Quand une nation affronte une guerre, un ennemi, la solidarité “mécanique”, selon Durkheim, s’affirme, et le nombre des suicides diminue. La crise économique qui disloque une société entre ceux qui bénéficient d’un emploi garanti et les autres n’a pas le même effet. L’expérience d’une crise sanitaire doublée d’une crise économique ne peut évidemment être identifiée à une guerre. Le danger vital d’abord, social ensuite, conduira les membres d’une nation à juger leurs dirigeants selon l’efficacité des moyens employés pour les surmonter l’un et l’autre. Il y aura donc un soutien plus ferme de ceux dont l’action sera jugée positive. Il n’y aura pas d’union nationale. C’est ainsi que Mme Merkel a bénéficié des bons résultats allemands face au Covid-19, qui font oublier son aveuglement sur le risque migratoire. La situation est très différente en France, car l’épreuve, mal “gérée”, loin de favoriser l’unanimité a renforcé un clivage mondial vécu avec plus d’intensité dans notre pays.
Ce clivage est celui qui oppose une “élite” progressiste à des peuples conservateurs, le progressisme à ce que les progressistes qui dominent les médias appellent dédaigneusement le populisme. La concentration des pouvoirs politiques, économiques et médiatiques dans notre vieux pays d’hypercentralisation jacobine, a toujours renforcé le poids de l’idéologie dominante, inoculée par l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, et la presse de “référence”. Le “Monde” trône dans tous les CDI… L’élection de M. Macron en 2017 a placé à la tête du pays une caricature de ce progressisme, réunissant l’ENA, la Haute Fonction Publique, les “cabinets”, et la Banque d’affaires…. Impossible de dire mieux ! Michel Onfray souligne que l’un des ouvrages placés en exergue sur une photo du chef de l’Etat, celui d’André Gide contenait “L’Immoraliste”.
Le progressisme repose sur une double confusion qu’on trouve déjà chez Condorcet. Les progrès scientifiques et techniques sont indéniables. Mais, première confusion, ils seraient globaux et ne mettraient pas de terme à la “perfectibilité de l’Homme”. “Nos espérances, sur l’état à venir de l’espèce humaine peuvent se réduire à ces trois points importants : la destruction de l’inégalité entre les nations ; les progrès de l’égalité dans un même peuple ; enfin le perfectionnement réel de l’Homme”. On sourit en relisant cet auteur conduit au suicide dans sa prison de Bourg-l’égalité ( redevenu Bourg-la- Reine), après avoir été pourchassé et arrêté par plus révolutionnaire que lui. Le nom d’alors de la ville est un détail cocasse. Ceci se passait sous la Terreur, en 1794. Plus de deux cents ans après, l’égalité entre les nations ou entre les Français, le perfectionnement réel de l’homme n’ont pour le moins pas progressé à la même vitesse que la technique. Nous ne vivons pas dans le monde qu’il connaissait. Nos moyens de communiquer, de nous déplacer, de produire, d’échanger, de nous soigner sont infiniment supérieurs. Mais l’Homme s’est-il perfectionné ? A-t-il fait progresser l’égalité entre les peuples et les membres d’une même nation ? Evidemment, non ! Seconde confusion, le progrès une fois perçu doit se poursuivre de manière continue, linéaire jusqu’à l’idéal. ” Il arrivera donc, ce moment où le soleil n’éclairera plus, sur la terre, que des hommes libres”. A nouveau, sourire ! Non seulement la liberté n’a pas conquis la planète, mais elle régresse dans notre pays, en raison des “états d’urgence” à répétition, et des restrictions constantes à la liberté d’expression. La technologie perfectionne même le contrôle et la surveillance. L’idée que l’Histoire n’est pas linéaire, mais cyclique, et qu’un mouvement inverse à celui du passé récent peut s’y produire, devient de plus en plus crédible. A regarder les résultats économiques de la France, le mot de “déclin” s’impose. A regarder sa cohésion sociale, l’état d’esprit de ses habitants, son rayonnement dans le monde, c’est celui de “décadence” qui se profile.
