Hier, la symétrie du Figaro et du Monde était réjouissante. Tous deux pointaient la conséquence à leurs yeux essentielle de la conférence présidentielle : la division. Mais pour le journal officiel de la gauche bien-pensante le Président avait jeté le trouble à droite puisque nombre d’éminences de l’ancienne majorité accueillaient positivement le pacte de responsabilité tandis que d’autres y voyaient l’aveu d’un échec et soulignaient l’imposture de l’annonce. La guerre des chefs de l’UMP avait donc trouvé un nouveau terrain d’exercice… Le Figaro, de même, faisait de la division le résultat de la parole présidentielle, mais cette fois à gauche puisque le projet d’une réforme territoriale appuyée sur la réduction du nombre des régions amenait de nombreux présidents socialistes de Conseils Régionaux à se prononcer contre tandis que le Premier Ministre lui-même parlait plutôt des départements et de leur fusion, dans la petite couronne parisienne, et rejetait l’idée d’une “grande Bretagne” incluant Nantes. La précipitation de ces deux projets dans un contexte périlleux en raison de la situation bancale du “couple présidentiel” et leur imprécision fait surgir le soupçon d’une contre-offensive désespérée, sans préparation d’artillerie. Le Pacte de responsabilité se superpose au CICE et laisse la question du financement de la politique familiale en suspens de même que son impact réel pour l’emploi. Lorsque le Président du Medef dit l’avoir soufflé au locataire de l’Elysée, on se demande s’il ne s’agit pas du baiser qui tue. Une improvisation après dix-huit mois de fausses manoeuvres n’est pas de nature à restaurer la confiance, mais elle peut susciter la révolte dans le camp de gauche.
Dans les deux cas aussi on peut constater un retour à des réformes trop timides de la majorité précédente avec, en prime, du retard, de la complexité et des incertitudes. La TVA sociale avait déjà pour but de baisser le coût du travail par l’allègement des charges liées à la politique familiale, mais elle assurait son financement par la consommation. Nos produits plus compétitifs, l’importation davantage taxée, devaient avoir un effet positif sur l’emploi. Mais, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué…
De même la confusion entre le conseiller régional et le conseiller général prévue par la réforme qui a précédé les élections de 2012 a été annulée après celles-ci. Elle était une timide avancée vers la suppression des départements. Celle-ci est à l’évidence la seule solution sérieuse. Elle implique la disparition des doublons, la fusion des services, et la suppression des dépenses de fonctionnement entraînées par les Assemblées et les élus, les cabinets d’exécutifs, et les emplois liés aux groupes et aux commissions. Les missions régionales englobant celles qui sont actuellement dévolues aux départements pourront bien sûr conserver des antennes départementales lorsque la proximité et l’accès du public le réclament. Mais, un établissement scolaire comprenant un collège et un lycée n’aura plus qu’une collectivité de tutelle, la Région. En amont, des services déconcentrés de l’Etat pourront être remis en cause, par exemple, les Directions régionales des Affaires culturelles. En aval, les compétences des collectivités devront être limitées. La compétence générale multiplie le clientélisme des associations, qui, dans le sport comme dans la culture, cherchent à avoir le plus grand nombre de subventions afin de ne pas dépendre d’une seule volonté politique. Les associations communautaristes bénéficient, quant à elles, de soutiens idéologiques sonnants et trébuchants, de la part de nombreuses collectivités. Les compétences des communes et de leurs regroupements devront être exclusives et complémentaires de celles des Régions. En revanche, la taille des collectivités régionales n’a guère d’importance. S’il est impératif de supprimer l’échelon départemental, cette abstraction de la Révolution fondée sur une journée de cheval entre le chef-lieu et les limites du département, en revanche, il paraît judicieux de constituer des régions qui soient à la fois des entités administratives et économiques mais aussi des collectivités qui possèdent une véritable identité. Il ne doit y avoir qu’une seule Normandie, mais l’Alsace jouit d’une image originale et forte. Pourquoi l’en priver ? En Espagne, la dimension des Communautés régionales est très diverse. La difficulté n’est pas là, mais dans l’éclatement du pays dans la perspective d’un fédéralisme régional européen. Ce risque n’existe guère en France, sauf pour les collectivités d’Outre-Mer. Mais là encore, la situation actuelle qui fait se superposer sur un même territoire la Région et le Département est scandaleuse : elle ne vise qu’à multiplier les élus et les emplois inutiles ainsi qu’une dépense publique insupportable.
Dans le fond, ces deux réformes se rejoignent pour mettre en évidence le manque de courage des élus et leur propension à sauvegarder leurs pouvoirs plutôt qu’à assurer le Bien Commun. Le Président du Conseil Général de Corrèze devenu Président de la République préfère regrouper les Régions plutôt que de supprimer les Départements, comme par hasard. Il s’agit de la confirmation du manque de vision d’un politicien dont la présence à la tête du pays tourne à la catastrophe. Ces constats amers devraient peser sur les électeurs de 2014.
3 commentaires
Je ne suis pas d’accord avec vous (pour une fois !).
Je crains que l’entente des super-régions avec Bruxelles soit un ferment de dissolution de la France. C’est pourquoi je préfère garder les départements et supprimer les régions.
A condition de continuer la démarche fédérale qui est une catastrophe. Les régions sont à la taille des moyens de communication actuels. Mais elles n’ont pas la tradition d’autonomie des régions allemandes ou espagnoles. Il n’y a aucun risque en Métropole. Les départements sont obsolètes et sont abstraits.
Pour une fois car ce n’est pas coutume je passe différemment sur la restructuration administrative de notre pays. L’idée brutalement exprimée de supprimer les départements est à mon sens une erreur mais des ajustements peuvent être nécessaires. Je fus l’artisan, dan le domaine sportif, de la création de comités départementaux dépendants d’une ligue calquée sur les régions. Il se trouve que j’ai présidé non pas un département mais deux, Drôme et Ardèche. Je me suis battu pour que cette particularité perdure. Il s’agit d’une exception due à la géographie qui met le couloir rhodanien, fortement urbanisé, entre les deux. Cette décentralisation fit le plus grand bien au grand sport concerné.
Le problème, comme vous le soulignez, est dans la superposition des tâches. Le projet d’investissement d’un maire peut devoir solliciter des crédits à la communauté de communes, au conseil général, au conseil régional et parfois à l’État. Il y a là un mélange des rôles parfaitement contre-productif. Les questions à se poser sont qui fait quoi, où, quand, comment ? A quel étage de la décentralisation une tâche est plus efficace ? Ce sont des questions simples que tout auditeur d’une entreprise doit poser pour analyser son bon fonctionnement. Les bonnes solutions de dégagent d’elles-mêmes. La difficulté réside ensuite à les faire appliquer politiquement mais ceci est une autre affaire, celle du pré-carré. La couche des métropoles ajoutée récemment est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire avant une analyse des tâches.