Jeudi soir, en tant que président de La Droite Libre, en compagnie de mon ami Bruno North, le président du CNIP, je recevais Eric Zemmour pour un dîner-débat au Chinatown dans le XIIIe arrondissement de Paris. Nous avions déjà accueilli Eric Zemmour il y a quelques années, mais c’était “Chez Jenny”, la brasserie alsacienne du Boulevard du Temple, récemment disparue. Ce déplacement porte en lui une dimension symbolique évidente. D’un établissement situé dans le coeur historique de Paris, près de la place de la République, et porteur de la diversité régionale française, et de son enracinement, nous sommes passés dans ce quartier étrange, truffé d’enseignes asiatiques, qui témoigne d’une part de l’importance de l’immigration, et d’autre part de notre américanisation. C’est Paris devenant une ville américaine comme les autres avec son quartier chinois. Marcher le long des avenues de Choisy ou d’Ivry, comme remonter le boulevard Magenta vers Barbès, ou la rue du Faubourg Saint Denis, donne une vision vertigineuse du grand remplacement, à moins que cette ballade ne procure la double satisfaction d’un voyage à bon marché et d’une confirmation de la générosité sans borne de notre cher pays. Certes, les immigrations ne sont pas toutes semblables : l’activité commerciale des asiatiques doit contribuer, pour autant qu’elle soit déclarée, à la richesse de notre pays, tout au moins à son apparence dans le PIB d’une façon plus positive que les prestations sociales et les dépenses de sécurité liées à la présence d’autres immigrés.
C’était donc le lieu idéal pour entendre le candidat qui a fait de l’immigration le thème cardinal de sa campagne. La publication concomitante des chiffres de l’immigration permet de souligner la justesse de son analyse et de ses préconisations. Les naturalisations augmentent de 50%. C’est évidemment le signe de la volonté politique du pouvoir actuel de favoriser le mouvement migratoire par l’appât de l’acquisition d’une nationalité française de papier, en plus d’une autre le plus souvent, porteuse d’avantages, et faisant disparaître artificiellement le véritable nombre d’étrangers non assimilés dans notre pays, puisqu’ils seront comptés comme “Français”. Il ne s’agit pas d’une immigration de travail transparente, mais d’une immigration économique, de consommateurs stimulés par les aides sociales plus que de travailleurs plus ou moins déclarés. Elle est dissimulée sous la demande d’asile, en augmentation de 28% par rapport à 2020, ou sous le “regroupement familial” qui retrouve son niveau de 2019. Comme le remarque pour une fois l’Express, “la pandémie du Covid a bon dos”. Elle permet de brouiller l’évaluation des politiques publiques. L’immigration a nettement reculé en 2020, en raison de la crise, et son augmentation en 2021 est présentée comme un rattrapage. En fait, le nombre des visas a augmenté sur un an et considérablement diminué sur deux, parce que le tourisme et les voyages d’affaire se sont effondrés. En 2019, la Chine était en tête, et se retrouve en 8ème place. Ce sont trois pays arabes qui occupent le podium. Eric Zemmour a le mérite de montrer combien l’immigration qui n’est pas la première préoccupation des Français est cependant à l’origine des problèmes les plus graves à moyen ou long terme, sur le recul des performances scolaires, sur la sécurité, et sur la dépense sociale qui grève la compétitivité économique de notre pays, et donc en définitive le pouvoir d’achat des Français, leur première source d’inquiétude.
Mais le mal est plus profond et Zemmour est le seul à le percevoir à son véritable niveau. L’échec de la politique d’immigration, son orientation suicidaire, plus ou moins masquée sous le jeu des chiffres, révèle à la fois l’impuissance publique, la trahison de l’oligarchie, et l’aveuglement d’une partie de la population. L’éditorial du “Monde”, ce poison idéologique inoculé depuis des décennies à nos “élites”, est un morceau d’anthologie. L’immigration serait une “fausse menace” agitée par l’extrême-droite et qui contaminerait la droite “républicaine”. “La France ne serait plus elle-même”… si elle ne respectait plus “les droits fondamentaux de vivre en famille”. Le vrai débat devrait porter sur l’application des traités ou sur les mesures en faveur des quartiers, comme le regretté plan Borloo. Tout y est : fantasme d’extrême-droite indigne de la République, réponses techniques face à l’idéologie, augmentation des dépenses. Si l’on traduit : la France n’est elle-même que si elle accepte de changer d’identité au nom de l’idéologie “mondialiste”, de devenir autre par amour universel de l’autre, vieille rengaine qui s’offre au passage comme argument le mariage forcé avec une fille du bled comme droit fondamental de vivre en famille. La France collectionne les records de dettes et de déficits, mais il faut qu’elle dépense encore plus pour sa politique de la ville, ce tonneau des Danaïdes de l’investissement public.
