Le 21 Janvier 1793, la France se suicidait en guillotinant son Roi, Louis XVI. C’est Renan qui, après la défaite de 1870, portait ce redoutable jugement sur notre histoire. Au lendemain du désastre de Sedan, une majorité parlementaire monarchiste, mais divisée entre les prétendants au trône avait failli restaurer la royauté. Par la suite, c’est la République qui a été établie, d’une manière apparemment irrévocable, et portée par une idéologie qui faisait de l’ancien régime un passé non seulement révolu, mais condamnable, et d’ailleurs condamné par le progrès. Les Jacobins, les régicides de 1793, allaient imposer leur domination politique et intellectuelle, et leur vision de l’histoire à travers leurs héritiers et ceux-ci par le biais d’un enseignement pétri de leurs préjugés. Comme durant la première révolution, un mouvement sinistrogyre, “à gauche toute”, s’enclenchait qui faisait se suivre les opportunistes, les radicaux, les radicaux-socialistes, les socialistes et les communistes. Beaucoup de Français ont baigné dans cette atmosphère idéologique qui a consisté à identifier la gauche au progrès social et la droite à la réaction sans lendemain. De Gaulle a, pour une part, échappé à ce mouvement, mais sans pouvoir l’arrêter. Le stupide “1968” le démontre : alors que la France s’est redressée, et a retrouvé sa place dans le monde, les enfants de privilégiés jouent à la prise d’une Bastille imaginaire, montent des barricades comme le Marius des Misérables, préfèrent Trotsky et Mao à de Gaulle, Sartre à Raymond Aron. Nos élites manquent rarement d’étaler leur légèreté politique. Les syndicats saisissent alors l’opportunité de partager les richesses avant qu’elles soient créées, sans le moindre souci de la compétitivité de notre économie. Il faudra la dévaluation, après le départ du Général, pour compenser le handicap, comme d’habitude. De Gaulle, lui-même, aura toujours cherché à composer avec le sens de l’histoire, en pensant que c’était le seul moyen pour la France de ne pas s’effondrer. Le problème, c’était que les gauchistes allaient plus vite et plus loin que lui dans cette direction : ils ont de plus en plus dominé la pensée française, influencé les élites, investi les médias, et la France a continué irrémédiablement sa chute en se croyant exemplaire.
La comparaison entre les destins de la France et du Royaume-Uni devrait cependant rendre plus lucide sur le suicide français. En 1789, la France est de loin le pays le plus peuplé, le plus riche et le plus puissant d’Europe. Les cours européennes parlent français et imitent Versailles. Nos écrivains font rayonner la culture française. Depuis Denain, en 1712, pas une armée étrangère n’a foulé le royaume. La dernière guerre contre l’Angleterre a été gagnée à Yorktown en permettant l’indépendance des Etats-Unis. Louis XVI veille à ce que la flotte française gagne en puissance, puisqu’elle est notre faiblesse. L’armée est la plus forte d’Europe et fort bien équipée, notamment en artillerie. La partie n’est pas jouée avec les Anglais pour la domination du monde. L’Espagne, dont l’empire immense est intact, a aussi pour roi un Bourbon, cette famille qui règne à Naples et à Parme. Après le mariage avec Marie-Antoinette, l’Autriche n’est plus l’ennemie mais l’alliée catholique contre la Prusse. Sur le plan de ce qu’on appelle aujourd’hui la géopolitique, à ce moment, le monde peut encore être français. Les désastreuses guerres de la Révolution et de l’Empire vont définitivement asseoir la domination des Anglo-Saxons, Anglais jusqu’au lendemain de la Première Guerre Mondiale, Américains ensuite, dont les Français ne seront plus que les seconds comme lors de l’absurde campagne de Crimée contre la Russie. L’Angleterre n’a subi ni défaite, ni invasion et s’est délestée de son Empire sans guerre tout en conservant avec lui d’étroits rapports à travers le Commonwealth dont la Reine est le chef symbolique, ses 53 Etats parmi lesquels 16 royaumes dont elle est la Reine.
