Si la France est la Princesse des Contes qu’imaginait de Gaulle, si elle est la Belle au Bois Dormant, assoupie par le manque d’entrain de ses successeurs, on sait à écouter les voeux présidentiels, avec un retard salutaire pour le réveillon, que le prince charmant n’est pas, ne peut pas être François Hollande. On sait aussi pourquoi il a été élu : les anti-héros sont tendance. Il a joué à la perfection le rôle du prince lui-même endormi, qui avait bien du mal à se réveiller d’un sommeil embrumé de rêves désenchantés. Comme si les sondages catastrophiques avaient mis fin à une lévitation extatique et aux incantations sur la croissance et autres courbes du chômage, le Président est retombé lourdement sur le sol de la réalité des Français. “L’année 2013 a été difficile” a-t-il reconnu, penaud. Il a tenté aussi de suggérer qu’elle avait été intense en raison d’une activité gouvernementale dont les citoyens ne ressentent guère les résultats positifs et qu’ils sont une majorité à contester. Mais surtout il a été contraint de formuler un diagnostic et d’annoncer une thérapeutique aux antipodes de ses discours d’opposant et de son programme de candidat. Ces voeux étaient un acte de contrition et une demande de grâce en raison de la bonne volonté affichée. On est loin du ton péremptoire sur les engagements et méprisant pour les prédécesseurs. On glisse seulement que la crise ne date pas d’hier, ce qui est une manière de reconnaître son existence, et que l’on travaille à en réduire les effets. Les chiffres prometteurs de la campagne disparaissent. Les axes du discours vont jusqu’à s’inverser. La fiscalité concentrée sur les riches afin de rétablir les comptes et la justice devient l’aveu qu’il y a trop d’impôts : une véritable illumination ! Le niveau record des prélèvements obligatoires à 46, 5 % du PIB tandis les recettes étaient inférieures de 11 Milliards aux prévisions , que les dépenses publiques dépassaient les 57 %, que les 3 % de déficit public n’étaient pas atteints, et que bien sûr ni la croissance ni l’inversion de la courbe du chômage n’étaient au rendez-vous : autant de signes inquiétants sur l’état du malade et de preuves accablantes quant à la compétence du médecin. Alors, on a la bonne surprise de lui entendre fixer un nouveau cap, celui -là même qu’il dénonçait dans l’opposition : réduire la dépense publique, baisser les charges des entreprises en faveur de l’emploi, et se convertir à l’idée que la sécurité était la condition de la liberté et non un fantasme sécuritaire.
Il ne faut toutefois pas se laisser illusionner par ce “miracle” du Nouvel An. Que les socialistes les plus endurcis se rassurent. L’année prochaine, les impôts continueront d’augmenter, à commencer par la TVA anti-travail de 7 à 10 %. Dans l’écart entre cette réalité et l’intervention présidentielle, se trouve lovée l’idéologie indécrottable. On aurait dû augmenter la TVA à 19, 6 % davantage et depuis longtemps pour compenser la baisse des charges des entreprises les plus concernées par le commerce extérieur afin d’accroître leur compétitivité et de renchérir les importations. C’était simple. Cela avait réussi dans les pays scandinaves. Mais la TVA sociale, puisqu’il faut l’appeler par son nom était une idée de droite, que celle-ci n’avait d’ailleurs pas eu le courage de mettre en pratique. Il fallait donc que la gauche la rejette pour en conserver le principe tout en l’habillant à sa manière. D’abord, on conserve l’intérêt comptable et politique en négligeant l’économie. L’augmentation ira bien vers les entreprises, mais elle touchera notamment la construction et la restauration, c’est-à-dire qu’elle pénalisera le travail local sans profit pour nos échanges extérieurs, sans oublier les cadeaux aux amis, comme l’exclusion de la billetterie des cinémas. Ensuite, elle a pris la forme compliquée du CICE, c’est-à-dire d’un crédit d’impôts soumis à déclaration. Cette procédure donne du piquant à la volonté simplificatrice élyséenne. Enfin, elle a consacré ce travers socialiste de faire jouer à l’Etat un rôle qui n’est pas le sien. La nouvelle proposition formulée à l’occasion des voeux d’un “pacte”, un de plus, visant à baisser les charges en échange de l’embauche commet le même tragique contre-sens. Une entreprise n’accroît son personnel que si elle en a besoin, si son marché lui suggère, pas pour bénéficier d’un avantage. Surtout, le procédé révèle une fois encore deux aspects du mal français : la méfiance et le contrôle qui paralysent l’initiative, l’invention et la création hélas moins fréquentes et moins mises en valeur que ne le dit la démagogie présidentielle.