Le Premier Ministre Edouard Philippe s’en tire plutôt bien. On pouvait craindre qu’il ne soit effacé par le discours du Président devant le Congrès. Comme ce dernier s’est fait plaisir avec de la quintessence d’abstraction, le chef du gouvernement est apparu plus proche des préoccupations des Français. L’ancien Ministre de l’économie, qui pendant ce temps se plongeait dans les profondeurs sous-marines de notre force nucléaire, avait, parait-il, fixé un cap lointain quelque peu perdu dans des brumes conceptuelles. L’ancien Maire du Havre est resté plus près des côtes de la réalité française. Et le mérite lui revient de ne pas avoir déguisé un diagnostic particulièrement sombre sur l’état du pays. Le dernier Premier Ministre à l’avoir fait était François Fillon. La crise et les gesticulations médiatiques de Sarkozy n’avaient guère permis de mettre en oeuvre une thérapeutique appropriée et efficace avant 2012. Les charlatans qui ont pris la suite ont rendu l’état du malade plus inquiétant encore. Le gouvernement affirme son intention de le soigner de manière plus sérieuse, sans poison idéologique. La pensée politique qui soutient assez discrètement le programme présenté devant l’Assemblée Nationale correspond donc à la paradoxale majorité de centre-gauche issue du vote des électeurs qui ont participé au scrutin législatif. Elle peut se résumer en deux mots : le premier déjà cité à Versailles, et rappelé au Palais Bourbon, est le “progressisme”. Macron l’avait défini vaguement comme “une action résolue en faveur du meilleur”. Philippe s’est référé à Chaban-Delmas, à Rocard dont le nom a été applaudi et à Simone Veil, pour qui “le progrès l’emporte toujours”, un poncif qui mérite à l’évidence le Panthéon. Si l’ennemi demeure le conservatisme, mais c’était déjà celui de tous les exécutifs depuis Pompidou, avec les résultats que l’on sait, la ligne suivie est celle de la “social-démocratie”. Il n’y aura pas de révolution libérale, mais une rationalisation technique et un assainissement financier de l’Etat. On cherchera à rendre l’économie française plus compétitive, mais la réduction de la dépense publique et des prélèvements obligatoires demeurera insuffisante. Avec une diminution de 3 points du PIB pour la dépense publique, et de 1 point pour les prélèvements obligatoires sur cinq ans, la France restera championne : le pays le plus socialiste d’Europe ! Et, ce faisant, elle ne pourra soutenir la compétition avec l’Allemagne. On voit là la différence avec ce qu’aurait été une présidence Fillon.
Le mandat précédent associait une aggravation du socialisme mauvais gestionnaire avec un laxisme sociétal. Le premier conduisait au déclin, le second à la décadence. L’annonce de la construction de 15000 places de prison indique une volonté d’en finir avec la politique irresponsable à l’égard des délinquants, qui trahissait l’intérêt national sous Mme Taubira. De même, le rétablissement de la sélection au lieu de l’odieux tirage au sort, pour entrer à l’université, remet le mérite à sa place. Une courte allusion à la famille au travers de l’accueil de l’enfant est un signe également positif. Le remboursement des soins dentaires, des lunettes ou des appareils auditifs est une mesure équitable. Elle souligne l’aveuglement suicidaire de l’idéologie qui règne depuis trop longtemps dans notre pays. Celle-ci exige, en effet, que des personnes, qui considèrent l’avortement comme un crime, paient, par leurs impôts ou leurs cotisations, cet acte, voulu par d’autres et, par sa masse, profondément contraire au bien commun de la nation. Qu’une déficience qui est un handicap ou un risque au quotidien pour tout un chacun ne soit pas l’objet de la solidarité alors qu’en dehors des cas extrêmes l’avortement en bénéficie, au nom d’un prétendu droit de la femme, est une injustice criante, une absurdité contre laquelle il est pourtant interdit de se révolter. On répare un peu l’injustice. On ne met pas fin à une absurdité que Mme Veil n’avait nullement souhaitée. L’immigration a été évoquée, mais le traitement annoncé du problème n’a été que la répétition de que j’entendais déjà, il y a deux législatures, sans qu’un changement décisif s’en soit suivi.
Ces quelques éclaircies n’annoncent pas un changement global du climat idéologique de la France infiniment plus redoutable que le réchauffement climatique. Ce dernier sera, grâce au médiatique M.Hulot, chargé de distraire les esprits des problèmes qui continueront à s’aggraver parce que le gouvernement aura renoncé à toucher à l’essentiel. La démocratie poursuivra son recul avec l’inféodation à la technocratie bruxelloise, avec la contradiction qui consiste à croire améliorer la justice en renforçant l’indépendance des juges, non-élus, quand c’est l’idéologie de certains qui compromet déjà son bon fonctionnement. La France sera-t-elle de retour ? Elle ne l’a pas été quand les planètes des taux faibles, de la baisse de l’Euro et du prix du pétrole étaient alignées. Le contexte économique mondial est plutôt positif. Les mesures annoncées ne présagent pas un changement radical de la situation de la France, mais une simple amélioration si l’environnement économique n’est pas modifié. De nombreux problèmes, comme celui du financement des retraites, n’ont pas été évoqués avec précision ou leur solution a été reportée au-delà de la fin du mandat. Le tissu des entreprises et la masse des actifs consommateurs vont être privilégiés au détriment des propriétaires immobiliers et des retraités qui épargnent plus qu’ils ne consomment. Il n’est pas sûr que la baisse des charges rendue plus systématique qu’avec le CICE, mais financée par un accroissement de la CSG qui pèsera sur les revenus des Français, soit la bonne solution alors que le signe le plus évident de notre effondrement économique, et surtout industriel, réside dans notre déficit record du commerce extérieur. Depuis des années, je préconisais la TVA sociale pour financer les dépenses sociales essentielles, et non liées au travail, comme la politique familiale, et pour supprimer les charges correspondantes. Celle-ci avait le mérite de favoriser la production, sans vraiment peser sur la consommation, puisque les prix des produits français devaient résulter de l’équilibre entre l’augmentation de la TVA et la baisse des charges sur le travail. Elle aurait touché les produits d’importation et les visiteurs étrangers et aurait donc directement visé notre balance commerciale. Le choix gouvernemental, comme celui qui restreint l’ISF à l’immobilier au lieu de supprimer cette marotte idéologique, sont non seulement injustes pour plusieurs catégories de Français, les retraités, notamment, mais elles sont aussi un aveu. Avec Macron, le mondialisme l’a emporté et contrairement à ce qu’affirmait Minc, il n’est pas sûr que la mondialisation soit heureuse. De nombreux Français sont même persuadés du contraire. L’enthousiasme délirant de la masse compacte des parlementaires “En Marche”, encore tout ravis d’être là, faisait pitié !
2 commentaires
Finalement ce gouvernement semble renoncer aux réformes de structure qui auraient permis de redresser la compétitivité. Encore une belle occasion ratée de réduire enfin le poids et l’emprise de l’Etat. C’est d’autant plus regrettable qu’un gouvernement “social-démocrate” est idéal pour réformer sans mettre les syndicats et les lycéens dans la rue.
“Avec une diminution de 3 points du PIB pour la dépense publique, et de 1 point pour les prélèvements obligatoires sur cinq ans,…”
Ces intentions sont très en deça de ce dont a besoin le pays pour envisager un quelconque redressement. Et ce ne sont que des intentions…
Je suis prêt à parier gros sur une continuation de l’augmentation des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires d’ici la fin du quinquennat Macron.