Pour Israël, réalisme plutôt que fanatisme politico-religieux.

La nouvelle confrontation entre Israël et le Hamas concentre une fois de plus l’attention du monde sur un territoire exigu qui condense en lui une richesse historique et religieuse inversement proportionnelle à ses dimensions. Il est au centre du Livre, de la Bible, et joue donc un rôle essentiel pour la religion juive aux yeux de laquelle il était Terre promise, pour le Christianisme qui y est né puisque la vie du Christ s’y déroule, et qui, de là, s’est diffusé dans l’Empire romain, pour les Musulmans enfin qui l’ont plus tardivement conquis. Jerusalem, capitale de David et ville du Temple, lieu de la Passion du Christ et reliée à l’Islam par le voyage nocturne et aérien du Prophète, recèle les lieux sacrés de trois religions qui représentent des milliards d’individus. Les Hébreux l’ont conquise puis perdue à plusieurs reprises. Les Arabes musulmans l’ont tenue pendant plus de treize siècles avant et après le court règne des Chrétiens qui en avaient libéré l’accès grâce aux croisades. La diaspora à la suite de la répression des révoltes par l’occupant romain laissait subsister une minorité juive, les Arabes chrétiens étaient nombreux et ont traversé la période turque avec leur régime spécial de soumission, les Musulmans y étaient nettement majoritaires.

L’antisémitisme européen, d’intensité différente selon les époques et les régions du continent, et la permanence d’une communauté israélite, soucieuse d’entretenir sa foi et ses traditions, sont les deux faces d’une réalité historique dont on ne saurait nier l’importance en Europe. Il serait injuste de sous-estimer le rôle joué par cette minorité sur le plan culturel, scientifique et économique dans notre civilisation occidentale. La tolérance à son égard a souvent porté ses fruits : qu’on songe à l’extraordinaire richesse culturelle du très catholique Empire Austro-Hongrois, auquel les Juifs ont tant apporté, qu’on songe à la merveilleuse aventure des Camondo, ces banquiers juifs venus d’Espagne, installés dans l’Empire Ottoman, et qui viennent à Paris en 1867. Leurs enfants seront des mécènes à qui l’on doit l’enrichissement des collections de nos grands musées et bien sûr le Musée Nissim de Camondo, du nom du petit-fils tué comme aviateur français durant la Grande Guerre ! La fin de sa soeur, de son époux et de leurs deux enfants sera cruelle : ils seront assassinés à Auschwitz sans que “l’Etat français” fasse quoi que ce soit pour les sauver. La tragédie de cette famille éclaire la situation actuelle : c’est bien sûr le délire antisémite des nazis qui a légitimé le rêve sioniste de la restauration d’un Etat juif capable de protéger ses membres sur la terre promise et retrouvée. L’instrumentalisation de l’islam par les nazis, qui éprouvaient à son égard une étonnante sympathie, assez révélatrice de la bouillie mentale sur laquelle repose cette idéologie, et la collaboration du Grand Mufti de Jérusalem, réfugié à Berlin, auprès d’Hitler, ont donné plus de force encore à ce projet d’un Etat d’Israël, conquis par une poignée de héros dont certains sortaient des camps d’extermination, tandis que d’autres travaillaient la terre promise en friche depuis des siècles. Leur victoire sur des armées plus nombreuses et mieux équipées a forgé une épopée initiale, nécessaire à toute nation. Car le paradoxe était évident : une communauté transnationale dont les intellectuels avaient particulièrement défendu le cosmopolitisme était en train de reconstituer une nation sur un territoire et autour d’une religion, même si celle-ci ne constituait pas celle-là juridiquement.

Les conséquences contradictoires de cette politique n’ont cessé de grandir. Laisser les Juifs de Palestine sans Etat était les abandonner au génocide. Leur permettre de créer cet Etat revenait à déposséder les habitants les plus nombreux de leurs droits sur leur sol. D’une part, à l’époque où s’opérait la décolonisation au profit des autochtones et au détriment des colons, sous l’égide de l’ONU se créait un Etat colonial. D’autre part, ces colons revendiquaient leur droit de premiers occupants puisque cette terre avait été la leur avant d’être celle des Arabes. Mais, l’étude des cartes montre que l’Etat hébreu le long de la côte comprenait en partie le pays des Philistins ( la Palestine) et en revanche laissait la Judée et la Samarie, les anciens royaumes juifs d’Israël et de Juda aux Arabes de Jordanie. Plus concrètement, l’exiguïté de l’espace d’Israël le rendait d’autant plus indéfendable que sa démographie interne l’exposait à se retrouver un jour avec une majorité arabo-musulmane. L’option de renoncer au projet sioniste est évidemment exclue. Dans la confusion des guerres et des ballets diplomatiques, seul le réalisme peut prévaloir. Les frontières initiales étant indéfendables, Israël s’est étendu, notamment sur la Cisjordanie.  Il a, en revanche, abandonné la bande de Gaza, une zone aberrante sur les plans économique et politique, avec les conséquences actuelles, le bombardement des villes israéliennes à partir de celle-ci. On ne peut sérieusement imaginer qu’il laisse un Etat potentiellement ennemi revenir à quelques kilomètres de la côte. Jérusalem est certes sacrée pour les trois religions, mais les Catholiques ont Rome, les Chrétiens accès aux Lieux Saints, et les Musulmans, La Mecque et Médine : il est assez équitable de laisser Jérusalem à Israël sur le plan politique. La plupart des pays arabes ont d’autres préoccupations que la Palestine et peuvent nouer des relations positives avec un Etat dont le degré de développement peut être un levier pour l’ensemble de la région. Le nationalisme arabe s’est replié sur des patriotismes nationaux, l’islamisme est clairement l’ennemi de l’Occident : la solution d’un seul Etat est la plus réaliste, mais elle laisse subsister le problème le plus épineux : celui de la population arabo-musulmane sur le territoire du Grand Israël, tant en ce qui concerne ses droits que son évolution démographique.

