En décembre 1974, la consultation sur l’indépendance des Comores a donné lieu à des résultats contrastés : trois des quatre îles votaient massivement pour l’indépendance, la quatrième, Mayotte la rejetait à 63%. Le Président Giscard d’Estaing et son Premier Ministre Chirac décidaient de privilégier l’article 53 de la Constitution française par rapport aux règles du droit international. Dans le premier cas, “nulle cession, nul échange, nulle adjonction d’un territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées”. Dans le second, c’est le respect des unités territoriales qui doit l’emporter. On ne peut s’empêcher ici de piéger les logiques juridiquement douteuses d’arguments évidemment politiques. Si l’ONU considère majoritairement que la France occupe Mayotte illégalement, elle ne peut en tirer les conclusions, en raison du veto français. En revanche, la situation est inverse pour le Kosovo arraché à la Serbie, et dont l’indépendance est reconnue par la majorité des Etats, mais se heurte à l’opposition de la Russie et de la Chine. Quant à la Crimée, son rattachement à la Russie ressemble à celui de Mayotte à la France qui s’oppose toutefois aux résultats du référendum organisé en Crimée. En se gardant de tout humour déplacé à l’encontre de notre cher pays, on pourrait glisser l’idée qu’il est quand même plus raisonnable de permettre aux Russes qui peuplent la Crimée de regagner une mère-patrie dont ils ont été séparés arbitrairement pendant quelques décennies, et à laquelle un pont les reliera, qu’à une nation européenne, chrétienne de tradition, d’intégrer une île éloignée de la métropole par une distance de 8000 km et peuplée de musulmans. Le motif du gouvernement français était d’abord militaire. Celui des électeurs mahorais était de cultiver une différence fondée sur une vieille rivalité et sur l’espoir d’une vie meilleure. Cette espérance s’est traduite par des référendums systématiquement favorables, à l’intégration à la République française, en février 1976, à 99% ; en mars 2009, pour obtenir le statut de 101e département, à 95%. En respectant ses principes constitutionnels, et sa philosophie universaliste, la France a créé une situation complexe : Mayotte n’est pas seulement éloignée géographiquement. Elle l’est culturellement, en raison de son imprégnation musulmane, qui doit être considérablement limitée dans ses effets, par exemple avec la fin de la polygamie, dans le cadre de la République. Elle l’est socialement, avec un niveau de vie certes 9 fois supérieur à celui des Comores, mais 3 fois inférieur à celui de la Réunion, des records de natalité et de pauvreté. En revanche, Anjouan n’est qu’à 70 km, et l’île française attire évidemment de nombreux clandestins qui contournent le visa institué depuis 1995 par Edouard Balladur. Aussi, Mayotte est une hyperbole du risque migratoire. Sur ses 256 000 habitants, 41% sont immigrés dont la moitié irréguliers, aimantés par les soins, la scolarité, et la nationalité éventuelle, favorisée par l’absurde droit du sol qui permet aux enfants nés en France de devenir Français et d’éviter l’expulsion de leurs parents. Certains proposent de créer un statut d’extraterritorialité pour la maternité de Mamoudzou, la première de France par le nombre de naissances ! Le Ministre, Mme Annick Girardin, au cours d’une visite mal préparée a réitéré cette proposition grotesque. Elle avait déjà, en septembre tenté, de rendre les visas gratuits pour diminuer la clandestinité… en augmentant l’immigration temporairement légale avant qu’elle ne devienne clandestine. Le Sapeur Camenber n’aurait pas trouvé mieux ! En fait, notre gouvernement ne prend pas cette question au sérieux. On se souvient du dérapage de Macron se permettant de plaisanter sur les Kwassa-Kwassa qui ramènent plus de Comoriens que de poissons … et provoquent comme en Méditerranée de nombreuses noyades qui ne devraient pas prêter à rire.
La situation sur l’île est explosive. Le chômage touche 25% des Mahorais, mais la présence massive des clandestins crée en plus une insécurité de plus en plus insupportable pour une population exposée aux cambriolages, aux extorsions, aux agressions, et aux viols. Les forces de l’ordre ne parviennent pas à faire respecter des principes fondamentaux comme la propriété ou la liberté de circuler. Un vaste mouvement de protestation a été déclenché depuis le 20 Février avec une grève générale, et les annonces du Ministre avec un fonds de rattrapage de 1,8 Milliards, et des renforts de gendarmerie n’ont pas apaisé les esprits. C’est dans ce climat que les Mahorais d’une des deux circonscriptions du département vont élire leur député les 18 et 25 Mars. Il s’agit de remédier à l’annulation de l’élection en Juin dernier de Mme Ramlati Ali, qui n’avait gagné son siège que par 54 voix et est mise en examen pour fraude électorale. Elle est à nouveau candidate, après avoir franchi le bras de mer qui sépare le PS de LREM, ce parti présidentiel dont on découvre sans cesse la grande qualité de ses représentants. Son adversaire est le même : Elad Chakrina, candidat LR. La surprise est venue du soutien de Marine Le Pen à ce candidat, qui, contrairement aux caciques métropolitains de LR, ne le repousse pas tout en soulignant qu’il ne partage pas les idées du Front National.
On aurait tort de minimiser l’événement présenté avec mépris par la rue de Vaugirard comme un acte de pure communication d’une personnalité politique en perdition après son échec à la Présidentielle. D’abord, elle a été ensuite élue députée, et le choix qu’elle fait à Mayotte ne peut se limiter à un geste inspiré uniquement par un calcul politicien. Certes, son candidat avait fait un bien piètre score en Juin, mais elle-même avait été seconde sur l’île au premier tour de la présidentielle avec 27% des voix, derrière Fillon et ses 32%, et elle avait totalisé 42,89 % des votes au second tour. Non seulement elle voit bien que l’intérêt de son parti n’est pas de diviser les Mahorais “patriotes” qui votent plutôt LR, mais ont voté pour elle en partie. Mais surtout, elle le fait sur un terrain qui objectivement est favorable à une entente entre un parti qui retrouverait l’esprit “RPR” : loin de l’Europe, la question de l’immigration et de ses conséquences en matière de délinquance, celle du droit du sol, sont des points de convergence soulignés par la situation locale, et qui, en plus, ne se posent évidemment pas en termes de racisme… (à suivre)