L’évolution paradoxale des démocraties occidentales du pluralisme au totalitarisme mou représenté par un centre porteur, pour le fond de la “pensée unique” inscrite dans le “cercle de raison” et pour la forme du “politiquement correct”, avait été prévu par de nombreux auteurs depuis Tocqueville, qui imaginait les “traits nouveaux” d’un despotisme fondé sur un Etat envahissant et caressant, veillant à la sécurité d’une foule d’individus obnubilés par la recherche de leurs menus plaisirs. La France macroniste, sa dépense publique record, la distribution des cadeaux offerts grâce à la planche à billets, offrent ainsi la caricature de l’Etat-Providence que des commentateurs obtus continuent à percevoir comme “libéral”. La liberté s’est repliée sur l’accès aux terrasses et aux salles de cinéma. Mais la majorité frileuse se rallie en masse à la directive du “Big Brother” de l’Elysée, et à son slogan : “la santé d’abord”. L’ennemi public est le covid, et ceux qui ne le combattent pas avec conviction, sont des traîtres, ne sont plus des citoyens. Un seul pouvoir, un seul chef au pouvoir et un seul peuple, celui des soumis à sa parole. Que la santé ait fait oublier les autres formes de sécurité dont l’Etat devrait être le gardien vigilant, que le contrôle et la surveillance des citoyens, contestataires mais non délinquants, se soient accrus, tandis que prospèrent la dissidence, la criminalité organisée, les trafics et les lieux où l’Etat ne fait plus la loi sont des signes qui ne trompent pas : un Etat totalitaire réprime toujours davantage les opposants politiques que les criminels. Les “droits communs” étaient souvent les maîtres des camps de concentration et ont même participé à la Gestapo “française”. La différence de degré est certes considérable, mais la direction est prise.
Konrad Lorenz, dans “Les Huit péchés capitaux de notre civilisation” soulignait un paradoxe : ” L’augmentation du nombre d’hommes rassemblés en un seul groupe culturel, s’ajoutant à l’extrême perfectionnement des moyens techniques conduisent à des possibilités, jamais atteintes dans l’histoire humaine, d’influencer l’opinion publique et de créer l’uniformité des vues.” Ce groupe culturel existe, c’est celui des citadins, plus exactement celui des métropolitains. On pouvait croire, il a quelques années à peine, à l’époque des “gilets jaunes”, que les fractures l’emportaient. On parlait de “l’archipel”, on opposait les métropolitains aux banlieusards, aux provinciaux, aux ruraux. On voyait se développer le communautarisme. On tablait sur les réseaux sociaux pour voir le retour de la diversité créative, l’avènement des tribus postmodernes selon Maffesoli, ces communautés de goûts et d’intérêts qui devaient compenser la fin des communautés “naturelles” comme la famille et la nation, et le triomphe de l’individualisme. L’obsession covidienne et sa manipulation par les “Etats profonds”, incontestable dans notre pays, ont dissipé le malentendu. Il y a bien une foule majoritaire d’individus déracinés, peu soucieux d’identité politique ou spirituelle, préoccupés avant tout de leur personne, voulant persévérer dans leur être à tout prix. Pour eux, la diversité des idées et des comportements n’est qu’un décor qu’il convient de tolérer : le bloc se fédère sur les deux seules réalités qui sont le corps à préserver tant qu’il permet de jouir de la vie, et l’économie qui permet de le nourrir. Il y a entre le matérialisme et l’absence de démocratie un lien profond, car dès que le choc des idées, le combat des valeurs, la compétition des visions du monde, bref l’opposition des idéologies et des idéalismes, s’effacent, le pluralisme n’a plus de justification, la démocratie devient une chorégraphie vide de sens, un ballet de Pécresse et de Macron. Rien d’étonnant à ce qu’Alain Minc qui incarne cette nouvelle forme du totalitarisme “mou”, de Macron passe à Pécresse, pour ne voir que ces deux-là au second tour !
