Guy Mollet lorsqu’il était à la tête de la SFIO, l’ancêtre du Parti Socialiste, dont le grand rival était le Parti Communiste, avait un jour lâché que ce dernier n’était pas à gauche, mais à l’Est. Clairement, cela voulait dire que les communistes étaient davantage tenus par leur soutien à l’Union Soviétique que par leur souci du progrès social. Mais cette saillie dans un contexte d’un autre âge possède encore la vertu de souligner qu’une position politique est toujours définie par son rapport aux autres. Les responsables politiques ont donc l’alternative, soit de mettre l’accent sur le caractère purement spatial de leur position, soit de fournir une explication idéologique de celle-ci. Tant que la politique est une affaire sérieuse entre des partis menés par des chefs qui privilégient leurs valeurs et non leurs carrières, les idées l’emportent. Lorsqu’elle n’est plus qu’un jeu, un jeu de go et un jeu de rôles, alors ne subsistent que la géométrie ou la géographie. Dire que le Parti communiste était à l’Est, contrairement à l’apparence, ce n’était pas de la géographie, car cela signifiait qu’il était une menace pour les libertés puisqu’il était le complice intérieur de la dictature totalitaire qui menaçait alors le monde libre. Le débat qui se développe aujourd’hui à droite, chez Les Républicains, paraît ne relever que du positionnement dans l’espace au détriment des thèmes et des idées.
Dans l’invincible armada de l’ex-UMP, désemparée après son débarquement raté sur les rives du pouvoir, la dérive “spatiale” est totale. Elle tient à l’histoire du mouvement, au vide intellectuel qui s’y est installé, et à la tactique de ses chefs potentiels. Parler de stratégie serait leur faire un honneur immérité. L’UMP a été historiquement fondée par la réunion du RPR, gaulliste, majoritairement conservateur, réservé sur l’Europe, et de l’UDF, elle-même très divisée, avec toutefois une dominante pro-européenne et libérale. Le mariage pouvait être réussi en associant le conservatisme sociétal et la prudence européenne du RPR (non son hostilité) au libéralisme économique de l’UDF. Le RPR a semblé être le bénéficiaire du contrat puisque deux de ses membres éminents sont devenus Présidents de la République. Mais cela s’est fait au prix du renoncement aux thèmes et aux idées qui étaient celles de la formation néo-gaulliste. En fait, l’UMP est devenue une machine destinée à prendre le pouvoir et à le conserver, l’essentiel étant, pour ses personnalités en vue, de s’emparer de l’appareil pour saisir le pays ensuite. Dès lors, le positionnement l’a emporté sur la réflexion idéologique. Le candidat au pouvoir suprême cherchait à se situer par rapport aux sondages, aux alliances, aux reports de voix, et non dans la perspective des besoins réels du pays. Le rejet obsessionnel du Front National par peur de perdre le “centre” au profit d’une troisième voie a dominé de 1988 à aujourd’hui. Chirac, pourtant bien parti, avait dès 1988 opéré un déplacement “à gauche” qu’il a accentué jusqu’à la fin. Sarkozy, qui avait réussi une élection clairement conservatrice, a assumé une présidence qui ne l’était pas. Les idées s’étaient noyées dans les méandres des choix tactiques effectués de plus en plus à court terme. Fillon a plus ou moins repris le chemin de la droite des idées, mais en se trompant de champ de bataille, mettant l’accent sur l’économie, et multipliant les réserves à l’encontre des conservateurs qui le soutenaient vigoureusement. Lorsqu’il a coulé sur le récif du “Pénélopegate”, il avait perdu tous ceux que son libéralisme inquiétait sur le plan social, le centre libéral toujours allergique au conservatisme, et les électeurs patriotes qui le jugeaient trop mou. Le résultat de cette évolution calamiteuse est le paysage ravagé de la droite actuelle : la troisième force s’est constituée, et s’appelle “En Marche”. Entre celle-ci et le Front National, une lanterne à la main, les politiciens qui s’en réclament cherchent une droite disparue.
