“Il faut que tout change pour que rien ne change” aurait pu s’inscrire sur un écran derrière Borloo et Bayrou célébrant leur union qu’ils ont nommée sans complexe ” L’Alternative”. Cette célèbre phrase du “Guépard” résume la politique française depuis trente ans. Trente ans d’alternance entre une gauche calamiteuse et une “droite” froussarde. Entre elles, les Français ont cru avoir l’alternative, le choix entre deux solutions, et les problèmes sont demeurés pour eux les mêmes. Alors quand le spécialiste des usines à gaz repeintes en vert, l’ancien ministre du Grenelle de l’Environnement et donc de l’écotaxe s’allie au coeur d’artichaut centriste, et annonce des “chantiers”, les Français traduisent : plus on dit qu’on va tout changer, plus ce sont les mêmes qui restent en place, qui ne changent rien, sauf qu’il échangent leurs positions, un coup dans la majorité, un coup dans l’opposition. C’est encore plus facile pour le centre : le chemin est plus court et on peut changer en cours de route.
Si le message n’était pas assez clair, l’actualité s’est fait un malin plaisir de le renforcer. Il y a eu dans la cour de récréation de l’Assemblée Nationale, cette scène digne de la Guerre des Boutons, d’une majorité et d’une opposition se rejetant la responsabilité de l’écotaxe. “C’est pas moi, m’sieur, c’est l’autre”. Le gouvernement bien content de l’empocher, la trouve maintenant douteuse et mal ficelée. L’opposition accuse la majorité d’avoir conservé une de “ses”taxes : “si vous êtes assez irresponsables pour continuer notre politique…” Copé, comme un personnage tiré de la “Zizanie”, un des premiers Astérix, en bon camarade, en profite pour “tacler” Fillon et son équipe. Ne pas avoir été ministre et vouloir être Président, comme l’autre, mais avec moins de chances encore, sont sources d’inspiration. Là aussi, le spectacle ne varie guère. Dans l’autre salle, au Sénat, le Projet de Loi consacré aux retraites était retoqué à l’unanimité et à la demande du gouvernement. L’extrême-gauche et l’opposition avaient modifié un texte qui allait trop loin pour la première et pas assez pour la seconde. Si on résume, le gouvernement veut, comme la majorité précédente, allonger la durée de cotisation. Celle-ci lui reproche de ne pas faire les réformes structurelles qu’elle-même n’a pas osé entreprendre. L’extrême-gauche veut ne rien changer : les riches, comme l’Allemagne de 1918, paieront. Bref, chacun joue son rôle dans une pièce dont on ne change pas le texte et devant une salle de plus en plus vide.
Où sont passés les spectateurs ? Mais ils sont dans la rue ! Ils mettent des bonnets sur la tête, lancent des ultimatums à un gouvernement qui est soutenu du bout des lèvres par un Français sur quatre. Et ils veulent vraiment que ça change. Pour les uns, les rouges, il faut supprimer l’écotaxe. Pour les autres, les verts, ne pas faire passer la TVA à 10% dans les transports en commun. Chacun veut son changement à lui, dans son pré carré. Si le mouvement grossit, s’il ne s’enlise pas dans des alternances électorales sans lendemain, et si l’habitude de faire plier le pouvoir dans la rue, ne rend pas notre démocratie impossible, alors on peut espérer un basculement salvateur. Celui-ci exige trois ingrédients : le remplacement d’une classe politique et de partis qui ont montré leur nocivité, l’instauration rapide d’un processus de démocratie directe qui puisse restaurer la confiance populaire dans les institutions, et des élus qui aient le courage d’entreprendre les réformes structurelles effectuées depuis longtemps dans les pays qui s’en sortent. Actuellement, la France, comme les autre pays de l’Europe du Sud, mais de manière plus douce, fait de la comptabilité plus que de la politique, pour n’avoir pas réformé à temps. Or les réformes sont prioritaires : les retraites à la suédoise, la TVA sociale avec baisse du coût du travail étaient structurelles, l’allongement de la durée des cotisations, l’écotaxe ou l’augmentation de la TVA intermédiaire, sans lien, sinon négatif, avec la compétitivité, ne sont que des mesures comptables proposées par les services à des élus dépassés. Il est temps de baisser le rideau, de changer les décors et les acteurs.
3 commentaires
Déçu de ne pas devenir le premier ministre de Ségolène Royal après l’élection présidentielle de 2007, Bayrou s’est vengé l’année dernière en permettant l’élection de François Hollande. Mais, comme il l’avait dit, il resterait son opposant. Evidemment, tout cela évoque un panier de cabres appliquant sans vergogne les préceptes de Sun Tzu et Clausewitz…
Erratum:
Il faut évidemment comprendre “panier de crabes”.