Rien de plus agaçant qu’une ampoule qui se met à clignoter avant de s’éteindre. C’est le même agacement que l’on ressent avec les intermittences festivalières actuelles. Il y a quelques mois, le directeur du Festival d’Avignon avait pris parti contre le Front National et s’était flatté d’avoir contribué à l’échec de ce dernier aux Municipales. Il n’avait pas craint, avec ce mélange d’outrance et de légèreté, qui caractérise nombre de “cultureux”, d’annoncer que le Festival quitterait Avignon, si cette ville choisissait le FN. Evidemment, il n’avait aucune qualité pour proférer cette menace. Avignon est une institution financée à 52% par l’Etat. C’est notre grand festival national de théâtre. C’est une vitrine culturelle française. Le directeur pouvait seulement démissionner. Le fait de prendre des positions politiques lorsqu’on est rémunéré par l’argent de tous les contribuables y compris ceux qui ne sont pas de votre avis est inconvenant. Le FN n’a pas gagné. Le Festival n’a pas déménagé, mais, ô stupeur, ce sont les spectacles qui disparaissent les uns après les autres : neuf sur treize samedi soir.
Pauvre Py. Les intermittents sont en grève contre la réforme de leur régime, fruit de l’accord entre le gouvernement de Gôche et le Medef, ce grand Satan du monde marchand. 286 votants sur 622 inscrits ont voté la grève à 65%. 1500 personnes ont manifesté. CGT, Sud, Coordination des Intermittents et Précaires ont défilé, épaulés par l’extrême-gauche. C’est connu. La culture, c’est la liberté. La gauche, c’est la culture. Plus on est à gauche, plus on est pour la liberté. C’est comme çà d’ailleurs que dans les pays où la culture était largement financée par l’Etat, on allait se libérer de ses vilains penchants capitalistes et réactionnaires au Goulag. Soyons justes : avec ce conflit, on a quand même un festival, une illustration théâtrale des errements les plus stupides de notre pays. En 1984, il y avait 9060 allocataires au titre de l’intermittence. Il y en a eu 106000 en 2013. A deux reprises, la Cour des Comptes a dénoncé la dérive de ce régime. Il est totalement injuste puisqu’il participe au déficit de l’Assurance-chômage pour un tiers alors que les demandeurs d’emplois intermittents ne représentent que 3% de l’ensemble. 1,3 Milliards d’allocations pour 225 Millions de cotisations, 10%d’allocataires percevant plus de 39000 Euros annuellement, 15% de fraudes peuvent justifier le néologisme de “permittence”, c’est-à-dire d’un système qui tend moins à soutenir les chômeurs quand la crise économique aggrave la conjoncture qu’à pérenniser un fonctionnement structurel. Le slogan des manifestants dénonçant le scandale de la diminution des aides aux chômeurs lorsque leur nombre s’accroît est une tartuferie. Le nombre des intermittents a augmenté hors-crise, parce que tout le monde y trouve son compte sauf les cotisants extérieurs au système. Une fois le plancher des 507 heures atteint, dans un flou très artistique, la culture, les chaînes de télévision ou de radio, les maisons de production, les parcs d’attraction, bénéficient de subventions déguisées en allocations financées par les cotisations de tout le monde. Bonne affaire pour les financeurs publics de la culture ou pour les bénéfices et autres salaires mirobolants de la production audiovisuelle. Même si l’on s’en tient à un déficit de 300 Millions opposé par l’Unedic au Milliard de la Cour des Comptes, celui-ci reste démesuré pour les 100 000 allocataires. La grève a touché plusieurs festivals, à Marseille, Montpellier, Toulouse, Uzès. Avignon chiffre déjà sa perte à 138000 Euros. Ce mouvement est une caricature de notre syndicalisme. Une minorité, bénéficiant d’un régime dérogatoire très privilégié, qui n’existe nulle part ailleurs, très politisée aussi, se paye le luxe de casser des manifestations financées par les deniers publics, de détériorer l’image de notre pays, au moment-même de l’année où les touristes sont les plus nombreux, pour faire plier, par le chantage, le gouvernement devant ses exigences étroitement corporatistes. Et le gouvernement qui réclame des sacrifices de tous les Français, et qui semble avoir compris que l’emploi passait par la baisse des charge des entreprises, recule. Il prendra à sa charge le différé de 4 à 21 jours du versement des allocations. Insuffisant pour les grévistes !
Pitoyable Py, pris entre les feux de la rampe et ceux de la colère, qui trouve un mot d’auteur pour dire qu’il trouve la grève légitime mais maladroite ! “Ce n’est pas une stratégie, mais une tragédie”. Le commentaire mérite d’être retenu tant il condense les poncifs du petit monde nombriliste de la culture. Elle est “au-dessus”. Elle ne peut pas servir de “variable d’ajustement”. Elle est un service public… Il faut arrêter ce délire. Le soutien des pouvoirs publics établit une exception culturelle qui favorise la sauvegarde du patrimoine, la création nationale, cet adjectif que M. PY n’aime pas, et la diffusion. Il faut s’en féliciter. Lorsque la situation du pays l’exige, la voilure doit être réduite dans ce domaine comme dans les autres, et en délimitant bien ce qui est culturel et ce qui appartient au divertissement. La vie de nos soldats interpelle sur le budget de la Défense, la sécurité de nos concitoyens sur ceux de l’Intérieur ou de la Justice. Bien des Ministères peuvent revendiquer la sanctuarisation de leurs dépenses. La culture appartient à ce domaine essentiel qui fait de l’homme un animal pour lequel le superflu est nécessaire, comme l’écrivait Oscar WILDE. Pour autant, elle aurait tort de se considérer comme un monde à part, préservé des tempêtes. L’exception culturelle française est justifiée jusqu’au moment où elle autorise, parfois au-delà de son domaine propre, des privilèges, des passe-droits ou des combines au détriment de la collectivité. Enfin, lorsque le clergé culturel défend son ordre, il ne doit pas commettre le sacrilège envers Jean Vilar de faire annuler le “Prince de Hombourg” dans la Cour d’Honneur !