Macron est la revanche médiatique de l’élection de Trump. Enfin Macron vint qui arrêta la vague populiste et rassura l’oligarchie européenne, les bobos parisiens et le microcosme des médias et du show-bizz réunis. Le sommet de l’Otan à Bruxelles comme le G7 de Taormine ont cependant souligné que cette victoire, qui a comblé d’aise la nomenclature européenne, n’est qu’une apparence qui compte peu dans le monde réel. Si le roman-photo du jeune premier élu en France séduit les gogos et donne l’illusion que notre pays avait, pour une fois, su prendre les devants en provoquant l’irruption d’une nouvelle génération de dirigeants, le choc de la réalité ne s’est pas limité à la poignée de main vigoureuse du Président américain. Avec son style propre et brutal, celui-ci a rappelé qu’il était le patron. Aux autres membres de l’OTAN, il a, sans précaution oratoire, demandé de verser les contributions qui sont dues pour la défense commune. Celui qui paye commande a sans ambages, réaffirmé celui qui est à la tête de la première puissance militaire mondiale, qui finance à elle seule les 2/3 des dépenses de l’Organisation Atlantique. La France, et l’Allemagne plus encore, ne remplissent pas leurs engagements. L’objectif est d’atteindre les 2% du PIB pour les dépenses militaires. L’Allemagne, excédentaire, le peut et ses réserves sont d’ordre idéologique. La France, qui n’a pas encore atteint ce niveau de pudeur et de repentance aux vertus comptables, n’a, quant à elle, pas les moyens en raison de la situation économique à laquelle l’ont conduite des années de social-démocratie, de gauche comme de droite. C’est l’autre réalité à laquelle va être confronté le chouchou des médias, qui n’a ni l’espace ni les ressources naturelles du Canada pour soutenir une politique de fuite en avant suicidaire assaisonnée d’accommodements raisonnables. Aussi le “sans faute” souligné par les flagorneurs d’un “grand” journal du soir doit-il être réévalué. Les rencontres diplomatiques ont deux lectures possibles : soit ce sont des ballets, soit des compétitions. Dans le premier cas, le “sans faute” consiste à ne pas faire de faux pas. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Il n’était pas difficile au jeune président, à l’élégance physique et à l’élocution précise portée par une voix claire, de plaire davantage que son prédécesseur, mal assuré et maladroit, dans une silhouette ingrate. Dans le second cas, il faut se demander qui a marqué des points. Manifestement, Macron n’en a gagné aucun. Il est sorti bredouille de ses rencontres avec Trump comme de la visite de Vladimir Poutine à Versailles. Donald Trump a demandé des comptes aux autres membres de l’Otan et n’a rien lâché sur le climat qui était la demande essentielle du Chef d’Etat français héritier de la COP 21 et des accords de Paris dont le Président américain se soucie comme d’une guigne, non sans inquiéter la vedette médiatique en charge de ces questions dans le gouvernement français. Avec le Président russe, certes M. Macron a dit combien le préoccupait la question des lgbt en Tchétchénie, et l’emploi des armes chimiques en Syrie, mais il a aussi reconnu que la solution dans ce pays passait par l’Etat syrien, et éventuellement par un dialogue aujourd’hui interrompu avec le Président Assad. Pour l’Ukraine, loin d’insister sur de nouvelles sanctions dont le Président russe avait rappelé l’inanité, il s’est contenté de souhaiter que les négociations soient reprises sur la base de la rencontre entre les parties, lors de l’anniversaire du débarquement en Normandie, c’est-à-dire l’Allemagne, la France, la Russie et l’Ukraine. On se contentera enfin de sourire des reproches formulés à l’encontre de Russia Today et de Sputnik par M. M. Macron discriminant les “agents d’influence” et les médias d’information, comme si depuis des mois, lui-même n’avait pas bénéficié d’agents d’influence qui ont assuré son élection et continuent de lui tresser des louanges.
Cette phase diplomatique à un haut niveau n’aura eu que peu de résultats concrets sur le plan international, mais tel n’était pas le but. Elle a été saisie avec opportunité par la nouvelle présidence française pour sa stratégie intérieure. Il s’agissait de montrer que l’apparatchik, haut fonctionnaire et banquier qui n’avait jamais daigné passer par la case élection avant d’être promu par le système dans la course présidentielle, tenait la route, rencontrait les puissants de ce monde, très à l’aise, et pouvait s’affirmer sur un terrain qui n’était pas le sien. L’objectif a été atteint, et sans doute beaucoup de Français se sont sentis flattés d’être représentés par une silhouette élégante et par un homme jeune, sûr de soi, et maîtrisant la forme et le contenu de ses discours. Ainsi, le peuple français retrouve-t-il sa tradition de légèreté. Séduit par l’intelligence et le brio, il a en partie oublié que cet homme était l’associé de ceux qui ont ouvert la porte à une immigration excessive et ont poursuivi le déclin économique qui génère le chômage record que nous subissons. Les Français depuis des années voulaient moins d’Europe. Ils en auront davantage. Ils voulaient moins d’ouverture des frontières. Elles seront grandes ouvertes. Mais pendant un moment au moins les Français auront été fiers d’être, aux yeux du monde, identifiés à ce jeune homme brillant. Ce moment sera bien sûr celui des élections législatives pour lesquelles les partis qui ne s’afficheront pas dans la majorité présidentielle auront pris un sacré coup de vieux. La France n’avait pas connu cela depuis Louis-Napoléon Bonaparte, et ça s’était terminé à Sedan.
2 commentaires
Excellent billet Christian .Merci .
Héritier politique de l’UDF, Emmanuel Macron a promu au Ministère du budget un individu ayant récemment mimé par complaisance les citations du Général De Gaulle mais ce petit jeu des citations était cependant réprouvé par Valéry Giscard d’Estaing durant le débat présidentiel de 1981 !