Les élections départementales renforcent le sentiment que la politique française devient chaque jour davantage une grande mascarade dont on ne sait s’il faut rire ou pleurer. Qu’est-ce qu’une démocratie où la faille entre le peuple s’accentue constamment ? Les signes inquiétants se multiplient. Le tremblement de terre est prévisible, mais le microcosme politicien continue à s’agiter en perdant sa légitimité en même temps que ses racines dans la population.
57 % d’abstentionnistes sont actuellement prévus alors que pour la première fois depuis longtemps tous les cantons renouvellent leurs élus. Ce renoncement au vote touche surtout les jeunes (75% des moins de 35 ans) et les employés et ouvriers (71% et 65%) ce qui avantage mécaniquement l’UMP, mais traduit surtout une perte de confiance et d’espérance qui est un symptôme de la mauvaise santé de notre société. L’électorat se radicalise puisque tous les regards et les discours des autres formations se tournent vers le Front National qui est devenu la vedette du scrutin au terme duquel il pourrait occuper la première place. Hostilité sectaire et monomaniaque de la gauche pour mobiliser ses propres électeurs, mais aussi sans doute pour créer le maximum de situations où le FN sera présent au second tour, ce double calcul politicien ignore les vrais problèmes des vraies gens. Lui répond l’arithmétique de Sarkozy disant aux électeurs de droite de voter UMP pour ne pas avoir d’élus de gauche. La vieille recette du vote utile pour le moins mauvais et sans trop se préoccuper de ce qu’il va faire est une médiocre conception de la démocratie.
Cette élection locale ignore la proximité et se situe obstinément dans le jeu fermé de la recherche du pouvoir. Curieuse démocratie que celle qui met le peuple entre parenthèses d’un bout à l’autre. Il y a d’abord eu la réforme concoctée dans les arrière-cuisines des partis de gauche. L’objectif était apparemment de réduire le mille-feuille territorial et ses lourdes conséquences financières. Le bon sens soucieux de l’intérêt général et du Bien Commun aurait pensé à une suppression des départements et à leur fusion avec les régions existantes. Le mode de scrutin départemental, uninominal, aurait été transféré aux conseils régionaux afin d’uniformiser la façon de voter. Les conseillers généraux auraient disparu, les doublons administratifs aussi. Les compétences départementales auraient été reprises par l’échelon régional. Cette nouvelle dimension aurait résulté logiquement de l’accélération de notre communication, puisque la taille des départements dépendait de la journée de cheval séparant le chef-lieu des frontières. La majorité précédente n’a pas eu le courage de faire cette réforme, mais l’a amorcée timidement avec l’instauration du “conseiller territorial” siégeant dans les deux collectivités. La gauche a gommé cette ébauche et a entrepris un vaste mouvement de style “shadokien” inspiré par la formule “pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué”, avec en arrière-pensée, “les électeurs, comme d’habitude, n’y verront que du feu”.
Donc, on a annoncé la diminution du nombre des régions de 22 à 13, sans la moindre utilité et avec des regroupements que la géographie et l’histoire rendent absurdes. Le nombre global des conseillers régionaux est maintenu à 1757, mais surtout cette fusion de collectivités aux budgets et aux effectifs moins lourds que les départements permet de justifier le maintien de ces derniers. La disparition de 4058 conseillers généraux devient la création de 4108 conseillers départementaux. L’espèce des élus n’est certes pas en voie de disparition. Elle est bien placée pour se défendre. Une pointe d’idéologie féministe est glissée dans le projet avec cette idée baroque de doubler le nombre des élus par canton, puisqu’on a divisé par deux le nombre des cantons. Ce n’est pas pour garder les effectifs, mais pour garantir la parité, bien sûr… Dans l’absurdie que devient notre pays, il n’est plus nécessaire d’être un homme et une femme pour se marier, mais c’est obligatoire pour se faire élire. Manuel Valls avait eu l’imprudence d’évoquer la fin des départements en 2021. La pression des radicaux de gauche, toujours occupés à faire leur petite cuisine sur le petit feu d’un parti indissociable de la médiocrité politicienne, a fait reculer le matador.
Il y a maintenant le débat de campagne. Le “Grand Débat” en donnait récemment une image savoureuse : il n’y avait que des hommes sur le plateau, mais, pour certains, la diversité des “genres” compensait peut-être.. Ils n’ont guère évoqué les problèmes locaux, le poids considérable des départements, et la nécessité d’une cure d’amaigrissement. Non ! Ils ont parlé du sujet à la mode, le tripartisme et concentré leurs échanges sur l’obsession du Front National, toujours banni de la République et accusé de démagogie. Dans ce domaine, chacun a excellé. Les départements employaient 1, 265 million de fonctionnaires en 1994 et 1,811 million en 2010. Ils ont ainsi pratiqué une augmentation de 43% des effectifs sans proportion avec la croissance de la population, sans tenir compte de l’augmentation de la productivité administrative. Contrairement à un préjugé ancré, le nombre des fonctionnaires employés est en moyenne légèrement supérieur dans les départements présidés par l’UMP par rapport à ceux tenus par le PS. ( 7,07 contre 6,92 pour 1000 habitants). Les Conseils Généraux ont dépensé 75,1 milliards d’Euros en 2014, en augmentant le fonctionnement de 1,7% et en diminuant l’investissement de 5,1%. Il faudrait être bien naïf pour croire que les nouveaux élus ou réélus s’érigeront en modèles de vertu budgétaire et en exemples du redressement national. Non, ils vont “caser” leurs candidats, leur donner les moyens de paraître travailler. L’aide sociale est le domaine privilégié du département. C’est pour les partis politiques en compétition un enjeu de pouvoir et de clientélisme qu’aucun ne désire réformer comme aucun ne souhaite sérieusement remettre en cause la structure socialiste de notre société et sa dépense publique déraisonnable.
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