Il est frappant de constater que dans notre pays une minorité privilégiée continue à croire au progrès dont elle se réserve plus ou moins consciemment les bénéfices, et qu’un nombre grandissant de Français en doutent. Ils n’ont pas vécu le confinement de la même manière, n’ont pas la même vision de l’avenir que la caste qui dirige le pays. Celle-ci continue à imposer son idéologie et ses priorités alors que la masse s’en éloigne chaque jour davantage. Durant la crise sanitaire, l’ignorance et le mépris du peuple se sont affichés sans vergogne, sans doute par aveuglement. Deux exemples : le pouvoir a utilisé l’épisode pour promouvoir ses lubies idéologiques. Il a sorti les détenus de prisons et les clandestins des lieux de rétention, pendant qu’il confinait les Français. Il a maintenu les demandes d’asile. Il a allongé les limites de l’avortement jusqu’à trois mois, comme si l’insuffisance des naissances n’était pas prioritaire par rapport à ce “droit’ magnifié par l’idéologie. La ministre de la Justice s’est félicitée de la diminution du taux de “surpopulation carcérale” alors que celui-ci n’est du qu’à l’insuffisance des cellules, et non à l’excès de répression. La comparaison avec nos voisins est humiliante.
Second exemple : la gestion de la crise sanitaire et le barrage institutionnel face à la thérapie “marseillaise” de Raoult. Sous prétexte de favoriser la recherche d’un vaccin, ou de nouvelles molécules spécifiques au Covid-19, on a gêné voire interdit l’usage de cette thérapeutique, entravé la liberté de prescrire des médecins, et sans doute entraîné des décès évitables. Le renvoi chez soi, la non-admission à l’hôpital de patients âgés, condamnés à une absence de traitement efficace sont des crimes, liés certes à la pénurie mais aussi à l’idéologie et aux accointances de la classe dirigeante. Les cénacles parisiens pensaient recherche, découvertes à plus ou moins long terme des laboratoires, comme pour le Sida. A Marseille, Raoult testait, soignait et guérissait le plus souvent avec des remèdes anciens et peu coûteux des malades atteints par une épidémie nouvelle, mais pas exceptionnelle. Raoult ne croit pas comme Condorcet que “la durée moyenne de la vie augmentera sans cesse”, mais pense que l’expérience et les molécules du passé doivent être utiles à tous les malades sans discrimination… Ses adversaires “progressistes” étaient favorables à des expérimentations comprenant un “groupe témoin”, c’est-à-dire des gens que l’on ne soigne pas. Cela est révélateur : le progressisme élitaire se soucie peu d’égalité, peu de liberté, peu de la vie des “vieux blancs” comme on dit maintenant. Il se contente de régner et d’écraser ce qui lui résiste….
8 commentaires
Le progressisme est l’ennemi de la liberté
La citation de Condorcet, révolutionnaire libéral, prouve le contraire! Le progressisme n’est pas l’ennemi de la liberté mais son ardent propagateur.
Faux !
“Médiocre et rampant, on arrive à tout” (Beaumarchais), c’est cela le progressisme “en marche” à l’Université ! d’après mon expérience !
“La concentration des pouvoirs politiques, économiques et médiatiques dans notre vieux pays d’hypercentralisation jacobine, a toujours renforcé le poids de l’idéologie dominante, inoculée par l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, et la presse de “référence”.”
et malheur à vous si vous ne partagez pas cette idéologie !
Avec les résultats probants que l’on sait… Condorcet était un rêveur qui faisait des rêves de géomètre. Le vrai libéral était anglais, ou plutôt irlandais et s’appelait Edmund Burke…
La régression nous mènerait-elle au malheur, le progrès nous mènera -t-il vraiment au bonheur ?
Si le professeur Raoult souhaite attirer l’attention d’Emmanuel Macron, il suffit à ce médecin de consentir une cession des dettes financières à l’Olympique de Marseille, du moment que le championnat français de football professionnel soit débloqué et je fais la même remarque à l’encontre de notre actuel ministre français des sports, qui aura rendu caduque et nul deux contrats de travail, par le report d’un match de football permettant une qualification en compétition européenne.
