La politique devrait être une activité extrêmement simple et d’une clarté limpide. C’est l’art de conduire la Cité, c’est-à-dire de nos jours, l’Etat, cet organe du pouvoir souverain correspondant souvent, et en tout cas en France, peut-être depuis Bouvines (1214) à une Nation. Son but est évidemment de rechercher le Bien Commun de cette Cité, la préservation de son indépendance, l’accroissement de ses forces qui en est la garantie, le bien-être matériel et moral de ses citoyens. Plus la recherche est fructueuse, plus la politique remplit sa fonction. Malheureusement, plusieurs facteurs compliquent les choses. Le pouvoir est pour les uns une mission à remplir, pour les autres une ambition à assouvir. La lutte pour y accéder oblige à des calculs, des promesses et des compromissions qui écartent de l’objectif même les politiques les plus dévoués et les mieux inspirés. Mais le véritable Homme d’Etat se reconnaît toutefois sans peine à sa vision juste de l’intérêt national et à sa capacité de le servir lucidement et efficacement. Il échappe en cela à la mêlée confuse des politiciens, poursuivant leurs intérêts particuliers, obéissant aux modes éphémères de l’opinion, accrochés aux instruments du pouvoir mais oublieux de son but. L’intelligence politique consiste bien sûr à viser ce but tout en n’hésitant pas sur les moyens pour l’atteindre. On ne doit pas la confondre avec les coups tordus des malins de la politique qui ravissent les journalistes mais font déchoir cette activité parmi les plus nobles au rang d’un spectacle. Il y a toutefois un obstacle plus important qui s’oppose à la poursuite du Bien Commun parce qu’il rend les “responsables” politiques stupides et dangereux. C’est l’idéologie.
Ce poison de la pensée revient à substituer au Bien Commun comme but du pouvoir, la réalisation d’un projet défini par un système d’idées et de valeurs qu’il faut imposer à la réalité parfois rétive quel qu’en soit le prix. Dans les pays où l’idéologie a voulu s’imposer absolument, elle a conduit au totalitarisme, à la perte des libertés, au massacre des cioyens et finalement à l’effondrement plus ou moins brutal de la Nation que l’on avait entraînée dans ce chemin suicidaire. L’Allemagne nazie ou la Russie marxiste-léniniste en sont des exemples tragiques. La Chine a échappé à ce destin lorsque Deng Xiaoping a dit que la couleur du chat importait peu du moment qu’il attrapait les souris. La France a connu en 1792 cette dérive totalitaire dont la gauche ne s’est jamais guérie. Depuis l’établissement de la République, et à de rares exceptions près, le Général de Gaulle étant la plus notable, notre vie politique est animée par une gauche idéologique, laïcarde et anticatholique d’abord, socialiste et marxiste ensuite, face à une “droite” complexée sur le plan des idées et plus à l’aise pour défendre les intérêts particuliers et sa soif de pouvoir.
La gauche idéologique qui pensait avoir gagné en 2012 est révulsée lorsque Valls susurre qu’un chat un peu libéral attrapera mieux la souris du chômage. Mais la guérison n’est pas complète car la maladie est solidement installée. Le réalisme économique est donc compensé par un surcroît idéologique dans le domaine “sociétal”pour sauvegarder la majorité. Puisque l’idée phare de la gauche, l’égalité, a du plomb dans l’aile en économie, puisque on ne peut faire que tous les riches deviennent pauvres sans ruiner définitivement le pays, on va brandir ce concept-clef dans d’autres combats. L’un des champs de bataille choisis est celui de la famille, l’autre celui de l’école. Dans les deux cas, se profilent trois aspects de la démarche qu’il faut souligner.
D’abord, on nie une réalité. En réduisant le congé parental de trois ans à dix-huit mois sous prétexte de rendre ce droit égal pour les hommes et les femmes, on efface la nature anthropologique du rapport entre la mère et son enfant différent de celui du père. Et on le fait alors même que la destruction de la famille et la multiplication des “familles monoparentales” soulignent l’affaissement du rôle paternel. De même, en interdisant le redoublement, on ne tient pas compte de la réalité des inégalités intellectuelles ou de maturation que tout enseignant constate chez les enfants. En second lieu, on oublie l’équité, qui est contrairement à l’égalité, le véritable critère de la justice sociale. Une société juste est celle qui permet à la mère comme au père d’assumer pleinement leurs rôles qui ne sont pas les mêmes. Ce n’est pas celle qui leur impose une égalité fallacieuse. Une société juste est celle qui permet à tout enfant de s’accomplir et de trouver sa place dans la communauté, en fonction de ses talents ou malgré ses handicaps, mais en sachant bien sûr que ces places ne seront pas égales. Toutefois, le caractère le plus scandaleux de cette démarche idéologique est son hypocrisie. Le noble souci de l’égalité masque en fait de petits expédients budgétaires. Sous le couvert d’une égalité homme-femme en matière de congé parental, on vise une économie de 300 à 400 Millions d’Euros due au fait que les hommes en feront moins usage. En s’attaquant au redoublement, auquel on pourrait bien sûr substituer d’autre formes d’accompagnement des difficultés scolaires, on souhaite avant tout réduire une dépense de 1,6 Milliard d’Euros. De petits calculs politiciens derrière la façade idéologique ! On peut difficilement s’éloigner davantage d’une politique fondée sur le Bien Commun.
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