La mort du Maire de Signes, dans le Var, Jean-Mathieu Michel, a fait passer dans la moiteur de l’été, l’onde émotionnelle dont nos médias sont friands. Dans le village, la douleur était sincère car l’élu était connu et apprécié, depuis son élection en 1983. En s’éloignant, le sentiment a fait place à la posture. Le mandat de maire a particulièrement été encensé. Le Président du Sénat était présent aux funérailles. Le Président de la République, pourtant en vacances à proximité, n’avait pas fait le déplacement, mais promettait dans un message une réponse ferme aux incivilités. “Ferme” et “incivilités” ? Un robot n’aurait su mieux dire… Quant à Lecornu, le petit arriviste devenu ministre en trahissant la famille politique qui lui avait permis d’entamer sa carrière, il présente un Projet de Loi visant à “mieux sécuriser le parcours des élus et des maires”. On se doute que chez un carriériste, l’idée de la sécurité du parcours est préoccupante.
L’euphémisme du mot “incivilités” trahit l’inconsistance de la pensée politique qui règne en haut de l’Etat. La réduction du drame survenu dans la petite commune varoise à la question du respect dû aux élus ne mesure pas l’ampleur du problème. Le conducteur qui a causé la mort n’a manifestement pas volontairement renversé Monsieur Michel, et assure même ignorer qu’il s’agissait du Maire. Il a été laissé en liberté sous contrôle judiciaire. Certains souhaitaient une incarcération en raison de l’émotion provoquée et de la personnalité de la victime. D’autres soulignent la dégradation du statut des maires. Les agressions à l’encontre des élus ont augmenté de 9% l’année dernière. Une fois de plus, un événement crée un tourbillon de réactions centré sur le contexte des faits et partant ensuite dans toutes les directions : justice expéditive, loi qui va résoudre la difficulté, appel à la restauration du civisme, pensées et paroles en vue des prochaines municipales.
L’affaire est beaucoup plus grave, car elle dépasse la question des élus, et celle du civisme. Elle traduit sans doute l’effacement des conditions mêmes d’une démocratie libérale. Celle-ci repose sur trois piliers : en bas, la responsabilité des membres de la Cité, pas seulement en tant que citoyens, mais aussi comme acteurs privés ; en haut, l’autorité légitime de ceux qui détiennent du pouvoir ; entre eux, la confiance. 179 000 délits de fuite ont été constatés sur les routes françaises en 2017. C’est l’infraction qui y est la plus répandue (29%) et en constante augmentation depuis le début du siècle. Il y a là un refus de répondre de ses actes, d’être responsable. C’est sans doute l’élément le plus significatif du drame de Signes. Un maçon qui na jamais eu affaire à la police entend se débarrasser sans frais, de gravats et va les déposer, ni vu, ni connu, sur une décharge sauvage. Une personne, qu’il dit ne pas avoir identifiée, le surprend, le menace de poursuites et donc d’une amende. Lorsque le Maire lui demande d’attendre la police municipale, il veut partir, et effectue la manoeuvre mortelle. L’élu n’était pas seul et ce sont les témoins qui l’accompagnaient qui ont accrédité ces faits. Petits calculs, impulsivité et refus d’être mis devant ses responsabilités : cet homme de 23 ans est-il un adulte responsable capable d’être un citoyen ? Evidemment, non ! Mais “l’éducation” qui est diffusée aujourd’hui par de multiples canaux, les modèles sociaux qui sont proposés sont-il de nature à former des personnes responsables, des citoyens “vertueux” comme Montesquieu pensait qu’ils étaient nécessaires à l’instauration d’une République ? Le nomadisme familial et professionnel est facilité sinon encouragé. L’engagement dans le mariage ou devant la naissance, le respect de la déontologie professionnelle, le service du pays paraissent de vieilles lunes dont les partisans doivent être considérés avec compassion, puisque c’est la capacité de refaire sa vie, le droit de la femme d’avorter, la roublardise en affaires, la volonté de s’expatrier qui sont aujourd’hui les valeurs de l’individu-roi. La transgression est regardée avec envie et admiration par le microcosme médiatique. Jetez par-dessus bord vie matrimoniale et éthique du métier, et toutes les espérances vous sont offertes…. On se contentera de temps à autre de “sortir” un héros, si possible victime ou marginal, pour compenser.
