage unisexe : “faut être tolérant”, “ça se fait”, “faut évoluer”, qui outre qu’ils manquent totalement de tolérance envers les opposants, témoignent d’une parfaite ignorance de ce qui est essentiellement en cause. “Nous sommes dans la nuit de la société” a-t-il lancé. En écoutant ce penseur orthodoxe, je reconnaissais en lui, ce sens du retour à l’essentiel qui caractérisait les paroles et les textes de Benoît XVI. On parle de mariage et on oublie le lien de cette institution avec ce qu’il y a d’essentiel dans la société et chez l’Homme. La famille est le lieu privilégié de l’initiation. Après avoir rappelé les critiques de la Famille, qui de Diderot à Derrida, ont dénoncé la “construction” familiale, oppressante, conservatrice, ethnocentrique, idéologie du père-propriétaire, B. Vergely a habilement retourné le soupçon du discours idéologique. La destruction de la Famille est au programme de tous les totalitarismes. Les philosophies “adolescentes” qui promeuvent le désir plus que la responsabilité, en étant des apologies de la régression, sont les complices inconscientes de la soumission à l’Etat protecteur. Dans le fond, la critique de la famille est plus construite et idéologique que sa défense puisqu’elle vient à nier cette évidence que la nature impose la complémentarité des sexes pour que naisse un humain. Mais, la Famille possède aussi une dimension spirituelle. Celle-ci se condense dans l’idée de transmission. Le père est celui qui donne et protège la semence. La mère est celle qui la fait croître. Le père donne un nom à l’enfant et la mère un visage. Il deviendra un adulte au nom du père et aura confiance en lui parce qu’il aura été aimé. La filiation est cette identification de soi qui permet de rencontrer l’autre sans frustration ni ressentiment. Il n’y a pas de fraternité sans père ni mère. On pourrait bien sûr accuser notre philosophe d’ethnocentrisme, de généraliser “notre” conception chrétienne de la Famille. Il en est conscient et il assume. “Le Christianisme est une ontologie de la sexualité”, c’est-à-dire cette lecture, certes relative, de la sexualité, mais qui révèle ce qu’a d’essentiel la sexualité humaine.
Jean-Didier Lecaillon nous a ensuite fait redescendre sur les terres plus prosaïques, mais tout aussi nécessaires de l’économie. Evidemment, les politiques familiales sont indispensables. Apparemment, la Famille n’est pas un concept économique. L’économie n’envisage que des “ménages” destinés à consommer les produits des entreprises, et qui peuvent être des célibataires vivant seuls. En réalité, la Famille est avant tout un lieu de production indispensable. La Famille engendre des enfants, elle les éduque, transmet des valeurs et des modèles de comportement sans lesquels une société ne peut ni se développer, ni même survivre. C’est pourquoi la politique familiale ne peut être une politique sociale, un instrument de redistribution. Il s’agit d’une politique en-soi, qui, comme l’ont pensé les industriels qui sont à l’origine des prestations familiales, rémunère des éducateurs essentiels pour une société, les parents. Francis Mouhot, docteur en psychologie a montré la complémentarité incontournable de la nature et de la culture. Pour que naisse un enfant, il faut qu’un spermatozoïde rencontre un ovule. C’est sur cette nécessité que la société brode ensuite des lois qui peuvent être diverses mais qui ne peuvent être arbitraires car elles doivent répondre aux besoins de l’enfant, d’un être vivant qui ne peut vivre dans n’importe quel environnement. Ainsi en est-il des modèles de masculinité et de féminité qui, pour relatifs qu’ils soient, doivent fournir à l’enfant de quoi devenir ce qu’il est, un homme ou une femme. Lorsque le père et la mère proposent ces modèles à travers leurs rôles respectifs, lorsque la mère protège et que le père taquine, nous dit le psychologue, alors ils contribuent l’un et l’autre à ce que l’enfant devienne lui-même. Lorsque les fonctions sont inversées, l’enfant en souffre car le sexe détermine les désirs de l’enfant : la petite fille de 15 à 18 mois va préférer le “bébé” au jouet mécanique, avant même tout apprentissage. L’éducation conditionne mais ne crée pas le besoin ou le désir. Certes, les parents ne sont pas nécessairement “naturels”, mais les enfants ont des désirs qui le sont, et sous prétexte de ne pas faire souffrir des adultes en mal d’enfant, on risque de faire souffrir les enfants. On ne peut dire aujourd’hui quelles seront les conséquences pour l’enfant élevé par des homosexuels. Comment deux femmes qui ne veulent pas d’homme pourront-elles permettre à un garçon de le devenir avec bonheur ? Comment deux personnes qui ont choisi une sexualité stérile pourront-elles satisfaire l’interrogation de l’enfant sur son origine ?
Chantal Delsol devait conclure cette matinée. Elle le fit de façon paradoxale. Elle rappela d’abord, en effet, la relativité de notre modèle familial. Nous avons tort de considérer celui-ci comme universel. En s’appuyant sur des exemples ethnologiques, la philosophe a montré qu’il pouvait y avoir des sociétés sans père, mais elle a aussitôt souligné que ces modèles n’étaient pas équivalents au nôtre, qu’ils engendraient des comportements humains différents et des performances sociales moins bonnes. Nous sommes aujourd’hui avec la multiplication des divorces et des familles dites “monoparentales” sur le chemin d’un matriarcat qui s’est toujours et partout accompagné de l’absence de mariage, de la sacralisation du plaisir et de l’éviction du père. Notre modèle n’est donc pas le seul, mais il est le meilleur, car il permet de former des personnes que l’initiation prépare à l’initiative et à l’autonomie. La famille monogame qui équilibre l’affection et le devoir et permet de devenir acteur de sa vie est sans doute inséparable d’une société de liberté et de démocratie.
Matinée riche d’informations et de convictions. Certes tous les comportements humains sont de riches broderies culturelles sur un canevas naturel plus limité. La famille est une de ces broderies, mais à partir d’une réalité qu’aucune société n’a remis en cause : la complémentarité incontournable des sexes dès lors qu’il s’agit d’engendrer des enfants, et sans doute de les élever. On peut ensuite débattre et juger sereinement de la broderie la plus belle et la plus solide.
Un commentaire
Merci pour ce résumé particulièrement intéressant. La dernière partie engendre beaucoup de questions sur l’évolution de notre culture occidentale.