L’élection présidentielle qui rythme la vie politique de notre pays doit avoir lieu dans deux ans et demi. Elle est cependant déjà au coeur de l’actualité. La compétition pour la présidence de l’UMP annonce les primaires pour la Présidence de la République.
L’impopularité inouïe du Président socialiste appelle des primaires au PS, avec l’hypothèse vraisemblable que le sortant soit “sorti”. Dans les deux camps, l’objectif est de se trouver face à la candidate du Front National au second tour, avec une grande chance de succès parce que les Français ne choisiront pas le candidat du PS ou de l’UMP, mais élimineront celui du FN. Dans ce contexte, la politique n’est plus qu’un jeu dont l’enjeu est le pouvoir. Les idées affichées ne sont plus des convictions, mais des atouts variables. Compte tenu de l’impuissance des politiques une fois au pouvoir, ce qu’ils promettent ou ce qu’ils proclament n’a de valeur que dans la “partie”, c’est-à-dire l’élection présidentielle.
Le rattrapage in extremis du mot “abrogation” par Sarkozy en est une illustration parfaite. En se lançant dans la course, et après son divorce d’avec Buisson, il avait sans doute l’intention de se recentrer. En effet, la montée en puissance du FN, son élargissement, et la colère qui anime de plus en plus de Français risquaient de rendre le “siphonnage” de l’électorat frontiste bien difficile. Un positionnement au centre ouvert sur la gauche, et l’absence de celle-ci au second tour par effondrement et division, assuraient la victoire. Malheureusement, la candidature d’Alain Juppé change la donne. Celui-ci n’est pas candidat à la présidence du parti, mais aux primaires qu’il veut “ouvertes”. Contrairement à son rival, il s’est placé de longue date au point de convergence de la droite et du centre. Son but n’est pas du tout de “récupérer” les voix du FN, mais au contraire de rassembler au centre-gauche : européen convaincu, quand notre ancien Président et son “Traité simplifié” auront beaucoup de mal à rassembler les souverainistes ; progressiste sur les questions sociétales quand Sarkozy a beaucoup varié sur ces sujets ; rassurant par son style pour les modérés quand l’énergie bouillonnante de l’ex-locataire de l’Elysée peut inquiéter. Il a habilement noué une alliance avec Bayrou dont on connaît l’inimitié pour Sarkozy, sentiment réciproque d’ailleurs. Le vote utile peut effectivement conduire des électeurs, y compris au sein de l’UMP, à vouloir, cette fois, siphonner la gauche modérée et le centre en vue d’un second tour avec Marine Le Pen, et souhaiter que “leur” champion soit Juppé. Le futur président de l’UMP n’a pas le profil ni le crédit pour adopter cette stratégie et devra donc courir à nouveau vers la droite. Il semble avoir commencé.
Tout dépendra donc de la capacité de résistance du FN. Pour l’instant, son attitude ressemble à celle d’un joueur déjà qualifié qui attend de savoir qui lui sera opposé. Mais il sera nécessaire pour espérer plus qu’une candidature de témoignage, au second tour, face à celui qui sera élu, de clarifier le discours, d’étendre les soutiens, de crédibiliser une équipe d’hommes et de femmes derrière un projet réaliste. Tel n’est pas le cas, aujourd’hui.
