Après deux désastres électoraux, François Hollande a sorti son joker, son Sarkozy de gauche, mais pas trop, tandis qu’il se dévoilait social-démocrate. Il s’agit pour lui de gagner la seconde mi-temps afin de remporter le match en 2017. La stratégie initiale avait donné une large place à l’idéologie, aux imprécations contre les riches, à la punition fiscale, en somme à une offensive mal préparée, désordonnée et dont aucun objectif n’avait été atteint. Le Chef d’Etat-Major, remercié pour maladresse et incompétence, avait multiplié les gaffes, les déclarations malencontreuses, et laissé les officiers ambitieux mener leurs opérations personnelles quitte à les désavouer non sans les humilier par la suite.
Plus de bataille de l’emploi, avec une courbe du chômage récalcitrante ! Plus d’annonces prématurées sur la croissance, la reprise et la résorption des déficits ! Plus de plans d’offensive qui ont du mal à sortir des cartons ! Le Premier Ministre est devenu Chef d’Orchestre. Il donne le “la”, et veille à ce qu’il n’y ait pas de fausse note. Les couacs de la période Ayrault sont terminés. La musique adoucissant les moeurs, on met de côté les projets sociétaux censés enthousiasmer la gauche et qui mobilisent la droite. Les mots d’ordre sont la cohésion, le sérieux, le réalisme, avec juste ce qu’il faut de patriotisme en garniture. La musique reste toutefois militaire. Elle est le signe d’un passage du cafouillage au camouflage. C’est d’abord une affaire de style. Valls n’a guère brillé par ses résultats à l’Intérieur, mais son éloquence virile a plu. Elle lui a permis d’afficher le visage d’un responsable “entièrement”, “totalement” concentré sur sa mission, se tournant vers la droite pour en appeler au réalisme face à l’immigration ou à la délinquance, et vers la gauche pour célébrer les images pieuses du passé socialiste ou montrer sa détermination contre le racisme. La ligne de Manuel Valls se veut ferme et réformatrice. Il lui doit sa relative résistance dans les sondages, confortée il est vrai par les frondeurs attardés de la gauche marxiste et par la désolante inanité du principal parti d’opposition, englué dans ses affaires et vidé de toute idée claire sur l’avenir d’un pays qu’il veut reconquérir pour y reprendre des places au lieu de le servir.
L’époque des grandes batailles est révolue. Il faut désormais afficher l’unité de l’équipe et travestir les déconvenues en succès. En charge de la “collégialité” gouvernementale, le Premier Ministre recadre Royal sur les tarifs d’EDF, mais la retrouve sur le nucléaire. Il faisait l’éloge de la “filière d’avenir” en visitant Areva quelques jours après qu’elle eut dévoilé son plan de transition énergétique qui maintient, certes, l’objectif de 50% de part de l’atome dans la production électrique en 2050, mais en escamotant la fermeture des centrales nucléaires. Effectivement, le nucléaire a de l’avenir, l’écologie beaucoup moins dans la majorité. Il est vrai que la désastreuse politique menée par Mme Duflot pour le logement justifiait sa mise en veilleuse. Montebourg, toujours porteur de son succès aux primaires socialistes, et donc indispensable, reçoit en cadeau sa revanche sur Florange. Il s’était comme d’habitude opposé à la solution voulue par les dirigeants d’une grande entreprise. En l’occurrence, Alstom voulait céder sa branche énergie à Général Electric pour se refaire une santé sur le transport. Après sa déconvenue sur la reprise de SFR par Numéricable, auquel il préférait Bouygues, Montebourg en risquait une autre en soutenant l’Allemand Siemens plutôt que l’Américain. Comme d’habitude, il avait tort, mais cette fois, la défaite a été habilement camouflée en victoire politique. Montebourg triomphe d’avoir pu imposer à l’Américain l’entrée au capital de l’Etat au nom du patriotisme protecteur des intérêts français. Un observateur impartial ferait, lui, deux constats : d’abord, après les délocalisations, ce sont les mariages forcés de nos entreprises, comme celui de Deng Feng et de PSA, qui marquent le recul de notre industrie ; ensuite, le signal politique de la nationalisation va avoir un double effet négatif, celui de renforcer le mythe national de l’Etat sauveur et celui de freiner les investissements étrangers dans un pays où le gouvernement se mêle de tout. Mais le sourire du bel Arnaud vaut bien deux Milliards et Bouygues, qui va vendre ses actions à l’Etat, est cette fois satisfait. N’est-ce pas l’essentiel ?
Il restera à camoufler la reculade devant le chantage des intermittents, ces enfants gâtés d’une culture qui s’est étendue en perdant de la hauteur et de l’intensité, tandis que la gauche se l’appropriait idéologiquement et politiquement. Mais l’illusion y est reine. La Ministre prétend que la culture occupe une place économique plus importante que l’industrie automobile, et que les intermittents lui sont indispensables. Au démaquillage, on apprend que les spectacles sont largement financés par de l’argent public, ce qui n’est pas encore le cas des voitures, et que les intermittents qui ne sont pas tous artistes ou techniciens, sont surtout indispensables aux maisons de production et aux chaînes de télévision. Le système des intermittents déguise des subventions en assurances-chômage ! Mais, le maquillage est la grande spécialité d’un pays qui le vaut bien. C’est vrai même en politique, où les uns maquillent les comptes, ce qui permet aux autres d’être plus à l’aise pour maquiller leur gouvernance.