La trahison récurrente de la presse, la pusillanimité des politiciens, le désarroi et l’hébétude de beaucoup de Français ont créé un péril beaucoup plus grave dont l’immigration n’est qu’un aspect, c’est celui du déclin et de la décadence qui frappent en même temps notre pays. La France recule sur tous les plans, et ceux qui la dirigent, non seulement n’ont pas le courage d’inverser le mouvement, mais ils contribuent à la démoralisation générale. La nation n’est plus qu’une foule d’individus effrayés par toutes sortes de menaces, que la majorité des médias hiérarchise, privilégiant les unes, climatique ou covidienne, et censurant les autres, l’invasion migratoire ou l’insécurité. Le nez dans le guidon, chacun voit ce qui le concerne au plus près, en oubliant ce qui touche le pays dans son ensemble. Le diagnostic le plus sévère est pourtant le plus crédible. Ce n’est pas par hasard que le romancier le plus lu est Houellebecq, le philosophe le plus écouté, Michel Onfray, et que le candidat Zemmour collectionne les records d’audience. Le point commun, qu’on retrouve chez Michel Maffesoli, lui-aussi regard éclairé sur notre société, c’est la notion de décadence. Mais le seul à ne pas se contenter de la décrire, de l’analyser en pensant qu’elle est irréversible, c’est Eric Zemmour.
6 commentaires
C’est bien cela.
la France s’enfonce par le socialisme, l’immigration musulmane et l’effondrement de l’école.
La dette de la France est payée par la banque de France…le plus grave est la dette payée par les contribuables français et là, c’est tout autre chose !
A-t-on vraiment prouvé qu’immigration et décadence soient l’une la cause, l’autre l’effet ?
J’ai la perception que la décadence est antérieure à la marée noire pour appeler les choses par leur nom. Quand un peuple ne veut plus avoir froid sur un chantier de plein vent*, ne veut plus lever les poubelles, ne veut plus vendanger, ne descend plus dans les mines, refuse le travail posté en usine, trouve la terre trop basse pour ramasser les fraises, se met en grève à la moindre promesse d’un nouveau droit “arraché de haute lutte”, il est juste bon à attendre ses nouveaux maîtres.
Pareil pour le déclassement scolaire. Est-ce l’accueil d’enfants étrangers dans les écoles qui baisse le niveau ou le protocole d’enseignement qui est défectueux. N’importe quel gosse du tiers-monde est capable d’apprendre à écrire, lire et compter. Faut-il encore que les pédagogistes le veuillent !
* Petite anecdote : quand la ville a enfoui le tout-à-l’égout dans ma rue, j’ai repéré le conducteur de travaux pour aller lui signaler un pluvial qu’il ne fallait pas crever. Facile, c’était le seul “Français” du chantier. Il m’a répondu en souriant qu’il était en permission de la centrale de Nantes en réinsertion et que le conducteur de travaux était dans le bungalow juste là.
J’y suis allé pour rencontrer un kabyle d’âge avancé qui roulait ses plans et cochait une carte murale des niveaux. Il m’a écouté attentivement et a donné l’ordre immédiat de marquer ce pluvial à la bombe indélébile sur la chaussée. Ce qui se fit sans retard. Je l’en ai remercié.
Enfouir le tout-à-l’égout ? Sacrebleu.
Quand un peuple en est à ce point de goût du luxe et d’esthétisme sans frein, la décadence est manifeste…
Je n’ai vu écrit nulle part que [« France politique ]aurait seulement imaginé un jour de virer les DOM TOM d’abord en autonomie puis assez vite en indépendance. Naturellement les profiteurs de ce système quasi colonial hérité du passé ont des arguments pour me prouver que j’ai tort de penser ainsi. Le Général de Gaulle avait commencé le travail et montré le chemin, mais depuis qui a osé s’attaquer à ce chantier coûteux et prioritaire ? Se singulariser en étant le seul pays européen à entretenir le musée des colonies est stupide et indécent. il y a mieux à faire pour essayer de garder durablement un rang de grande nation que de vivre quasiment à frontières ouvertes en ayant en plus un vaste domaine colonial quelquefois dangereux et rarement profitable.
Nous avons des responsabilités historiques sur les colonies du premier empire, celui de la couronne aujourd’hui disparue. Il en reste peu : la Guyane, les Antilles, St Pierre et Miquelon et la Réunion.
La colonisation “civilisatrice” post-ancien régime a vocation à s’éteindre, laissant ces pays (TOM), choisir leur destin s’ils s’estiment capables de subvenir aux besoins de leur population. Les Hollandais et les Anglais ont conservé des îles appartenant à leur premier empire, qui restent libres de larguer les amarres. Un seul territoire tiendrait debout sur ses deux jambes, c’est la Nouvelle Calédonie.
Cela ne résoudra pas tout, comme on le voit dans nos anciennes colonies africaines qui drainent un “pognon de dingue” de la France pour nourrir une corruption endémique, 60 ans après leur indépendance.
Mais les “vieilles colonies” (DOM) pourraient aussi prétendre à l’indépendance, ce qui exigerait qu’elles soient gérables une fois seules. Ce n’est pas demain la veille.