La fronde aura agi comme un boomerang en mettant sur la touche les frondeurs. Cet épisode n’est pas anodin. Il est l’instrument d’une clarification plus importante qu’il n’y paraît. Dans le champ étroit de la pensée unique, les commentateurs vont justifier le resserrement de l’assise gouvernementale par le dévoilement des intentions véritables de François Hollande. Pendant deux ans, prisonnier de ses promesses électorales et de l’aile gauche de sa majorité, il n’aurait pas pu mettre en oeuvre la politique qu’il souhaitait. Désormais, il est libéré et peut révéler sa vraie nature de social-démocrate, comme il le dit lui-même. Mais comme l’orientation est à la diminution de la dépense publique et même des charges et des impôts, certains vont jusqu’à évoquer le libéralisme. Le Medef approuve. La Bourse salue. La clairvoyance devrait simplement rappeler l’ineptie du programme, les tâtonnements et les retards de la première moitié du mandat, la confusion des idées et les rendez-vous manqués qui ont sapé la confiance pourtant nécessaire à une bonne santé économique. La réalité, c’est que le centre-droit et le centre-gauche sont effectivement occupés par des jumeaux qui alternent au pouvoir en visant une politique assez semblable. A droite, on promettait de diminuer les impôts et la dépense publique. On les a finalement augmentés. A gauche, on affirmait la réhabilitation de la dépense publique et la nécessité des impôts pour la soutenir. Et la gauche est obligée aujourd’hui d’inverser le mouvement. En somme, à partir de discours opposés, les partis de gouvernement oscillent sur la bande étroite du possible en fonction de la conjoncture et dans la limite définie par les obligations européennes, les pressions des syndicats ou des groupements patronaux et les conseils de la caste technocratique. Avec retard, une politique de croissance par l’offre, favorisant la production, va rejoindre la route suivie par l’Allemagne ou par l’Espagne avec des résultats pour le moins inégaux et limités à l’échelle mondiale par la surévaluation de l’Euro et le vieillissement démographique. L’infléchissement de la politique sera corrigé par une petite dose redistributive avec des mesures fiscales en faveur des revenus modestes, oubliés sans vergogne ces deux dernières années. La réduction du socle industriel en limitera la portée. La part de l’industrie dans la valeur ajoutée s’est effondrée à 12%. Le nombre des ouvriers est en chute libre. La gauche et le PS, en particulier, ne s’appuient plus sur cette part de la population qui vote de plus en plus à droite. C’est la raison pour laquelle, la gauche peut adhérer à la pensée mondialiste, au discours dominant en Europe au sein de la Commission. La nomination de l’énarque-banquier Macron à Bercy à la place de Montebourg est un signe clair dans cette direction.
En revanche, il fallait une compensation qui marque sa différence d’avec le comparse de “droite” et définit un électorat vraiment ciblé par la gauche. Le maintien de Madame Taubira à la Justice et l’étonnante promotion de Najat Vallaud-Belkacem à l’Education Nationale sont les contrepoints de l’arrivée de Monsieur Macron. Puisque la gauche se convertit au réalisme économique, elle se rattrape en accentuant son gauchisme sociétal. Portefeuille à droite, idéologie à gauche, c’est la définition même du “bobo”, le Parisien comme le Lyonnais qui ont continué à voter socialiste quand la colère montait au sein du prolétariat. Le coup est double. D’une part, cette provocation va révulser les conservateurs qui se sont mobilisés pour la défense de la famille traditionnelle et qui s’opposent au laxisme judiciaire. Ceux-ci vont s’extrémiser et ce n’est pas le salut de ce benêt de Chatel à la nouvelle occupante de la rue de Grenelle qui va les arrêter sur le chemin. D’autre part ce gage idéologique va ravir les bobos si présents dans le monde des médias et si utiles pour véhiculer les idées. C’est désormais la base, le coeur de cible du PS. Les frondeurs qui mélangent justice sociale et délire sociétal n’ont pas compris que le “mariage” des deux est impossible. Une action conforme à l’idéologie mondialiste et enveloppée dans un discours qui systématise l’inversion des valeurs, la promotion du bas et le nivellement du haut : telle est la ligne du gouvernement, un mélange d’hypocrisie et de provocation, l’égalité à la bouche, le privilège dans la poche. Avec un dosage différent, le centre-droit n’est pas loin. Comme dans un miroir, les côtés sont inversés. L’orientation économique est plus claire dans les intentions, mais se modère dans la mise en oeuvre. Un vernis conservateur subsiste pour garder la confiance des “cathos” électoralement indispensables, mais le poids des “élites” urbaines et du monde de la communication entraîne la prétendue “droite” dans une direction semblable à celle de la gauche “bobo”. La loi pénitentiaire de 2009, la promotion du Pacs, la “théorie scientifique” du Genre défendue par le même Chatel auraient dû alerter les conservateurs sur la réalité de l’ancienne majorité. La raideur des propos a toujours coïncidé avec la souplesse des actes et la faiblesse des résultats en matière d’immigration, de justice et de sécurité. La débâcle dans le débat sur l’identité était un aveu saisissant.
Ce canal étroit où gauche et droite tirent des bords face au vent contraire de l’Histoire s’appelle le déclin. Il serait salutaire pour la France de le quitter et de retrouver la liberté de la haute-mer.