Deux données chiffrées révélées récemment devraient inquiéter les Français sur leur avenir. Elles contiennent cependant une bonne et une mauvaise nouvelles. Commençons par la bonne : le tourisme international a repris le chemin de notre pays après le recul entraîné par les attentats meurtriers des deux années précédentes. On peut espérer 88 à 89 millions de touristes étrangers en France en 2017. L’horizon 2020 se situe à 100 millions, ce qui devrait conduire à 50 Milliards d’Euros de recettes et à la création de 300 000 emplois. Globalement, le tourisme français se porte mieux cette année avec 97 millions de nuits d’hôtel sur le premier semestre, le record de la décennie. C’est un secteur économique qui représente 8% du PIB et occupe deux millions de travailleurs. Le cocorico doit s’arrêter car d’autres font mieux que nous. En 2016, année difficile pour la France, l’Espagne avait accueilli 75 millions de touristes étrangers, soit une hausse de 10% sur l’année précédente, pour une recette de 60 Milliards d’Euros. La France est la première destination touristique mondiale, mais elle est plus un pays de passage que de séjour. La satisfaction doit être modérée. Certes, les touristes asiatiques ou américains reviennent à Paris, mais la propreté douteuse de la ville dans certains quartiers, la présence massive de mendiants, et la petite délinquance qui y sévit, peuvent freiner l’attrait des monuments et des grands magasins.
Surtout ces chiffres sont en contraste avec ceux qui concernent aussi notre relation économique avec l’extérieur, ceux de notre balance commerciale qui devient catastrophique sans que l’on s’en préoccupe beaucoup. Le creusement du déficit commercial de la France a atteint 8 Milliards sur les six premiers mois de l’année pour un total de 34,4 Milliards d’Euros de déficit, un record. Certes, la part de l’énergie a augmenté de 2 Milliards avec le prix du pétrole, mais trois éléments sont beaucoup plus inquiétants. D’une part, c’est l’industrie manufacturière nationale qui représente la plus grande part de ce recul, avec 3,8 Milliards. En second lieu, ces mauvais résultats tombent après la mise en place timide et tardive d’une politique de l’offre avec le CICE et le Pacte de Responsabilité et de Solidarité, le premier dès 2013, le second entamé l’année suivante, mais en grande partie vidé de sa substance. Ce changement majeur de la gauche sur l’économie qui a consisté à reconnaître l’importance de la compétitivité des entreprises, a été insuffisant dans sa mise en oeuvre, timoré dans une stratégie encore marquée par des freins idéologiques absurdes et a finalement conduit à l’éclatement du Parti Socialiste. Cet échec que traduisent les chiffres de notre commerce extérieur est d’autant plus grave qu’on peut aujourd’hui considérer que notre déficit n’est pas conjoncturel mais structurel, qu’on aura le plus grand mal à y remédier, compte tenu de ce qu’est l’économie, et au-delà la société, françaises. Lorsque la croissance repart, modérément, l’amélioration du pouvoir d’achat et la hausse des investissements engendrent une augmentation de nos achats à l’étranger. Par exemple, la reprise du marché de l’automobile correspond à un déficit qui croît de 3 Milliards en 2016. La consommation des produits manufacturés s’est élevé de 60% depuis le milieu des années 1990 alors que notre production faisait du surplace.
En troisième lieu, la comparaison européenne est humiliante et angoissante. La France est distancée par l’Allemagne dont elle s’écarte pour se rapprocher des pays du sud. L’Allemagne a engrangé 122,5 Milliards d’Euros d’excédents sur les six premiers mois de l’année, en léger recul, car les Allemands, s’ils ont exporté plus que l’année dernière, ont aussi importé davantage. Or, notre part du marché allemand recule au profit des pays de l’Est européen et d’Asie. Nos produits, automobiles par exemple, ne correspondent pas au marché d’outre-Rhin, alors que le haut de gamme germanique continue à séduire les Français les plus fortunés. La réputation de la qualité allemande jointe à la modération des coûts favorisée par les réformes courageuses – dites Hartz- menées entre 2002 et 2005 déséquilibrent nos échanges avec l’Allemagne. Dans le passé, la dévaluation pouvait compenser. Ce n’est plus possible, et quand l’Euro monte, l’image positive de la production allemande résiste mieux que le “made in France”.
On pourrait verser dans un pessimisme noir et maudire les gouvernements de gauche comme de “droite” qui, par idéologie ou par démagogie et lâcheté, n’ont pas opéré le redressement préconisé par certains. Je pense toujours à la TVA sociale envisagée sur le modèle scandinave dès les années 1990, et que j’ai toujours soutenue. Le drame, c’est qu’en tergiversant, en faisant le contraire ou autre chose, de manière plus compliquée, nous avons été doublés par tous nos partenaires et concurrents qui ont augmenté la TVA et baissé le coût du travail. Aujourd’hui encore, les socialistes au faux-nez libéral, qui nous gouvernent veulent augmenter la CSG et non la TVA afin que la baisse du coût du travail soit financée par les Français uniquement et non par les touristes étrangers et les importations aussi. Notre relative réussite touristique, handicapée par le coût de nos services, jointe à notre débâcle industrielle pourrait être caricaturée : La France, vaste zone de loisirs, à côté d’une Allemagne maîtresse de la science, de la technique et de l’industrie, n’est-ce pas ce dont rêvaient les nazis dans les années 1940 ?
Plus que jamais, c’est une révolution qui s’impose. Certes notre industrie a amélioré ses marges en priorité et s’équipe – surtout à l’étranger- pour rebondir, mais si la France veut échapper au déclin, des réformes structurelles considérables s’imposent, avec pour premier objectif, la baisse de la dépense publique dans tous les domaines non régaliens. Le mille-feuille des collectivités doit être réduit à deux niveaux, municipal et régional financièrement autonomes. Une quantité de “machins” inutiles doivent être supprimés, Conseil Economique Social et Environnemental et Autorités Administratives Indépendantes, par exemple. De nombreuses activités peuvent être privatisées, pas nécessairement dans le secteur lucratif, afin que la responsabilité s’y exerce pleinement. Je pense à l’enseignement, en particulier. Un effort doit être fourni dans le domaine de la recherche en lien avec l’agriculture et l’industrie. Pour que cette révolution salvatrice ait lieu sans produire nos habituelles révolutions stériles dans la rue, il est nécessaire qu’un changement politique radical ait lieu. Le narcissisme du “chef”, l’amateurisme et la confusion des troupes, ont sans doute déjà gâché l’opportunité de la dernière élection. Il faut souhaiter à la France que très rapidement les circonstances lui en offrent une autre.
Un commentaire
Une nouvelle “Révolution Française” est-elle seulement encore possible au sein de l’Europe ?