Jamais sans doute on n’a entendu autant le mot “droite” à droite. Méfiance, toutefois ! La surabondance d’un mot cache souvent la disparition de ce qu’il désigne. On veut “sauver la droite”. On la veut de retour. On veut lui rendre sa fierté. Mais c’est aussitôt pour dire qu’il faut la refonder en réfléchissant sur ses fondamentaux. Il est quand même étrange que des professionnels de la politique au beau milieu de leur carrière se disent brusquement qu’il faudrait savoir quelles idées les animent. Cette première orientation conduit les candidats à la présidence du mouvement à “se positionner”, parfois à la suite d’une évolution que l’on veut croire sincère. Ils veulent “rassembler” et sur ce point, Laurent Waucquiez, considéré comme le candidat d’une droite “dure”, prête à s’opposer frontalement et avec vigueur à Macron, a réussi un “coup” en étant rallié par une élue réputée très proche de Juppé, Virginie Calmels. Mais, ce ralliement peut aussi signifier la modération des idées, le retour au flou qui a tué le RPR. Une seconde orientation menace en effet l’unité des Républicains : c’est la poursuite du renoncement à être de droite, l’effacement dans le brouillard centriste. De ce côté c’est un festival de mauvaise foi et de vide intellectuel. C’est Pécresse qui veut tellement l’unité qu’elle menace de s’en aller si les militants choisissent un candidat trop clivant. C’est la candidate proche de Bertrand qui veut exclure “Sens Commun” sous le prétexte que celui-ci exclut parce qu’il défend la famille traditionnelle. Désormais, chez ces gens qui ont volé leur élection “à droite”, le repoussoir n’est plus le patriotisme du FN, c’est le conservatisme de Sens Commun. Chemin faisant, on arrive, sans transition, aux “constructifs”, qui, eux, ne sont toujours pas exclus et sont dans le positionnement “pur” comme le “macronolâtre” Solère, débitant comme un bateleur de foire son boniment du moment, et ramenant Les Républicains à un prétendu ADN fondateur de l’union de la droite et du centre qui se résumerait à la liberté économique et sociétale. Macron est génial puisqu’il va supprimer l’ISF ! Ce discours étonnant de celui qui fut porte-parole de Fillon est particulièrement réducteur.
Être de droite ne consiste pas à n’être pas à gauche, mais proche du centre et farouchement opposé à l’extrême droite. Cela consiste à être conservateur, attaché aux valeurs héritées, à l’identité culturelle du pays, à l’indépendance nationale, à la famille traditionnelle, et à être libéral dans la mesure où la responsabilité personnelle et la liberté de l’exercer sont le fondement d’une économie prospère et d’un pays puissant. Être de droite, c’est, bien sûr, être patriote, sans repousser la solidarité et le partage de politiques communes avec les nations qui appartiennent à notre civilisation. La liberté économique est un élément nécessaire de cet ensemble, un moyen indispensable, mais qui doit demeurer au service du bien commun de la nation. C’est sur cette ligne que la droite doit se reconstruire et si cela chasse les passagers clandestins, la traversée n’en sera que plus heureuse.
7 commentaires
M. Vanneste, la ligne politique libérale conservatrice que vous tracez a toujours échoué en France (exception faite à Pompidou), contrairement aux pays anglosaxons. Notre histoire nous en donne l’explication: contrairement aux pays anglosaxons, en France, l’Etat , et avant lui l’Eglise, a eu un rôle fondateur, c’est lui qui a fondé la nation et qui a très souvent dirigé ou orienté l’économie nationale lui assurant une prospérité enviée de part le monde. Aussi, je crois fondamentalement qu’ une ligne sociale conservatrice est la mieux à même de redresser notre pays, tant moralement qu’économiquement.
