Zemmour condamné, Obono députée ! Il y a des jours où les nouvelles se télescopent d’une manière telle que l’absurdité et l’hypocrisie de notre société éclatent au grand jour pour qui n’est pas un mouton bêlant qui vient de voter Macron et frissonne encore d’allégresse sans penser une seconde qu’il vient de se faire arnaquer encore plus gravement que d’habitude. Depuis le temps qu’on lui dit que la France est le pays des droits de l’homme, une démocratie exemplaire, il y croit tellement qu’il lui a paru naturel de voter pour des gens qu’il ne connaissait pas et qui n’avaient donné aucune preuve de leur savoir-faire, en prouvant ainsi sa liberté de citoyen et d’électeur. L’idée que la France est tout le contraire, un pays où l’Etat et ses satellites pèsent plus lourd que la société civile, à laquelle on a fait semblant de faire appel aux législatives, ne lui est pas venu à l’esprit puisque voilà des mois que le nouveau président lui est présenté par des médias, quasi unanimes, comme un personnage exceptionnel. Aujourd’hui encore, il marche sur les eaux bruxelloises, s’impose, paraît-il, à Merkel, auréolé du titre de champion de l’Europe qui a terrassé le vilain monstre populiste. Mal élu, en raison d’un nombre d’abstentions très élevé, doté d’une majorité trop large pour être vraie, le voilà qui se présente comme le légitime défenseur d’une politique européenne que les Français ont désavouée depuis 2005. Peu importe, entouré d’énarques, puis dans un second rang de ministres inconnus pour la plupart, et plus ou moins compétents, eux aussi surveillés de près par l’énarchie, soutenu enfin par des parlementaires novices, le chef de l’Etat français est une façade trompeuse. Jamais sans doute un gouvernement ne s’est davantage éloigné de la démocratie dans notre pays : un homme et la caste qu’il incarne ont les pleins pouvoirs.
Les nouveaux parlementaires issus de ce raz-de-marée, qui fut surtout un ras-le-bol, offrent des visages inquiétants d’impréparation, de légèreté ou de confusion. Le député des Français de Suisse pensant défendre Richard Ferrand distingue, selon les éléments de langage qui lui ont été suggérés, le légal du moral et conclut que faire passer le second avant le premier est le début de la charia. Bref, les arrangements juridiquement suspects de l’ex-directeur des Mutuelles de Bretagne ne seraient coupables qu’aux yeux d’esprits obtus comme ceux qui peuplent les tribunaux islamiques. “Tandis que Fillon….” serait-on tenté d’ajouter en songeant à Pascal : “vérité en deçà d’une élection, erreur au-delà”. Le départ des ministres du MoDem aurait cependant dû appeler le nouvel élu à plus de retenue. Un quatrième membre du gouvernement est, d’ailleurs, l’objet d’une enquête pour délit de favoritisme pour avoir, en tant que directrice de Business France, supervisé le déplacement d’un ministre de l’économie à Las Vegas, opération de séduction confiée sans appel d’offres à Havas. Le ministre de Hollande en question était un certain Emmanuel Macron, et l’on comprend la réserve des médias sur le sujet. Mais tout se passe comme si les faits “graves” qui ont en fait décidé de l’élection devenaient sans importance après celle-ci, des peccadilles morales contre de lourdes fautes pénales.
Le triangle des Bermudes dessiné par les pouvoirs, politique, judiciaire et médiatique est sans doute le piège le plus troublant de la post-démocratie française. Il révèle combien la liberté et l’égalité dans la prise de parole sont des illusions dans notre pays. Certains discours le traversent sans encombre. D’autres y sombrent sous la persécution judiciaire et l’acharnement médiatique. Une censure objective et implicite éloigne peu à peu le coupable des micros à moins qu’elle ne le décourage à force de l’écraser sous les frais de justice. C’est ainsi qu’Eric Zemmour a été à nouveau condamné pour provocation à la haine pour avoir dit que tous les musulmans considéraient que les djihadistes étaient de bons musulmans. Mme Obono a, quant à elle, été élue députée, après avoir signé une pétition en faveur du groupe de rap ZEP et de son titre “Nique la France”. Interrogée sur BFM, elle se défendait au nom de la liberté d’expression, mais se refusait à dire “Vive la France” avec conviction. Il est permis de penser que le droit à l’expression dans notre pays devrait être sinon plus grand pour celui qui l’aime que pour qui ne l’aime pas, mais au moins égal. Eh bien non ! Le premier est condamné, et le second élu. Le “chanteur” est absolument légitime alors que celui qui participe avec courage au débat est censuré. La caricature du dessinateur est tolérée, non la généralisation du polémiste. Notre pays marche sur la tête depuis longtemps. Bien sûr, à la longue, elle ne fonctionne plus très bien, et c’est ce qui explique sans doute l’élection de Macron.