La dérive politique de la Justice.

Le livre de Régis de Castelnau ” Une Justice Politique” offre un éclairage libérateur sur l’évolution politique de notre pays. Pour ceux qui n’ont toujours pas compris ni admis qu’un socialiste tendance Terra Nova, ou caviar, au choix, un bébé Attali, occupe l’Elysée au lieu de celui qui avait l’expérience la plus solide parmi les hommes politiques de notre pays,  pour ceux qui s’interrogent sur la morgue ou l’arrogance du pouvoir actuel, pour ceux qui comme le comédien Niels Arestrup s’indignent de la manière dont le Président s’adresse aux Français, cet ouvrage fournit une grille d’explication sous forme d’enquête au bout de laquelle le lecteur s’écrie : “bon sang, mais c’est bien sûr” !

La France a subi en 2017 un coup d’Etat judiciaire. Certes, il avait pour but de disqualifier François Fillon et d’assurer la victoire de Macron, puisque le second tour face à Marine Le Pen n’était qu’une formalité, mais il avait surtout pour raison d’être l’affirmation du pouvoir des magistrats face à l’abaissement des politiques. François Hollande avait créé le Parquet National Financier après l’affaire Cahuzac. Celui-ci est devenu l’exécuteur de Fillon. Jamais le duo presse-magistrats n’avait fonctionné à cette vitesse au triple mépris, d’abord de la coutume qui doit évidemment mettre des candidats à l’abri de poursuites durant le temps de l’élection, ensuite de la séparation des pouvoirs qui devait interdire une perquisition à l’Assemblée, et tout contrôle de l’emploi de ses assistants par un député, ce qui relève d’abord de ses pairs, c’est à dire du Bureau de l’Assemblée, et enfin du secret de l’instruction lié à la présomption d’innocence, puisque la diffusion des “informations” se faisait en flux tendu grâce à la connivence entre journaux et magistrats. La finalité de l’opération n’était pas de faire justice mais d’évincer Fillon. La condamnation récente du candidat malheureux n’a été qu’une validation de l’opération, comme par hasard au moment des municipales, histoire d’aider sans doute Les Républicains…. Pour corroborer cette analyse, Maître de Castelnau souligne au contraire l’extrême lenteur des procédures lancées contre les amis du “Prince”. Richard Ferrand en est la parfaite illustration. L’affaire Fillon a été menée à un train d’enfer, celle de Ferrand s’enlise. Le premier a quitté la politique à laquelle il avait consacré son existence, avec le seul tort d’avoir voulu jouir d’un train de vie à la hauteur de ses activités, mais sans avoir pris un euro à quiconque. Le second trône au quatrième rang dans l’ordre de préséance de la République alors qu’il est mis en examen. Acharnement sur les uns, protection des autres : la différence réside dans le rapport avec le “chateau”. Les concurrents éventuels sont les plus ciblés : une véritable “chasse au Sarkozy” n’en finit pas d’une affaire à l’autre d’écarter l’indésirable. Même si l’on doit attendre les décisions de la justice, le ciblage et l’agenda laissent peu de doutes sur leur intention politique. De la même façon, la sévérité des peines prononcées contre les Gilets Jaunes, les vrais, et non les casseurs introduits dans leurs manifestations, a dépassé tout ce que l’on avait connu jusqu’à présent en matière de répression de manifestations, non seulement par la brutalité du maintien de l’ordre, mais aussi pour les suites judiciaires : 1796 condamnations, 316 mandats de dépôt, “chiffres ahurissants” écrit l’avocat. La différence avec le traitement des loubards qui protègent les trafics contre la présence des policiers, dans les quartiers où ils règnent, est à l’évidence aussi le résultat d’un choix politique.

Dans cette mise au service du pouvoir macronien de la magistrature, il n’y a pas seulement une préférence idéologique pour le “progressiste” face à la droite, pas seulement un ralliement au sein du “bloc élitaire” contre le “bloc populaire”, il y a le désir d’une caste de s’émanciper du pouvoir en le rendant dépendant d’elle. En France, la Justice n’est pas le troisième pouvoir, mais seulement une autorité où le Siège et le Parquet demeurent étroitement liés alors que le premier juge quand le second enquête. L’idée d’une indépendance de l’ensemble à l’égard du pouvoir est absurde car le Parquet doit évidemment être soumis à une politique tandis que les juges doivent juger des personnes, et le faire en toute indépendance en appliquant la loi. Or on assiste aujourd’hui à un phénomène gravissime qui détruit les fondements mêmes de la République : le pouvoir législatif est désormais totalement aux ordres de la Présidence qui se plaint parfois des réticences des députés, et par une sorte de masochisme, ceux-ci ont tendu aux magistrats des verges pour se faire battre, par exemple en diminuant l’immunité parlementaire qui est simplement la protection de la liberté de parole d’un représentant du Peuple. Par ailleurs, la fin des partis de masse, comme le PCF ou le RPR qui pouvaient s’appuyer sur le nombre et la générosité des militants et des sympathisants a laissé place au concours Lépine des partis de cadres pour avoir les moyens de faire campagne ou de fonctionner. Les nombreuses affaires qui ont jalonné l’actualité depuis l’ère Mitterrand avec les bureaux d’études, les marchés publics juteux et les emplois fictifs ont lancé les chevaliers blancs justiciers contre les politiciens moralement affaiblis. Des magistrats politisés leur succéderont qui en profiteront pour faire leur choix à l’encontre de politiciens déclassés. L’Autorité judiciaire appuyée sur le “quatrième pouvoir” des médias est devenue de fait le premier des pouvoirs, puisque la stratégie déployée pour Macron pourrait parfaitement se retourner contre lui. La nomination de Dupond-Moretti a été ressentie comme une offense par beaucoup de magistrats. Le ministre de la Justice est aujourd’hui visé par une instruction de la Cour de justice de la République après les plaintes de l’association Anticor et de trois syndicats de magistrats. Des plaintes ont également été déposées contre les ministres qui ont géré la crise du Covid. C’est le président lui-même qui confiait à Philippe de Villiers que son premier ministre gérait son “risque pénal”.