Contrairement aux apparences dessinées par la majorité des médias, la politique de Trump qui était proche de cette orientation était la plus réaliste. L’arrivée de Biden est une mauvaise nouvelle pour Israël, et pour le monde. L’un des conflits les plus dangereux vient de se réveiller !

 

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6 commentaires

  1. Si on considère que la terre doit revenir à ceux qui la cultivent, les Juifs y ont manifestement beaucoup de droits en Israël, ce sont eux qui ont fait “refleurir le désert” Et, comme ils ont finalement obtenu un pays, il est difficile de leur enlever le droit de le défendre… quant aux arabes, il me semble que ceux qui vivent en Israël sont mieux lotis que ceux qui sont en palestine ou dans les camps ; Avec tous ces déplacements de population après guerre, et depuis, je me demande d’ailleurs pourquoi ceux qui vivent dans les camps n’ont pas essayé famille par famille d’aller s’installer dans des pays à majorité musulmane? même s’ils ont été refusés “en bloc” ils auraient sans doute pu s’insérer famille par famille, en retroussant leur manches; les Juifs de la diaspora ont démontré leur courage en tant que peuple, pourquoi pas eux? serait-ce parce que la “soumission” fait partie de leur ADN, et que la victimisation leur convient ?
    Quant au Hamas, en tant que terroristes ils ne font que détruire, l’Etat d’Islaël existe maintenant depuis plus de 70 ans, ils serait temps qu’ils passent, ne serait-ce que par réalisme, à autre chose ! mais il est tellement plus facile de détruire et d’accuser les autres !

  2. “Leur victoire sur des armées plus nombreuses et mieux équipées a forgé une épopée initiale, nécessaire à toute nation.”

    Les baby-boomers français, qui ont hérité d’un pays développé et avancé, ont choisi de substituer à “l’épopée initiale” une étrange fascination pour les minorités, revenant à adopter inconditionnellement leur point de vue comme récit fondateur.

    On pouvait se demander si une telle démarche était viable sur le long terme (tout comme on peut de demander s’il est viable de mettre les doigts dans la prise de courant à 220V).

    Quelques décennies plus tard, nous avons la réponse, le constat empirique : non, ce n’est pas viable.

    Les babys-boomers vont, heureusement de ce point de vue, bientôt débarrasser le plancher ; il est illusoire, hélas, d’en attendre une amélioration immédiate de la situation du pays, mais on peut en tout cas espérer ne plus avoir à subir leur fascination ridicule pour un récit anhistorique de l’histoire de France, dont la promotion est par ailleurs contraire au bon sens le plus élémentaire.

    Ils resteront collectivement, et donc, de manière privilégiée, via leurs ténors, comme la plus belle collection de branquignoles et d’irresponsables à avoir peuplé ce pays.
    Seul point positif : ils auront, je n’en doute pas, fourni une collection inépuisable de plaisanteries aux anthropologues des pays sérieusement gérés (ce qui implique, de ce point de vue, de ne pas être dans la sphère Amérique du Nord / Europe de l’Ouest).

    Avoir fait rire les savants chinois ou japonais, c’est déjà mieux que rien, je pense…

    1. Si vous considérez que la terre doit revenir à celui qui la cultive, autant faire de suite cadeau de votre maison à la femme de ménage !

  3. @ Monsieur le Député,

    L’actuelle manifestation argentifère et cuprifère australienne de la Palestine concernant l’eau produite par du sulfo-benzène me remémore l’inutile plus récent voyage d’Emmanuel Macron à Beyrouth depuis que le Parlement français a instauré des amortissements économiques empêchant notamment le résultat sportif exact qu’avaient obtenu durant un super bowl nord-américain les Seahawks de Seattle face aux Broncos de Denver, autilement dit le ratio entre les gains de productivité de la guerre des îles Malouines et du sponsor Manu France à Saint-Etienne.

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