Dans les sociétés indo-européennes, la hiérarchie des fonctions plaçait en tête la religion, suivie de l’armée, et enfin de l’économie. Saint-Simon a vu que la société industrielle renversait la hiérarchie : c’est désormais l’économie, financière plus qu’industrielle d’ailleurs, qui est au pouvoir, l’armée est marginalisée, la religion reléguée. C’est pourquoi, il est logique que le nouveau despotisme de l’Etat, soucieux de la santé des citoyens, ne soit plus la source, mais seulement l’instrument du pouvoir. Certes les Etats, dirigés de plus en plus par des technocrates qui passent volontiers de l’administration à l’entreprise, et de la politique à l’économie, demeurent en charge de la loi et de l’ordre, mais de plus en plus dans un cadre qui leur échappe et qui semble tomber du ciel par le biais des organisations internationales, le fameux Etat de droit, où l’Etat ne fait plus le droit mais le subit. Désormais une démocratie dite libérale contraint médecins et malades à un seul traitement au profit d’une ou deux entreprises. Désormais les firmes qui contrôlent les réseaux sociaux peuvent censurer un Chef d’Etat. Désormais, ce sont elles qui dictent les conquêtes futures de l’humanité, celle de la planète Mars ou de la voiture électrique comme seule solution au problème du réchauffement climatique. Tout se passe comme si le futur ne dépendait plus du choix libre des peuples et de leurs dirigeants, mais d’une nécessité impérieuse présentée abusivement comme scientifique et incontournable, martelée par d’innombrables organes de formation de la pensée qui se font écho les uns aux autres.
4 commentaires
En France, le Président est élu au suffrage universel…ce n’est pas tout à fait vrai dans la mesure où en amont, il vous faut être élu par un suffrage capacitaire appelé “Les parrainages”.
Et cela n’a pas l’air de déranger beaucoup nos têtes pensantes du Conseil Constitutionnel !
“La France macroniste, sa dépense publique record, la distribution des cadeaux offerts grâce à la planche à billets, offrent ainsi la caricature de l’Etat-Providence que des commentateurs obtus continuent à percevoir comme “libéral”.”
S’ils le perçoivent ainsi, c’est sans doute, tout simplement, parce qu’il l’est effectivement…
Et c’est bien parce que les Etats occidentaux, poussés par les libéraux dont vous faites partie, se sont systématiquement privés de leur contrôle des ex-grands groupes publics, que le matérialisme est prépondérant et que ces ex-grands groupes peuvent, de plus en plus, dicter leur loi aux Etats.
Quant à la dépense publique record, c’est un leurre car :
– ces dépenses publiques viennent des dépenses de santé et de retraite ;
– dans ces deux domaines, il y a une part de redistribution et une part de dépense individuelle
– la redistribution est gérée par le public, mais la part de gestion des dépenses individuelles est de manière plus ou moins importante gérée par les individus et le secteur privé.
– le poids de la gestion publique sur les individus se limite à la somme de la redistribution et d’une éventuelle différence des frais de gestion entre public et privée, cette dernière étant évidemment marginale puisque les frais de gestion, qu’ils soient publics ou privés, sont faibles par rapport aux prestations elles-mêmes (leur différence l’est donc encore plus).
Cette invocation de la “dépense publique record” est, d’un point de vue économique, un leurre puisqu’elle se fait à périmètre inégaux (selon le mode de gestion des retraites et de la santé, comme expliqué plus haut).
Elle n’est pertinente que d’un point de vue idéologique, celui qui veut que tout ce qui peut être géré par le secteur privé soit systématiquement privatisé ; et son matraquage régulier fait donc partie de l’arsenal du “totalitarisme” dont vous vous faites le dénonciateur…borgne.
Les nations sont libres de leur gestion des dépenses publiques tant que deux conditions sont maintenues qui équilibrent les déficits inévitables du modèle :
– un solde positif du commerce extérieur ;
– pas de concours étranger pour réduire les déficits courants, à peine d’entamer sa souveraineté.
La France subit les trois déficits (budgétaire, social et commercial) et ne boucle ses fins de mois qu’en plaçant des bons du Trésor aux Emirats (façon de parler). Son endettement est carrément grotesque en Europe occidentale.
Cette situation n’est pas tenable plus longtemps que la remontée des taux d’emprunt. Le reste est philosophie gratuite.
Philosopher, c’est forcément s’interroger gratuitement et même s’il en coûte parfois à nos dirigeants de le faire, cela ne peut-être que payant.