Le gouvernement des Juges face à un pouvoir politique démonétisé ne va ni dans le sens de la démocratie puisque le peuple est tenu à l’écart de cette lutte sourde à l’intérieur de l’oligarchie, ni dans celui de la République puisqu’il inverse la hiérarchie légitime des pouvoirs, que seul le suffrage populaire doit fonder.

 

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10 commentaires

  1. Le pouvoir politique, exécutif comme législatif, s’est suicidé en créant ces dernières décennies sans cesse de nouveaux délits politico-financiers dont l’autorité judiciaire s’est emparée afin de prendre le pouvoir sur lui. Voilà le résultat de l’excès de transparence à la sauce scandinave protestante à rebours de notre culture! Le peuple n’attend pas de ceux qui le représentent qu’ils soient des oies blanches, s’ils le sont c’est encore mieux certes, mais des personnes efficaces qui le conduisent avec le soucis du bien commun et assurent sa pérennité.

      1. Non, M. Fillon ne méritait pas d’être élu sur ce critère.

        Un bilan lamentable, par exemple en matière scolaire ; un programme encore plus lamentable, par exemple la volonté idéologique de privatiser tout ce qui bouge.

        Au contraire, le programme du RN en 2017 souhaitait revenir sur le démantèlement d’EDF, et Dupont-Aignan comme le RN souhaitaient revenir sur le sabotage de l’éducation nationale par les deux principaux partis “de cadres” (ne le sont-ils pas devenus aussi suite à la politique qu’ils ont menée ?).

        Nul besoin, donc, d’un complot pour expliquer l’élimination du forcené libéral. Ou plutôt, les attaques ont fonctionné parce qu’elles étaient basées sur une réalité indéniable : ce monsieur était grassement payé, par divers moyens, pour démanteler l’Etat.

        On n’en a pas voulu, et c’est très bien comme ça. Reste une autre paire de manches, trouver quelqu’un qui serait réellement soucieux du bien commun (et donc, parmi d’autres critères, pas un “libéral”).

        1. 1) Fillon n’était pas un libéral “forcené”. 2) “grassement payé” ? Sans doute est-ce que ça a été le cas de Macron. Fillon n’a pas dépassé l’enveloppe parlementaire à laquelle il avait droit. Il reste qu’il est le seul, à un moment particulier, à avoir subi une mise en examen destructrice alors que quantité d’autres parlementaires se trouvaient dans une situation analogue. Il s’agissait de l’éliminer et de faire élire celui qui était le véritable “homme” du système que vous critiquez. 3) Quant à trouver le candidat, homme ou femme, pour la fois prochaine, l’article a justement pour but de montrer que le système qui s’oppose à nous faire sortir de l’ornière est très solide et très intelligent. Qu’il y ait eu complot en 2017 est une évidence que la stigmatisation du “complotisme” cherche à gommer. Le complotisme systématique est stupide mais le refus de l’hypothèse d’un complot lorsque les faits en établissent la réalité l’est tout autant.

  2. Les politiques ont des comptes à rendre, les policiers aussi..mais les juges ? Bien que souvent décorées par “l’Exécutif”, leur toge symbole du “Judiciaire” leur procure l’immunité la plus complète même en cas d’erreur, vu que la faute semble ne pas exister dans ce milieu !

  3. Si vous avez rencontré des juges “ripoux” inutile de vouloir les faire punir, car ils seront jugés par certains de leur collégues, parfois encore plus pourris, alors, peine perdue

  4. cela fait un moment que la france n’est plus un état de droit et que les juges se joue des droit des accusés .
    quand il n’y a pas de justice il reste toujours la vengeance !