Oui, et c’est d’ailleurs pour cela que globalement la France est en échec. On ne soigne pas un malade en encourageant le comportement qui est la cause de la maladie. Le “social” exige une richesse à partager qui a été dilapidée par un Etat mauvais gestionnaire. Ce n’est pas l’Etat qui a créé la richesse, au contraire. L’Etat a créé la puissance politique, à partir d’un pays favorisé des dieux : espace cultivable, climat, accès à plusieurs mers, population la plus importante d’Europe. C’était déjà vrai de la Gaule. Centralisme parisien, politique étrangère désastreuse depuis la Révolution, réformes idéologiques qui ont asphyxié la démographie autant que les guerres, enfin vanité suicidaire qui conduit à prendre la France pour un modèle alors qu’elle ne cesse de se fourvoyer. La ligne libérale conservatrice n’a pas échoué, elle n’a jamais été adoptée. Vous avez raison : rares ont été les hommes politiques qui l’ont tentée, et le malheur est que cela n’a pas duré, par exemple avec Pompidou ou Balladur.
Quand je dis “social”, je ne veux pas dire augmenter la dépense publique de fonctionnement sans compter , comme on le fait depuis tant d’années et qui obère nos capacités d’investissement…et nous mène à la catastrophe. Non je pense que l’Etat par son action à investir et diriger l’économie, en pratiquant le capitalisme d’Etat, par le colbertisme pour dire les choses, dans telle ou telle voie d’avenir, via des nationalisations intelligentes peut retrouver de sa superbe et ainsi contribuer au Bien Commun des Français. Le marché tout puissant, qui nous dirige depuis des décennies, ne connaît que la satisfaction des intérêts privés qui plus est bien trop souvent étrangers.
“l’Etat par son action à investir et diriger l’économie, en pratiquant le capitalisme d’Etat, par le colbertisme pour dire les choses, dans telle ou telle voie d’avenir, via des nationalisations intelligentes peut retrouver de sa superbe et ainsi contribuer au Bien Commun des Français. Le marché tout puissant, qui nous dirige depuis des décennies, ne connaît que la satisfaction des intérêts privés qui plus est bien trop souvent étrangers.”
Superbe manifeste antilibéral, bravo! C’est collector! Tout y est : étatisme, dirigisme, centralisme, capitalisme d’Etat, nationalisation et en apothéose: le rejet de l’économie de marché.
La question qui se pose au final est de savoir si les Républicains peuvent revenir à la ligne du RPR, même partiellement. Laurent Wauquiez le croît et il semble vouloir tenter sa chance pour réorienter le mouvement dans ce sens.
Mais les mauvais coups ne vont pas tarder à pleuvoir. Dans une note sur son blog, le vieux Juppé dit clairement que le jeune Wauquiez peut être rapidement tué -politiquement- par les crocodiles du marigot républicain.
« ….Je serai seulement attentif à ce que la formation à laquelle je continue d’appartenir et à laquelle je suis attaché puisque j’en ai été le premier président, ne franchisse pas certaines lignes rouges: celle de l’incompatibilité absolue avec le FN (de ce point de vue, le refus de choisir au deuxième tour de l’élection présidentielle entre M. Le Pen et E. Macron a été un mauvais signal); sur les questions dites de société et de moeurs, la ligne rouge d’un conservatisme idéologique rétrograde qu’incarnent des groupes qui ont une influence croissante dans la gouvernance du mouvement; et bien sûr la ligne rouge de l’hostilité à la construction européenne…. »
Une simple inflexion ne paraît même pas possible ; Wauquiez risque donc de connaître le même sort que Fillon. Cela veut dire que ceux qui contrôlent le parti préfèrent perdre des élections que de redevenir gaullistes.
Dès lors, il faut souhaiter l’implosion rapide des Républicains : balles neuves !
Bien d’accord avec vous Ribus, notre salut passe par l’explosion des “Républicains” afin que des alliances électorales puissent émerger entre le néo RPR issu de l’explosion et le FN sur une ligne social-conservatrice.
Je ne suis pas certain que la politique fiction et la dépatouille de politiques en mal de carrière intéressent beaucoup les Français en ce moment .
2022 est encore loin et nous réservera sans conteste, bien d’autres surprises !