3-0. Je ne parle pas du match de football contre l’équipe d’Ukraine. Je parle du match Henri Guaino contre Marine Le Pen, dimanche dernier sur BFM. Le débat promettait. Le dernier penseur du Gaullisme venait donner une leçon à celle qui ose afficher parfois un droit à l’héritage. La leçon a eu lieu, mais c’est l’élève qui l’a donnée à un professeur acculé dans les cordes de ses contradictions.
Premier but au début du match. Après avoir montré tout ce qui légitimait un débat républicain avec la Présidente du Front National, tout ce qui rapprochait les positions actuelles du Front du gaullisme, Henri Guaino s’est contenté d’un seul argument, décisif à ses yeux, pour rejeter tout rapprochement : les familles politiques du gaullisme et du Front sont différentes. Sans s’en apercevoir, il marquait contre son camp. L’histoire nous sépare, a-t-il dit. On comprend bien qu’il faisait allusion au clivage qui séparait le Général de Jean-Marie Le Pen et de beaucoup de ceux qui l’ont suivi : la politique algérienne. Mais comment ne pas percevoir la faiblesse de l’argument, sa nullité même aux yeux d’un gaulliste ? Si affectivement, celui qui était gaulliste dans les années 60 a du mal à oublier les attentats de l’OAS, une réflexion gaulliste doit l’amener à trois conclusions : d’abord, il est absurde de prolonger et même de figer des positions politiques sans tenir compte de l’évolution du réel. Le pragmatisme du général et son obsession de ne pas se tromper d’époque, de ne pas être en retard d’une guerre, sont un des piliers de sa pensée. Ensuite, comment ignorer que des gaullistes historiques, comme Jacques Soustelle ont combattu le Général, à ce moment ? La phrase qu’on prête à Malraux et qui a été prononcée par le Général au cours d’une conférence de presse, le 10 Mars 1952, est pourtant claire : “Chaque Français fut, est ou sera “gaulliste”. Beaucoup de ceux qui l’ont rejoint à Londres seraient aujourd’hui classés à l’extrême droite et n’étaient même pas républicains. Le gaullisme s’identifie au patriotisme, à la volonté de réaliser le Bien Commun des Français, sans nationalisme, mais en affirmant la souveraineté du Peuple. Tous ceux qui dans des contextes historiques différents adhèrent à ce projet ont évidemment le droit de se réclamer du gaullisme. Enfin, il est affligeant de voir celui qui prétend incarner la philosophie du Général mettre l’accent sur la permanence et la primauté des “familles” politiques, alors précisément que le Général, à tort ou à raison, entendait réunir les Français au-delà du clivage droite-gauche. Les familles, ce sont les partis, ou même les “courants” dans les partis. Rien n’est plus étranger au gaullisme qui veut réunir tous les Français au service de la France, au sein de la Nation.
Second but marqué au cours d’un terrible interrogatoire où l’examinateur devenait examiné et collé. Il a suffi que la Présidente du Front National pose une série de questions dont les réponses étaient évidentes pour mettre le pauvre Guaino dans la position inconfortable de la contradiction systématique. On a envie d’employer le mot d’imposture qu’on retient parce que l’homme est sympathique et qu’il a été courageux de venir s’exposer à pareil exercice. De Gaulle aurait-il consenti aux abandons de souveraineté au profit de l’Europe ? Aurait-il réintégré l’Otan ? Aurait-il usé du Parlement pour faire voter un texte que les Français avaient rejeté par référendum ? Evidemment non. Aurait-il installé des fondamentalistes en Libye ? Pas davantage. Le Général avait un respect de la souveraineté des Etats qui lui interdisait de participer à des interventions militaires au nom d’un prétendu droit à l’ingérence idéologique. Il a été assez facile pour Marine Le Pen de montrer que sur toutes ces questions, les positions du Front étaient davantage dans la continuité de celles du Général. Le conseiller spécial du Président Sarkozy a eu le plus grand mal à expliquer que celui qui définissait le gaullisme par la rupture en était le prolongement légitime. En réalité, le Général a incarné la restauration, c’est-à-dire la rupture avec la rupture, ce que Sarkozy n’a pas perçu, même s’il est aisé de montrer sa supériorité sur son successeur. Henri Guaino, pour le faire, s’est réfugié dans l’excès : des centaines de milliers de morts évités à Benghazi ? Sarkozy sauveur de la démocratie, de l’Europe et du monde avec le G20 ? Tout ce qui est excessif est insignifiant.
Le match s’est terminé par un K.O. Puisque vous êtes contre l’Euro ou la perte de souveraineté, Monsieur Guaino, pourquoi êtes-vous encore à l’UMP ? Pour la faire changer a-t-il répondu tout en affirmant que tous les partis étaient divers, sauf le Front. Ce fut la contradiction de la fin. On voit mal en effet comment changer un parti, qui comme les autres, n’a plus d’identité. Madame Le Pen n’a pas eu la cruauté de lui proposer l’adhésion, mais son sourire compatissant en disait long. En fait, Henri Guaino était venu pour jouer tranquillement au foot et s’est retrouvé sur un ring où il ne faisait pas le poids.
3 commentaires
Henri Guaino a une personnalité plutôt sympathique.
Mais ses idées ne sont pas loin de la stupidité pure et simple.
Je me souviens très précisément de la première fois où j’ai entendu parler de lui il y maintenant une dizaine d’années. Il avait signé un article dans les Echos expliquant que ce n’était pas grave que l’Etat français soit endetté puisque les Français, eux, épargnent. Sous-entendu, très clairement, il suffira de prendre l’épargne des Français au moment opportun pour combler la dette étatique.
C’est une mentalité de voleur.
Alors, oui, l’homme est sympathique, mais ses idées …
Il est malheureux, que Monsieuir Vanneste, ne s’aperçoice vraiment que Ch Baeckeroot et Rene Declercq pense cela depuis 19898 avaient raison !
Pourquoi en refusant le véritable FN ,ce soit élevé contre le FN en 1989 ?
*