La définition que Renan donnait de la Nation demeure d’actualité parce qu’elle est intemporelle. “La Nation est une âme, un principe spirituel”. Certains la trouveront désuète. La platitude actuelle préfère le concret, le solide, les intérêts économiques. Cette attitude est un contre-sens, parce que ce qui constitue les communautés humaines ne peut justement reposer sur des intérêts matériels sans liquéfier le ciment communautaire au gré des égoïsmes. Paradoxalement, l’union des hommes n’est solide que si elle repose sur quelque chose de métaphysique et c’est pourquoi ce mot religieux d’âme convient parfaitement qui désigne ici cet esprit commun animé par un sentiment plus que par un calcul, et qu’on appelle le patriotisme. Celui-ci n’ a rien à voir avec l’agitation de la foule spectatrice le soir d’un match de football. Il se réveille lorsqu’un peuple ressent profondément la solidarité qui unit ses membres au-delà de leur situation sociale ou de leurs convictions religieuses ou philosophiques. Il peut correspondre à de la fierté, à de la compassion, à de la résilience selon que l’événement qui le stimule est un succès, une souffrance ou un malheur auxquels les Français s’identifient parce qu’il est vécu par des Français.
Le 22 Mars, le mauvais génie de notre pays va une fois de plus s’exprimer. Des mouvement sociaux sous forme de grèves et de manifestations vont une nouvelle fois permettre aux revendications diverses, confuses et contradictoires de s’exprimer avec comme toujours la volonté de casser tout élan national. On ne pourra même pas en tenir rigueur aux manifestants, tant le pouvoir actuel, dont l’origine demeure douteuse, use d’un mépris de donneur de leçons plutôt qu’il ne suscite une espérance et une ardeur collective, tant il dresse les “bons Français” qui “réussissent” contre les mauvais, les chômeurs, et cette épouvantable génération de profiteurs qui nés après la guerre sont maintenant retraités et ont eu l’indélicatesse d’épargner et éventuellement d’acquérir de l’immobilier plutôt que de consommer ou de confier leur argent à la Bourse… Il faut qu’ils rendent des comptes ! Il faut qu’ils rendent gorge ! Justement, cette génération est celle dont le destin a basculé un certain 22 Mars, celui de 1968 où la chienlit a commencé. La France ne s’est moralement jamais remise de cette aventure que d’aucuns souhaitent commémorer. Les étudiants étaient plus nombreux qu’ils ne l’avaient jamais été. Le 19 Mars 1962, le jour du cessez-le-feu en Algérie, les avait libérés du risque de participer à une guerre comme celles que leurs prédécesseurs avaient connues. Un vent de liberté soufflait, qui curieusement venait de penseurs et de pensées liées aux dictatures totalitaires qui menaçaient l’Occident, et de leur idéologie marxiste déclinée en trotskysme et en maoïsme. Le parti communiste et la gauche s’engouffrèrent dans la brèche, les syndicats paralysèrent le pays, avec la sympathie d’un certain nombre d’intellectuels et de journalistes de l’époque, ravis de troubler une France qui s’ennuyait comme l’avait dit sottement l’éditorialiste de l’im-Monde, Pierre Viansson-Ponté. Il ne s’agissait pas pour les étudiants “révoltés” d’établir plus de justice sociale, mais d’obtenir pour les garçons l’accès aux chambres des filles, et accessoirement de dénoncer l’impérialisme américain au Viet-Nam… Plus sérieusement, les Accords de Grenelle apportèrent une substantielle amélioration du pouvoir d’achat et la marée gaulliste qui remonta les Champs-Elysées le 30 Mai et balaya la gauche fin Juin, aux législatives, mit fin à cette effervescence absurde. L’inflation et la perte de compétitivité de l’économie française annulèrent les avancées sociales et conduisirent le Président Pompidou à dévaluer après le départ du Général. Les conséquences de ces événements funestes furent triples : d’abord, les gauchistes qui avaient animé le mouvement prirent une position stratégique dans les pouvoirs d’influence qui pèsent sur les choix de notre pays. Le pouvoir fut bloqué dans ses tentatives de réformes pourtant nécessaires par la peur de la rue, notamment des manifestations “d’étudiants”, et cette crainte s’accentua encore en 1986, avec la mort accidentelle de Malik Oussekine. Ensuite, le “dialogue social” qui existe dans certains pays comme l’Allemagne, fut jusqu’à aujourd’hui remplacé par le rapport de forces, appuyé sur la capacité des syndicats, et notamment ceux du secteur public, de paralyser le pays pour empêcher toute réforme. Enfin, le paysage politique fut redessiné avec ,en premier lieu, une gauche libertaire qui remplace le progrès social rendu difficile en raison de la situation économique du pays par les avancées sociétales, la Procréation Médicalement Assistée pour tous plutôt que l’augmentation des salaires ; avec, en second lieu, une gauche acharnée à conserver toutes les tares et tous les retards de la société française, les inégalités de statuts et de seuils qui paralysent les ambitions et les initiatives ; et en troisième lieu, avec une droite qui s’accroche au pouvoir quand elle y est, sans jamais faire triompher des idées qu’elle n’ose même plus afficher.
Le Général a, par deux fois, remis la France “dans la course”, d’abord en 1945 en la plaçant à nouveau, et miraculeusement, parmi les 5 grands, ensuite, en 1958, en lui donnant des institutions stables qui sauvent nos gouvernements de l’insignifiance dans laquelle leur pente naturelle les amène à tomber. La seconde fois, il pensait inévitable de quitter l’Algérie, et il avait sans doute raison. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que cet abandon allait tuer chez les Français toute ambition nationale au profit d’intérêts plus individuels et plus immédiats. Certains osent célébrer le 19 Mars 1962 alors que des dizaines de milliers de Français d’Algérie, Pieds-Noirs et Harkis, ont été ensuite assassinés dans l’indifférence des Français de Métropole. D’autres, et souvent les mêmes, désirent commémorer 1968. On pourrait aussi ne fêter qu’un seul anniversaire en France, celui de Waterloo, mais heureusement c’était un 18 Juin et c’est un autre souvenir qui l’emporte !
Un commentaire
Sans oublier l’anniversaire du” 11 Novembre 1918 ” où tous les villages qui composent notre Nation furent concernés.