L’Université d’Automne de l’Avant-Garde s’est tenue les 10 et 11 Octobre au Centre de Port-Royal des Champs. C’était la première de cette association qui ne veut pas être un parti politique mais entend peser de manière déterminante sur la politique de notre pays comme l’a rappelé clairement Charles Millon. La vallée de Chevreuse offre un cadre champêtre et forestier qui convenait au thème choisi : “l’Identité Harmonieuse”. Le souvenir des Jansénistes qui ont rendu le site célèbre, les visites à l’époque de Pascal ou de Racine imposaient de la rigueur à la réflexion. Les tables rondes et les ateliers qui se sont succédé n’en ont pas manqué. Le coup d’envoi magistral a été donné par Olivier Rey, mathématicien et philosophe, auteur de “Une Question de taille”. L’identité harmonieuse ne peut-être fondée sur la lutte des individus pour être reconnus, sur l’obsession de l’autre comme rival, que cet autre soit un individu ou un groupe. Celles-ci conduisent au toujours plus, à la course à la taille. L’identité harmonieuse doit au contraire s’appuyer sur la transmission et l’approfondissement d’un héritage au sein de communautés de personnes à dimension humaine, qui ne deviennent pas des sociétés anonymes.
L’affirmation sereine de l’identité, de la personne face à l’individu, des communautés équilibrées face au vertige de la puissance issue du gigantisme définit assez bien l’orientation de l’Avant-Garde. Avec le sens de la provocation, on pourrait définir notre attitude comme réactionnaire. On se contentera de dire qu’elle est anticonformiste et se refuse à obéir aux modes comme à l’idée que l’Histoire aurait un sens qui s’imposerait à la volonté des hommes. La bousculade des politiciens à la porte du pouvoir les empêche souvent de réfléchir. Les partis sont tous devenus des machines électorales dont les supporters souhaitent la victoire comme on espère le succès d’une équipe de foot, mais sans trop savoir ce que les vainqueurs feront ensuite. Eux-mêmes ne le savent pas trop d’ailleurs. C’est pourquoi paradoxalement le pluralisme et la liberté d’expression proclamés laissent la place à la pensée unique qui présente l’avenir comme inéluctable, les décisions comme nécessaires. La mode idéologique fixe les idées jusqu’à les rendre obligatoires : c’est le politiquement correct.
Nous pensons au contraire que le bon sens doit venir de ceux qui vivent dans le réel et préfèrent les solutions concrètes aux discours idéologiques ou aux projets des technocrates. La démocratie directe des Suisses est un exemple à suivre, de même que la taille des cantons ne nuit nullement, bien au contraire, à l’efficacité du pays. L’absurde réforme territoriale fondée sur l’erreur, suivant laquelle seules des régions à taille européenne seraient pertinentes, nie les identités, les cultures, les traditions régionales. Elle éloigne les décideurs du terrain pour donner une fois de plus le pouvoir aux politiciens et aux technocrates. De même, la construction européenne s’est attachée à étendre sans cesse le territoire, à imposer des règles communes, à négliger les différences, à dessiner l’identité avec la gomme de l’universalisme. L’oubli des valeurs chrétiennes du continent, la soumission systématique à la politique des Etats-Unis font de l’Europe un géant impuissant dénué d’âme et de volonté.
Cette manière de penser a été déclinée dans les différentes tables rondes. Bien sûr, l’une d’elles a été consacrée à la famille, cette cellule irremplaçable de la solidarité humaine dans le temps des générations et dans l’espace affectif du foyer. La destruction idéologique, morale, économique et juridique de la famille est à notre époque le pire des crimes commis par les dirigeants à l’encontre de leurs peuples. La famille peut d’ailleurs être considérée comme la base de notre réflexion. C’est elle qui doit être restaurée dans son rôle essentiel pour l’éducation. Les échecs et les dérives de l’Education Nationale viennent de son gigantisme et de son centralisme. Le libre choix de l’école, l’épanouissement des élèves en dehors des pressions idéologiques, la constitution d’équipes pédagogiques motivées au sein d’établissements autonomes sont des directions qu’il faut désormais avoir le courage d’emprunter ou de rétablir. De même, l’entreprise familiale préserve la taille humaine de l’activité économique, son enracinement dans un terroir, la qualité des rapports humains qui s’y développent. Seules des entreprises dirigées par des hommes pour des hommes sauront éviter le risque d’une économie totalement désincarnée et mue par un productivisme et à un consumérisme peu soucieux de la qualité de la vie et de l’environnement. Enfin, la diversité des nations qui composent l’Europe de même que leur héritage commun d’une richesse inouïe doivent concourir au dynamisme d’un continent qui doit cultiver son identité avec fierté, abandonner le chemin destructeur de la haine de soi, et vouloir à nouveau rayonner sur le monde. L’identité qui fut meurtrière est devenue malheureuse. Il faut à nouveau la rendre harmonieuse et heureuse.
Un commentaire
Le choix de votre lieu de réunion est original dans la France d’aujourd’hui. Vous avez fait cela en automne et dans un lieu chargé d’histoire et de spiritualité. Sans vouloir étaler ma culture, on peut ici rappeler la publication en 2012 chez Flammarion de l’anthologie « PORT ROYAL » présentée par Laurence Plazenet, livre que vous connaissez sans doute, j’imagine. D’ailleurs, le texte introductif de Mme Plazenet est somptueux.
Pour réinventer la politique et le monde, il faut, à mon avis, commencer par de l’archéologie. Il faut s’employer à déterrer le monde dit ancien que les progressistes de tout poil se sont évertués à mettre sous terre et à cacher. Ce patrimoine culturel, littéraire, philosophique n’est pas détruit ; il dort au fond des bibliothèques.
Je crois donc qu’il importe de ne pas avoir honte de faire un retour vers le passé et de le dire. Cela vaut pour la nation, la famille et l’école. Il faut nous ré-enraciner. Notre renouveau ne peut à mon sens ne venir que de là.