Il y a un demi-siècle, le Général de Gaulle laissait la France veuve comme dira Georges Pompidou. Cet événement eut un retentissement mondial alors que le Général avait quitté le pouvoir et se consacrait à l’écriture de ses Mémoires d’espoir dans l’austère solitude familiale de Colombey. Pour beaucoup sans doute cela appartient à l’histoire ancienne, comme ce 11 Novembre qui une fois encore va être célébré dans deux jours. Malgré la médiocrité recluse du temps de confinement, des politiciens d’aujourd’hui vont néanmoins se prévaloir de leur respect pour celui qui fut, et de loin, le dernier grand homme de notre histoire. Cet empressement est chez certains injurieux, tant ils contribuent à l’abaissement tragique de la France, cette fatalité contre laquelle l’homme du 18 Juin s’était dressé.
On ne peut comprendre de Gaulle qu’en prenant conscience des deux idées maîtresses qui l’animaient : maintenir la France à la hauteur d’elle-même et tenir compte de la réalité fuyante du temps. C’est le sens de l’une des formules fortes qui achèvent les Mémoires de guerre : ” Vieille France, accablée d’Histoire, meurtrie de guerres et de révolutions, allant et venant sans relâche de la grandeur au déclin, mais redressée, de siècle en siècle, par le génie du renouveau.” Pour que la France se maintienne à son rang, il faut sans cesse la tourner vers l’avenir, en ne gardant du passé que l’idéal de grandeur qu’il nous lègue. Le militaire qui avait écrit “La France et son armée ne pouvait cacher son admiration pour l’Ancien Régime : ” Quand le temps a passé, emportant les hommes, et qu’une telle oeuvre demeure, on doit glorifier l’artisan”. S’il termine cet ouvrage par un hymne à la victoire française de 1918, il en souligne aussi le prix : ” La France, dans l’épreuve des nations armées, emporta la palme de l’effort”. Et, loin de s’en tenir à la stratégie et aux armes forgées alors, il va donner la priorité aux armes nouvelles qui impliquent une stratégie révolutionnaire. Ce sera ” Vers l’armée de métier” dans lequel il décrit avec précision celle-ci, la guerre de mouvement, qui doit remplacer celles des positions grâce à l’emploi massif et pénétrant de divisions blindées constituées de spécialistes formés pour ce matériel. Une fois de plus, la France va affronter l’Allemagne. Elle n’a plus l’avantage démographique, elle doit avoir la suprématie technique, celle qui permet de toucher l’adversaire en son coeur économique, la Ruhr, tout en sachant que l’ennemi peut de la même manière vaincre en perçant rapidement jusqu’à Paris. L’armée française ne s’étant pas adaptée, ayant utilisé les chars comme en 1917, fut écrasée comme elle ne l’avait jamais été.
C’est alors que le soldat devint politique. Contrairement à d’autres, de Gaulle n’a jamais mis au premier plan du désastre les causes politiques, morales ou économiques. Il considérait que la bataille de France pouvait être gagnée en utilisant d’autres moyens. Les 100 000 morts français en quelques semaines, avant que le moral ne s’effondre totalement à l’appel d’avoir à cesser le combat lancé par Pétain, prouvent que l’argument est recevable. La série de défaites italiennes explicables par un équipement obsolète, et une hiérarchie militaire calamiteuse, le renforce. Toutefois, l’impréparation, la chute de la production industrielle, la diplomatie contradictoire qui s’appuyait sur le réseau des pays d’Europe centrale et orientale qu’une stratégie défensive nous rendait incapables de secourir, l’alignement systématique sur l’Angleterre, trouvaient bien leur source commune dans un système politique irresponsable, dépourvu de volonté et de continuité. Redonner à la France un exécutif digne de ce nom, propre à concevoir le destin du pays à long terme et sans préjugé idéologique : tel fut le but politique essentiel de l’homme politique, de l’Appel à la Libération, du RPF à la Ve République. Il y est parvenu, mais après son départ, et singulièrement depuis le retour de la gauche au pouvoir, la leçon a été oubliée, les travers sont revenus. La France a recommencé à descendre les marches.
Rendre hommage au Général, ce n’est pas glorifier un homme particulièrement généreux, humaniste. Il a été dur, et parfois impitoyable, mais toujours au nom d’une lucidité implacable. La tragédie de l’Algérie française en est l’exemple le plus cruel. Mais qui pourrait prétendre que la décolonisation ne fût inévitable ? En revanche, qui peut croire un instant que la France d’aujourd’hui, si mal gouvernée, prisonnière des minorités, déséquilibrée par une immigration sans contrôle, serait conforme à ses vues ? Le 18 Juin, il avait annoncé qui gagnerait la guerre, et il ne s’était pas trompé. A Alain Peyrefitte, il déclarait : ” la gauche n’a pas raté un désastre”. Malheureusement, les 50 ans qui nous séparent de sa mort lui ont aussi donné raison sur ce point.
7 commentaires
“Mais qui pourrait prétendre que la décolonisation n’était pas inévitable ?” Formule facile qui ne peut effacer l’ignominie de la décision et les conséquences tragiques pour la bagatelle d’un million de personnes. De Gaulle ne s’est élevé qu’en prenant le large et en se mettant à la remorque de plus grandes nations ou bien en lâchant du lest, comme un ballon dirigeable ou une baudruche. Sa fortune actuelle ne tient qu’à une historiographie hagiographique et par comparaison avec une classe politique d’une très grande médiocrité. La Vème République est son œuvre : nous en mesurons au quotidien sa postérité.
Ce qu’on pourrait le plus lui reprocher c’est le massacre des Harkis par le FLN et le mauvais traitement de ceux qui ont survécu en métropole… Français par le sang versé; la France a été beaucoup trop généreuse ensuite avec l’immigration musulmane qui n’aime pas la France
Il est mort sur son bureau en écrivant ses mémoires. Dieu ou la providence font parfois bien les choses. En effet, comment imaginer un instant ce “Grand personnage de l’Histoire”, déambuler vieillissant, sénile ou handicapé, porteur de couches dans un sinistre couloir d’EHPAD ?
Il est plus aisé de juger les actes du passé, que d’empêcher ce qui se passe de nos jours !
@ Monsieur le Député:
L’Histoire reste indispensable à la science économique, mais elle est parfois pitoyablement réécrite au nom de calculs électoraux. En ce jour particulier pour le France, c’est encore la loi du silence dans les media français, lesquels ont ignoré ou oublié le sulfate double d’alumine et de potassium, ayant été découvert au pic du Sancy, molécule qui, avec l’argent inoxydable, avait abouti jadis à un embargo naval contre le nitrate de sodium chilien afin d’empêcher la synthèse d’acide nitrique par les Allemands, ces derniers ayant finalement dû quitter, pendant la Grande Guerre, les mines en calcite de Vimy…
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