La France, c’est un seul régime en mille ans, et une rafale baroque de rois, d’empereurs, de républiques et de dictatures, en deux-cents ans, pour aboutir à la conclusion que notre système ne fonctionne pas très bien, et qu’il faudrait le changer une fois encore …. Depuis leur seconde révolution en 1688, les Britanniques qui avaient préservé la monarchie et seulement changé de dynastie à cette occasion, ont régné sur la planète durant un siècle grâce à des institutions adaptées avec pragmatisme, mais jamais bouleversées, et un parti de droite insubmersible, le groupe parlementaire séculaire, Tory, devenu il y a plus d’un siècle le Parti Conservateur… Certes, l’Empire a vécu, mais le monde entier parle anglais, y compris en piétinant de plus en plus le français chez lui. Il est difficile de ne pas penser dans la langue que l’on parle. Le marché et le droit, le “libéralisme” se sont imposés à l’idée d’un Etat centralisateur et rationnel en recul partout.
Bien sûr, il est absurde de vouloir réécrire l’histoire. Mais la nostalgie zemmourienne ne pointe pas suffisamment cette date, qui précède évidemment la conquête de l’Algérie. Le 21 Janvier 1793 fut le choc entre les préjugés de la tradition et ceux du fanatisme déconstructeur qui est de retour aujourd’hui. Lorsque la tradition est revenue dans les fourgons de l’étranger, en 1814 et 1815, elle avait sans doute définitivement perdu la partie. Mais il serait bon que les Français prennent conscience qu’il y a 227 ans, la France a fait fausse route. La Russie de Poutine qui amoindrit la rupture révolutionnaire s’appuie sur la fierté d’une histoire qui englobe le Tsar, l’orthodoxie et la grande guerre patriotique contre le nazisme. Elle déplore l’assassinat de la famille impériale par les bolchéviques.
8 commentaires
Monsieur Vanneste, en introduction à l’histoire de France, votre billet devrait-être lu dans toutes les écoles de France et de Navarre. Je rêve !
La “Grandeur de la France”, ne sait pas faite en fonction de ses divers régimes politiques, mais grâce à la personnalité intrinsèque de ses dirigeants. Alors, Monarchies, Empires ou Républiques, aucune importance… si à la tête nous avons des tocards.
Vous avez évidemment raison, et pourtant Mitterand et Cie ont fêté (à nos frais) avec faste les 200 ans de la révolution… et dans l’enseignement de l’histoire on évite soigneusement de parler du génocide vendéen etc…
“du pain et des jeux” , et consommez toujours plus!, voilà à quoi est réduit le peuple de France.
Quant à notre langue , reine en diplomatie, et parlée dans le monde entier, du temps des rois…pauvre de nous, elle est massacrée par les journalistes, les h. politiques, si mal enseignée dans l’école de la république où on néglige les grands
… auteurs, la grammaire, l’acquisition du vocabulaire et l’orthographe!
Oui, on ne rappellera jamais assez que la révolution, surtout avec 1793, a porté un coup terrible à la France. La première guerre mondiale a accéléré notre déclin. Et depuis, la légèreté et la stupidité de nos élites politiques, leur incapacité de débattre de nos problèmes, n’ont rien fait pour inverser le cours des choses. Si une réaction ne se produit pas bientôt il sera trop tard, car le pays aura basculé dans l’islam, et 1793 ou pas, monarchie ou république, cela n’aura plus de sens, nous aurons le califat, après un épisode de chaos pendant la transition.
Si notre pays bascule un jour dans l’ Islam, c’est que les français seront devenus assez pleutres et stupides pour cela…à mon avis ce n’est pas demain la veille, mais dans le cas contraire nous pourrons dire que notre pays n’aura que ce qu’il mérite !
C ‘est le Peuple qui fait la Nation, pas le contraire !
“Louis doit mourir pour que la patrie vive”. C’est ainsi que Robespierre légitima la mise à mort de Louis XVI le 21/01/1793. Dieu merci il y a une justice immanente, puisque ce bandit jacobin fut à son tour guillotiné le 28/07/1794 . On ne répétera jamais assez que la révolution française fut l’oeuvre d’une minorité gauchiste et que le peuple, contrairement à ce que nous enseigne la propagande socialisante de l’Education Nationale , n’a jamais voulu la mort du roi!
…et la restauration l’a prouvé peu d’années plus tard.