  5. La fin des partis ?
    La République « populiste » regarde ses assassins dans les yeux, le pouvoir politique et médiatique unis par la même ambition destructrice, solidaires dans leur médiocrité, égaux dans la malhonnêteté, rassemblés dans l’opacité, verrouillés par la même hypocrisie, les partis politiques et les médias aux ordres achèvent quotidiennement de souiller ce qu’il reste de gravé au fronton des mairies.
    De scrutins internes en comptes de campagnes, de fausses élections en fausses factures, les partis affichent mois après mois leur véritable nature, celle d’organisations structurées pour « servir » leurs dirigeants et assurer la permanence de leurs postes, fonctions ou mandats et donc de leurs revenus.
    A bien y regarder la quasi totalité des processus portés par les formations politiques est entachée d’irrégularités, de fraudes comptables ou juridiques, d’enrichissements suspects ou coupables, d’élections volées, de bulletins manquants, et de finalement tout ce qui marque la déchéance tangible d’un modèle qui porte en lui le germe de sa dégénérescence.
    Ainsi vont les partis politiques qui se sont construits sur ce mensonge de devoir servir quelques-uns pour être utiles à tous. Aux finals, dédiés à leur propre aristocratie, ils servent des ambitions, sans jamais s’intéresser à la seule qu’ils devraient chérir, celle de la France.
    Les partis politiques et le régime que leur existence induit, sont à l’origine même de ce qui a profondément dévoyé le principe républicain en professionnalisant ce qui jamais n’aurait dû l’être: la représentation, qu’elle soit locale ou nationale. Loin de concourir à l’expression du suffrage universel, ils ont participé activement à la confiscation de la parole légitime et de l’entrée dans la carrière pour finir par les sanctuariser et finalement les embaumer.
    Structures endogames et fermées, les partis politiques ont fini par se donner aux plus rusés, aux plus désinhibés et finalement aux tenants de cette élite formée de ceux qui compensent de n’être bons à rien par être prêts à tout. Parfaitement huilée, la machine partisane a même réussi à faire main basse sur la démocratie en proposant au bon peuple fasciné par les jeux et le cirque, un nouveau simulacre à la mode, alpha et omega de l’unité partisane : les primaires. Tout est pourtant dans le nom… Au final, les primaires ne sont rien d’autre qu’un processus de confinement, interdisant l’émergence d’une autre voix, et qui débouche inéluctablement sur celle du compromis et de l’eau tiède.
    C’est aussi probablement pour cela que leur défaite n’est pas que morale, mais avant tout intellectuelle. Totalement hypnotisés par la conquête du pouvoir, ils sont parfaitement incapables de penser le monde et de poser une vision sur l’avenir. Au lieu de ça, les partis dans leur ensemble ont patiemment creusé la tombe du modèle français en se servant de leurs deux outils préférés, la posture idéologique et le renoncement, jusqu’à les ériger en mode de gouvernement.
    Architectes de la société dans sa forme pyramidale, les partis politiques sont voués à disparaître car incapables de remettre en question leur fonctionnement vertical. Au niveau national, l’avenir immédiat devra s’inscrire dans le sillon impératif d’un mandat sans droit à la réélection et sans possibilité d’y faire autre chose que ce pourquoi on y a été porté.
    Ainsi de nouvelles méthodes de diffusion et de partage des idées et de leur mise en pratique vont voir le jour et s’installer dans notre paysage, des pistes :
    – des plateformes collaboratives d’idées qui transcendent les clivages politiques traditionnels et par lesquelles les citoyens prennent la parole sans plus attendre que les clercs légitimes ne la leur prêtent;
    – des financements portés par le « crowdfunding » (Les porteurs de projet peuvent demander à leurs fans de les financer) sans logique d’adhésion et d’encartage ;
    – la mise en place d’un « congé individuel politique » dans l’entreprise pour offrir aux salariés la possibilité de devenir un acteur engagé le temps d’un mandat.
    – et l’application stricte du non cumul des mandats et de leur non renouvellement.
    Cette évolution passe enfin et avant tout par une prise de conscience politique neuve qui doit renvoyer chacun de nous à sa propre responsabilité d’acteur. La fin des partis politiques n’est que le reflet d’une société qui a abandonné sa souveraineté à un système qui ne lui ressemble pas.
    Il semble que la politique n’attire pas les gens bien. C’est dû en partie au système politique, en partie au fait que les gens qui se présentent dépendent des apparatchiks du parti et que le monde offre tellement de possibilités pour les talents de s’exprimer différemment… »
    Il est temps que cela change et que les talents de ceux qui agissent quotidiennement, trouvent leur place dans un modèle où la solution sera forcément transversale, innovante et collective.

    Et si d’ici 2020 « LE » système ne s’est pas effondré et que des élections soient possibles, alors préparons nous.

    29 01 21
    François Hoffmann
    http://www.cygnenoir.ovh

  6. “Le devoir précède le droit”, dommage que tant de nos politiques (et tant de citoyens) l’aient oublié; la démocratie est morte, car elle suppose le sens du bien commun …c’est désespérant.

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