Une sorte d’épidémie s’est emparée de la vie politique française. “Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés”. La gauche se meurt, hurle Manuel Valls. La gauche est morte, et par ta faute, lui répondent, en un choeur tragique, les députés récalcitrants, courant à l’Aubry, pour défendre la sainte foi marxiste et tenter de sauver leurs places. Ils avaient soutenu voici deux ans un réenchantement de leur rêve idéologique, plein de petits impôts, d’emplois publics et de partages citoyens. Hollande se dévoile social-démocrate, le traître, et Valls, cet agent double de la droite, ose employer les mots tabous de fermeté et de rigueur. La gauche éclate entre ceux qui voudraient bien ressembler à leurs cousins européens et rester au pouvoir en bons gestionnaires et ceux qui exigent le beurre de l’argent public inépuisable, l’argent du beurre d’une fiscalité sans limite, et le sourire de leurs électeurs, avec en garniture, des fonctionnaires à foison, des prisons ouvertes, des sans-papiers régularisés, et une France insulaire, rayonnant de ses exceptions exemplaires. Les gens sérieux, à gauche par tradition familiale ou par un moment de distraction, ont déserté les rangs ou boudé les urnes. Les naïfs et les rêveurs, déçus, en ont fait autant.
Un gouvernement de gauche en échec permanent, un Président raclant le fond des sondages, les résultats consternants d’une politique incohérente devraient porter l’opposition de centre-droit au sommet d’une vague irrésistible. Ce fut le cadeau assez injuste et inespéré des électeurs à l’UMP lors des Municipales. Pourtant, la bête était atteinte. L’animal avait occupé le pouvoir pendant dix ans sans améliorer les choses. A peine rejeté dans l’opposition, après une campagne rutilante, les signes de la maladie se sont multipliés. D’abord, ce fut la guerre des chefs, endémique à droite, avec des élections truquées suivies d’un compromis douteux. L’un des chefs a parlé de mafia et évoqué un inventaire dont il serait exempté par deux ou trois phrases en cinq ans de Matignon. Plus graves, les soupçons planent nombreux sur l’ancien Président. Des financements douteux, des dépassements irresponsables, des surfacturations, des imputations frauduleuses, et tout cela par le biais de sociétés truffées d’amis : tel serait le parti qui prétendrait incarner le redressement du pays ? S’agirait-il d’accidents provoqués par les affres d’une campagne échevelée ? L’indécent appel aux généreux donateurs et aux militants l’année dernière après le rejet logique des comptes de campagne, par des responsables évidemment au courant des dérapages, éclaire la roublardise de ceux qui font appel à la confiance des électeurs. L’élection de Lavrilleux, tête de liste UMP dans la circonscription Nord-Ouest, apparatchik compromis dans cette affaire et parfait inconnu jusqu’alors, est une insulte faite à ma Région et à ses habitants. Mais que fallait-il attendre d’un parti qui a le plus souvent traité ses élus malhonnêtes avec compréhension ? L’âne que je suis, exempt de toute condamnation, mais coupable d’avoir brouté l’herbe d’un lobby bien en cour, fut traité d’autre façon. Dépassée aux élections européennes, l’UMP n’attire plus les électeurs que par défaut. Elle aussi s’inquiète pour sa vie. Comme pour tout malfrat qui souhaite s’en refaire une nouvelle, certains lui conseillent de changer d’identité pour brouiller les pistes.
Reste le Front National : des résultats locaux honorables, une dédiabolisation en bonne voie et un triomphe aux Européennes. Certes sur fond d’abstention et de vote sans risque pour des élus qui ne servent à rien, le parti de la famille Le Pen voyait une avenue s’ouvrir sous ses pieds. Patatras, on a justement vu avec stupéfaction se déclencher une querelle de famille, une guerre des générations, qui a tout de suite pris un tour passionnel, entre un Père qui entend le rester de manière patriarcale, en demeurant maître chez lui, et une fille qui se sent pousser des ailes : les “Grandes Familles”, version politique. Entre le retour des “bons mots” douteux et les incertitudes sur le réalisme des propositions, le rapprochement de beaucoup de Français et l’éloignement circonspect de certains Européens, la vague bleue marine tourne à la tempête et risque de décourager ceux que tentait la traversée. L’UMPS moribonde table sur un duel présidentiel avec le FN pour arracher sa survie au destin.
Trois partis cernés par les défaites passées ou à venir et dont les succès ne peuvent être que des malentendus, le tableau clinique de l’épidémie qui frappe les partis est, pour un gaulliste, une bonne raison d’espérer en ce lendemain du 18 Juin. Le régime des partis est justement ce dont le Général voulait délivrer la France. Les Français méritent mieux.