Les “modèles” devraient notamment être fournis par ceux qui détiennent du pouvoir, les élus, les dépositaires d’une autorité administrative ou judiciaire, les chefs d’entreprise. Or, il n’y a pas de jour sans qu’une information vienne insinuer un doute sur la légitimité morale de ceux qui devraient être des modèles. La chute orchestrée de François Fillon, sans proportion avec les faits, devait entraîner une grande lessive politique. La présence au ministère de l’Intérieur de Castaner, celle de Richard Ferrand au perchoir de l’Assemblée Nationale éveillent le doute. Ces socialistes sauvés des eaux par le camarade “Macron” doivent-ils leur étonnante promotion à autre chose que l’immensité de la dette envers leur bienfaiteur ? Ce puissant protecteur devant qui tous les pouvoirs se couchent, de l’Assemblée aux salles de rédaction en passant par les palais de justice, est-il lui-même respectable ? Il faut écouter Montebourg, Marleix, et Frédéric Pierucci, cet ancien dirigeant d’Alstom, emprisonné aux Etats-Unis, pour être atterré par le silence des médias sur la responsabilité de celui qui est devenu président de la République dans le dépeçage d’Alstom, la vente de l’entreprise à GE, puis la cession discrète des trois entités créées pour maintenir le regard de l’Etat français, notamment sur le nucléaire, sur les turbines qui équipent nos sous-marins et nos centrales ! Montebourg emploie le mot de trahison à l’encontre de M. Patrick Kron, ce polytechnicien qui aurait préféré son sauvetage personnel plus un parachute doré, à l’intérêt du pays, et est néanmoins décoré de la Légion d’honneur…. comme Elton Jones. Aurait-il dû prononcer un autre nom ?
Alain Peyrefitte faisait de la confiance la clef des sociétés libérales. Montesquieu voyait dans la crainte celle du despotisme. Lorsque Macron et Castaner parlent de réponses fermes à tous propos on commence à voir de quel côté la France bascule.
6 commentaires
“L’éducation” devrait enseigner en priorité la liberté, la responsabilité et le respect du droit de propriété. Ce serait déjà une bonne base.
Elle enseigne le contraire: la primauté de l’Etat sur l’individu, l’irresponsabilité qui en découle et la spoliation légale.
En effet, il est peut-être grand temps de rééduquer nos éducateurs !
Posons-nous la question de savoir si nous sommes encore capable aujourd’hui d’intervenir personnellement en qualité de citoyen face à de telles incivilités.
Ce problème nous concerne tous, dans plusieurs domaines et sur tout le territoire. Mais restons vigilants, car en cas d’intervention courageuse de votre part, si vous avez le malheur de sortir du cadre de la légitime défense suite à rébellion, la Justice, grande protectrice du peuple, ne vous loupera pas !
Une violence meurtrière est en train de s’installer en France et touche désormais les élus locaux. Tous les corps sociaux sont peu à peu atteints et le Pouvoir semble s’en accommoder ; soit c’est voulu, soit ce Pouvoir ne maîtrise plus la situation, soit ils s’en foutent. J’hésite. Les magistrats et les élus nationaux seront sans doute les suivants à en être les victimes même s’il se croit plus protégé que le commun des mortels. La protection rapprochée coûte cher et on ne peut l’étendre à tout le monde en permanence. De plus, l’objectif du gouvernement de verrouiller Internet et pourchasser les opposants au régime a également pour effet de mobiliser des forces absentes de fait en matière de sécurité de la population et des biens.
Il suffit de regarder les lois votées en France, octroyant des droits imbéciles : mariage pour tous, avortements sans limite, euthanasie (meurtres légaux)…au mépris des conséquences.
Où sont les devoirs ? or le devoir précède le droit, en toute logique…
Exactement comme ne le précise pas et pour cause la Ligue des Devoirs de l’Homme !
Curieux que personne n’est pensé à l’inventer celle-là.