La France offre donc une image un peu désespérante. Le déclin est la seule évidence. Les travers qu’elle subit depuis longtemps continuent de sévir. L’alternance entre l’idéologie absurde et désuète de la gauche et l’impuissance des assoiffés du “pouvoir” à droite la condamne à une longue descente dans les classements internationaux. Les problèmes quotidiens des Français s’aggravent sans cesse : le chômage, le logement. Pendant ce temps, le jeu politique ne connaît plus de trêve. Ceux qui n’ont trouvé aucune solution ne semblent chercher qu’à gagner leur partie sans qu’on soit sûr que la victoire de l’un ou de l’autre change quoi que ce soit à la situation du pays. La peau de chagrin politicienne incapable de répondre aux vraies questions, celles de la souveraineté et des frontières, par exemple, se rétracte sur le seul domaine qui reste aux politiciens : les règles du jeu, la Constitution. Certains pensent ainsi qu’il faudrait en revenir au septennat avec une élection législative de mi-mandat. Cela accélérerait le rythme de la vie politique, ne redorerait pas la fonction présidentielle qui subirait le risque de la cohabitation, à nouveau. On irait de Charybde en Scylla. Déjà trop souvent modifiée, notre Constitution est de fait un régime présidentiel, puisque la majorité législative dépend de l’élection du Président, et c’est de droit un régime parlementaire. Le bricolage des modes de scrutin a rendu le paysage politique confus et compliqué. Les institutions européennes ont éloigné le pouvoir du Peuple. Dans les pays anglo-saxons qui ont connu une stabilité démocratique exemplaire, les choses sont plus claires : régime présidentiel aux Etats-Unis avec une agitation politique quasi-permanente compensée par le bi-partisme et les référendums dans la moitié des Etats ; régime parlementaire au Royaume-Uni avec un souverain neutre symbole d’unité et de continuité. Ce dernier système est le plus stable et le plus ancien.
En fait, la difficulté à résoudre est d’assurer la réalité et la stabilité relative du pouvoir, en évitant l’écueil de l’agitation permanente et celui de la dépossession du peuple, auxquels la France se heurte. Trois solutions me paraissent s’imposer : d’abord ne pas remettre en question le quinquennat. Ce n’est pas la durée du mandat et son lien avec les législatives qui sont en cause, mais la qualité des hommes . Ensuite, réduire considérablement les lieux de pouvoir, le nombre des élus et les modes de scrutin, non seulement par souci d’économie, mais aussi pour clarifier les rapports entre les citoyens et leurs élus. Enfin, donner à notre démocratie la respiration du référendum d’initiative populaire. Le bouillonnement politique est en grande partie lié à l’augmentation considérable de l’information et à l’accélération de son rythme. Un pouvoir clair et stable corrigé par les “votations” à la suisse est donc la voie à suivre.
6 commentaires
Alors rendez-vous dans deux ans 1/2….d’ici là nous serons surement mis sous tutelle pour incapacité ( politique) mentale !
“…assurer la réalité et la stabilité relative du pouvoir : ne pas remettre en question le quinquennat…réduire considérablement les lieux de pouvoir…donner à notre démocratie la respiration du référendum d’initiative populaire…”Vos propositions sont intéressantes et je ne doute pas qu’on en reparlera d’ici 2017.
D’autres propositions de ce type fleuriront sur les affiches électorales mais rempliront les poubelles sitôt les élections passées et les citoyens le savent bien. Le lien est rompu entre les élites et le peuple car le peuple n’a plus confiance dans ses élites et les élites n’ont pas confiance dans le peuple. Un véritable mur s’est édifié entre eux et ce ne sont pas des promesses qui vont l’abattre.
S’agissant du référendum, il serait nécessaire de lui redonner une réalité politique soit en créant le référendum d’initiative populaire soit en exigeant que le futur président en organise un voire deux.
Il faudrait qu’il en fasse le serment publiquement en le jurant sur la Bible ou sur le texte de la Constitution mais on peut rêver. Quant au “RIP” PS et UMP ont choisi la version “initiative partagée” qui n’a aucune chance de provoquer un référendum.
D’ici à 2017, je crains fort que la situation politique reste bloquée, figée et qu’elle pourrisse ainsi ; Hollande est d’ailleurs un spécialiste du pourrissement qu’il a longtemps pratiqué au PS. Donc, rien à attendre si ce n’est des paroles creuses et des promesses en l’air. En conclusion, je n’attends rien du tout.
@ Monsieur le Député:
Depuis que les élections législatives suivent immédiatement l’élection présidentielle, il y a un effet d’aubaine pour les candidats qui choisissent de soutenir le programme du président de la république. D’ailleurs, c’est si vrai que Monsieur Galouzeau décida de reporter les élections municipales de Juin 2007…
Il faudra une crise politique et institutionnelle pour imposer le recours au référendum sur une nouvelle Constitution. En attendant, il faut préparer un projet de nouvelle Constitution.
Juppé veut, comme toujours, “rassembler”, mais sans véritable programme politique courageux. Il prend les Français pour des cons.