Les policiers français, paralysés par la peur de la garde à vue, du procès, de la condamnation et de la ruine de leur carrière professionnelle, n’osaient pas faire usage de leur arme. Face à une voiture meurtrière, ils s’écartaient. La protection de la vie du délinquant semblait plus importante que celle de la vie de celui dont Max Weber pensait à juste titre qu’il était le détenteur du monopole de la violence légitime puisque sa mission est justement de préserver la sécurité des personnes et d’assurer le règne de la loi et de l’ordre. Cette aberration va cesser afin de donner au policier le même droit qu’au gendarme, celui de la légitime défense élargie au tir après sommation. Mais, le voleur pourra toujours courir sans être inquiété et l’équilibre de la riposte par rapport à l’attaque sera toujours requis, comme s’il y avait la moindre égalité entre celui qui viole la loi et celui qui est chargé de la faire respecter. Au moment même où le bon sens finit par émerger dans notre pays sous le coup de la colère des policiers ulcérés par la mort ou les blessures de leurs collègues, l’attentat commis à Berlin devrait éveiller la même inquiétude sur le fonctionnement de la sécurité dans nos démocraties attachées à l’Etat de droit. Ces trois mots ont pris une valeur mystique. On les emploie avec religiosité, comme le fait Mme Merkel, sans trop se préoccuper de leur signification mais en les entourant d’un halo sacré. Certaines mesures ne peuvent être prises parce que nous sommes dans un Etat de droit. Si nos pays sont des cibles privilégiées du terrorisme, c’est qu’ils sont des démocraties respectueuses de l’Etat de droit. C’est donc lui qui doit à tout prix être préservé, fût-ce au prix de nombreuses victimes. “Céder sur ce principe serait offrir une victoire symbolique à l’ennemi”, entend-on. Ce discours sans nuance est sans doute vertueux, mais il appartient à l’idéologie, alors que la politique doit s’efforcer d’être réaliste. Il y a une mystique de l’Etat de droit, une mystique molle qui anesthésie les réactions de défense légitime face au terrorisme. Certes, l’Etat de droit qui préserve les droits des personnes face à l’arbitraire des pouvoirs est préférable à l’Etat de police qui rend possible tous les excès. Mais la protection à l’égard du pouvoir doit-elle aller jusqu’à faciliter la vie des criminels ? Protéger les droits, l’intégrité des citoyens contre la délinquance est le but essentiel. L’Etat de droit n’est qu’un moyen pour atteindre cette fin. Lorsqu’on fait de ce moyen une fin en soi, on tombe dans la dévotion, qui donne à la société un visage absurde et décourage la citoyenneté. C’est alors qu’on met en péril la démocratie, car l’impuissance devant le crime, devant le terrorisme a fortiori ne peut être acceptée par un peuple qui tient encore debout.
On a donc appris que l’auteur présumé de la “tuerie au camion” de Berlin était repéré depuis longtemps, considéré comme dangereux et susceptible de commettre des actes graves, que sa demande d’asile avait été rejetée, et qu’en raison d’une identité mal établie, puisqu’il en utilisait sept distinctes, son expulsion vers son pays d’origine, la Tunisie, n’avait pu se faire. Tunis n’était pas pressé. Lui non plus qui craignait qu’on l’y accueille mal. On connaissait l’asile des opposants politiques. On a maintenant celui des islamistes dangereux qui craignent davantage leur pays que cette Europe si hospitalière, cette proie si tentante, cette victime si accueillante qu’on peut s’y promener tranquille avant d’abattre quelques mécréants. Bref, l’individu était dans la nature, et il y est encore trois jours après le massacre. Un chauffeur-routier polonais et onze Allemands ont perdu leur droit le plus sacré, celui de vivre, parce qu’on aura trop respecté le droit d’étrangers à passer nos frontières et à se balader à leur gré à l’intérieur de celles-ci. Un homme raisonnable, ce qui exclut les juristes, doit se dire que le droit des malfaisants s’arrête là ou commence le risque, le risque vital a fortiori, des citoyens honnêtes. Un étranger en situation irrégulière devrait être systématiquement placé en rétention administrative. La Justice ne devrait même pas être concernée puisque le franchissement illégal de la frontière devrait exclure la possibilité de la saisir. Il est aberrant que le non-respect du droit puisse créer des droits pour l’individu qui ne les possédait pas auparavant ! L’expulsion vers le pays d’origine devrait être le seul objectif. Bien sûr, la demande d’asile ouvre, elle, des droits, mais le demandeur devrait être en rétention pendant la durée de la procédure, et sans limite comme au Royaume-Uni. Le nombre des pays dont la situation légitime la demande devrait être étroitement limité. Dans de nombreux cas, l’insécurité est relative à certaines régions. Les demandeurs doivent donc être renvoyés dans les zones qui sont sûres pour eux. Lorsque l’armée française est intervenue pour pacifier un pays et a subi des pertes dans ce but, les ressortissants du pays devraient être tenus d’y demeurer et exclus de l’asile en France.
La Chancelière allemande a condensé en elle cette impuissance face à la menace terroriste que l’on pourrait nommer le syndrome de Berlin. On emploie volontiers le terme de sidération pour définir l’attitude des populations touchées par un attentat. Ce terme désigne ce blocage qui crée une distance affective par rapport à la douleur, qui paralyse les mécanismes de défense. La victime ou le témoin s’installent dans leur posture de victimes, tentantes pour un prédateur. Ils cultivent le fatalisme du “on n’y peut rien” et le repli sur un mode de vie à l’odeur de vin chaud. Rien de moins effrayant pour l’agresseur ! Mme Merkel a donné le ton avec un rare génie hypnotique. Elle a salué le professionnalisme de policiers qui n’ont rien empêché et semblent satisfaits d’avoir, après une erreur, identifié l’auteur… qui court toujours et avait laissé sa carte d’identité sous le siège du camion ! Elle a célébré “le mode de vie” et l’Etat de droit, pour éviter de rappeler que l’objectif des islamistes est de viser à Berlin une Fête Chrétienne, comme ils avaient endeuillé à Nice, une Fête Nationale. Elle a remercié le calme du peuple allemand qui oubliera l’attentat comme ils avait oublié les agressions commises le jour de l’An par les “migrants”auxquels il se croit obligé d’ouvrir les bras. En quelques mois, Angela Merkel avait récupéré une partie de sa popularité perdue à la suite de son aveuglement sur la Syrie et la question migratoire. Le même cycle va-t-il se répéter ? La nation allemande vit sous le poids entretenu d’un passé tragique. L’Europe a cependant besoin qu’elle échappe au syndrome de Berlin et participe à la défense, non d’un mode de vie, mais d’une civilisation.
2 commentaires
Nos « dirigeants » sont aussi fanatiques que les islamistes ; leur fanatisme n’a pas le même contenu mais il obère leur lucidité de la même manière . Des européens tomberont encore par dizaine dans les mois à venir et l’oligarchie ne déviera pas d’un millimètre de son dogme « droit de l’hommiste ».
Ce sont les mêmes qui ont laissé Hitler et le nazisme conquérir l’Allemagne et l’Europe avant de commencer à admettre la réalité du danger. Les camps de concentration ont été créés en 1933 et leur réalité a été mise au grand plus de 10 ans après.
Pour l’islamisme, ce refus de voir sera de même nature et le temps du déni sera aussi long et aussi mortel.
erratum : au grand jour…