La politique actuelle dans notre pays peut se résumer dans l’opposition de deux stratégies classiques. La majorité présidentielle est dans la guerre de mouvement alors que l’opposition préfère celle de position. Pour la première, le slogan qui donne son nom au parti qui la représente résume tout. “En Marche” signifie qu’il est essentiel d’aller de l’avant, de bouger les lignes, d’incarner un mouvement. C’est beaucoup plus fort que le changement car celui-ci implique une modification perceptible qui peut se retourner contre son auteur. En 1981, les Français voulaient que “ça change”, mais quelques mois plus tard la comparaison leur suggérait que “c’était mieux avant” et en 1986, les socialistes quittaient pour la première fois le pouvoir dans la Ve République. Le mouvement est un déplacement. Il provoque la même satisfaction que le changement, car il possède la vertu de punir le pouvoir précédent, plus généralement le système et ses “hommes”. Mais il n’oppose pas l’avant et l’après mais se veut une progression continue, une synthèse dynamique plus qu’une rupture, dont l’élan séduit tous ceux qui n’ont pas de convictions fortes, ne vivent pas passionnément la politique et ne s’intéressent qu’à ses apparences. Une silhouette avantageuse qui, comme Obama regarde sur sa gauche puis sur sa droite, pendant “qu’en même temps”, des phrases confortent ou rassurent l’un et l’autre côtés, n’a pas encore créé les tensions, ni confronté les volontés divergentes de la population. Le mouvement se prouve en marchant. Il est l’apothéose de l’ère du vide et de la société du spectacle. Une présentatrice de Cnews déploie son plus beau sourire pour annoncer que le perchoir sera peut-être dévolu à une femme, comme si la présidence de cette assemblée dévaluée avait la moindre importance. Non, ce qui compte c’est cette politique-spectacle “pleine de surprises et de rebondissements” comme elle se plait à ajouter. Moins on sait où l’on va, plus la foule des marcheurs grossit. Macron, c’est Forest Gump en France ! Tant que le fossé entre l’apologie médiatique et la réalité de la politique menée ne sera pas béant, l’illusion persistera. Macron n’a systématiquement rien obtenu à Bruxelles, ni sur les travailleurs détachés, ni sur les investissements chinois, mais il y a fait bonne figure. Les Français n’ont pas encore pris conscience du fait qu’en se ralliant à la politique allemande en matière d’immigration leur président s’assurait un bon accueil bruxellois mais ne répondait nullement à leurs préoccupations.
Pendant ce temps, la droite, humiliée par une défaite inattendue, quand chacun tablait sur l’alternance qui a déjà permis à nombre de carriéristes de prendre des collectivités territoriales grâce au désaveu de la gauche plus qu’à leurs talents, affiche des positions purement tactiques. Ses “chefs” veulent rebâtir la droite, ce qui permet aux déserteurs de poursuivre leur propre ascension en prétendant privilégier la France plus que le parti. Bien sûr, les idées et les valeurs sont brandies, mais jamais vraiment définies. La droite est la concurrente de la gauche pour le pouvoir. C’est une situation spatiale, non un ancrage idéologique. Comment voulez-vous qu’ils précisent leurs idées et leurs valeurs puisqu’ils n’ont cessé de se rallier à celles de la gauche avec un certain décalage ? Alors les stratégies personnelles campent sur des positions. On ne sait pas ce qu’ils sont, mais on sait contre qui ils sont. C’est ainsi que Bertrand membre du Grand Orient, et président de ma région, affublée, morne plaine, du nom ridicule de Hauts-de-France, s’affirme en s’opposant à Waucquiez, président d’Auvergne-Rhône-Alpes. Le premier qui doit son poste au soutien de la gauche, s’y accroche, mais en condamnant la proximité de son rival avec Sens Commun et en rappelant son attachement personnel à la laïcité. La Marche pour Tous est dans ce milieu devenue l’objet d’une diabolisation qui atteint les sommets du sectarisme le plus stupide. Certains rappelleront que nous avons la droite la plus stupide du monde, mais justement ce n’est pas la droite, car celle-ci, la vraie, a toujours défendu la famille traditionnelle. Alors Bertrand, en crachant au passage dans la soupe sarkozienne, se rallie à Valérie Pécresse comme si ce produit des cabinets avait jamais eu la moindre idée politique. Si Waucquiez est élu, ce petit monde basculera vers Macron. Une avant-garde les a précédés au gouvernement. Quant à Waucquiez, il veut l’unité de la droite, mais sans exclure ceux qui voteront la confiance au gouvernement. Il se réclame des valeurs judéo-chrétiennes sans être très clair à leur sujet. Il ne le devient que pour rejeter toute alliance ou tout compromis avec le Front National. Curieuse façon de faire l’unité de la droite, mais, à coup sûr, le meilleur moyen de ne pas se faire assassiner par les médias. Peut-être Ciotti sera-t-il plus explicite puisque son créneau, sa zone de chalandise, son marché seront à la droite de Waucquiez !
Reste le Front National où les vainqueurs des élections, dans le bassin houiller du Nord, sont plutôt de la tendance Philippot, souverainiste et peu motivée par les enjeux sociétaux. Le sud davantage préoccupé par l’immigration que par l’Euro n’a que des élus proches, mais non membres. Ce qui a sans doute contribué à faire perdre le Front National, le fait d’avoir privilégié la souveraineté sur l’identité, se trouve renforcé paradoxalement au lendemain des législatives. Il est probable que ce clivage, qui a le mérite de reposer sur des idées, jouera un rôle crucial dans la recomposition de la droite. Celle-ci n’a d’intérêt que parce qu’elle est indispensable au redressement du pays, qui n’est manifestement pas la préoccupation essentielle des politiciens.
Un commentaire
Macron a reconstitué le bloc bourgeois pour imposer une lutte des classes inversée au profit de l’hyperclasse. A nous de le dynamiter afin de reconstituer un bloc conservateur réactionnaire qui dépasse les classes sociales et qui portera l’alternance en 2022!