Erratum dans mon précédent message:
” […] financières contractées par l’Olympique de Marseille […] “
“C’est ainsi que Mme Merkel a bénéficié des bons résultats allemands face au Covid-19, qui font oublier son aveuglement sur le risque migratoire”
Elle ne s’aveugle pas mais elle en profite : en effet l’Allemagne connait un déficit démographique contrebalancé en partie par la fécondité des immigrants et des réfugiés (https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/03/29/l-allemagne-fait-plus-d-enfants-mais-continue-a-vieillir_5278251_3214.html)
Immigrants qui iront alimenter une main d’oeuvre travailleuse pour l’industrie allemande. Or en France, non seulement notre industrie a été bradée, mais elle a aussi été dévalorisée : Ce n’est que depuis ces dernières années que l’apprentissage, l’alternance ont été remis à l’honneur.
Sous le pretexte fallacieux que “l’étudiant est un travailleur intellectuel en formation” prêché par la Charte de Grenoble, combien d’étudiants se sont crus autorisés, aux frais de Papa-Maman à mépriser le travailleur manuel qui gagne sa vie, l’infantilisant parce qu’il serait nécessairement exploité par le gros vilain patron ?
On peut faire grief de bien des choses à l’immigration, qu’elle soit légale ou illégale, se basant sur les inégalités économiques ou le contexte géopolitique, mais il est a constater que cette idéologie prétenduement progressiste est endogène à l’Occident. Peut être que ces sociétés que l’ont dit pudiquement “traditionnelles” ou “plus conservatrice” auraient elles a nous rappeler ce que nous avons parfois oublié : la valeur du travail et sa juste récompense.
Cela passerait à mon sens par la baisse des charges sociales afin de cesser le matraquage des PME et éviter un poujadisme tout aussi préjudiciable à notre Nation que le progressisme.
“Durant la crise sanitaire, l’ignorance et le mépris du peuple se sont affichés sans vergogne, sans doute par aveuglement”
Par aveuglement ou par projet? A lire la presse et regarder les médias, on s’aperçoit que ce qui fait parler, ce qui fait le “buzz”, c’est la petite pique, la provocation gratuite, facile à comprendre par tous, sans condition d’âge ou de condition sociale.
Prenons l’exemple de Jean Luc Mélanchon : Au dela même des idées qui sont les siennes, il faut reconnaitre que c’est un orateur et un tribun. Il sait parler, développe un argumentaire, cherche a convaincre et il ne manque pas de culture, garnissant ses discours de références historiques, politiques et autres.
Or qu’est ce que l’on retient de lui? “La République, c’est moi!”, son “déballage de courses” lors de la baisse de 5€ des APL.
Idem pour Alain Finkelkraut : N’importe quel quidam, moi le premier, a instinctivement en tête son “Taisez vous!” face à Abdel Raouf Dafri. Mais tout le monde aura oublié que le sujet de sa réprimande portait sur Maurice Barrès. Tout comme on a oublié Maurice Barrès, en ce qu’il avait raison et en ce qu’il avait tort.
J’avais voulu me plonger dans la pensée de Finkelkraut, celle ci est abondante. Mais par ou commencer? Je ne puis facilement renseigner sur Internet vu que le nom de Finkelkraut y est associé à la controverse, à la polémique. (Après en toute logique je commencerai par son premier ouvrage “Le désordre amoureux”). Mais Finkelkraut, rattaché aux “nouveaux philosophes” est de cette fraction de philosophes qui justement tire sa notoriété de ses interventions médiatiques….celles ci étant hélas plus connues, plus labiles et volatiles que le fond de sa pensée. Que le fond même d’une pensée.
Les exemples pourraient être étendus à l’infini mais ramassons le propos au fameux “quart d’heure” de gloire d’Andy Wahrol…qui fait hélas aujourd’hui office de projet de vie (personnelle et nationale) pour bien des gens.
Voila pour les deux traits saillants auxquels je voulais réagir.