Plus Macron voyage, moins la France existe. Si on fait la liste des déplacements présidentiels, elle tient du record. Cet homme paraît infatigable. Beaucoup de gogos en sont frappés d’admiration, comme d’autres, ou les mêmes sans doute, ont pu être touchés par les gestes de compassion à l’égard de Mbappé sur le gazon de Doha. Pourtant cette sympathie très “touchante” était plutôt grotesque et déplacée, tant le Chef de l’Etat qui incarne la France devrait, au contraire, préserver le “corps du roi” de gestes et d’attitudes qui désacralisent sa fonction par leur absence de dignité. Après des manifestations d’enthousiasme hystérique, cette insistance jusque dans les vestiaires de l’équipe est devenue insignifiante à force d’excès. Ou plutôt, elle a signifié autre chose, non un intérêt pour ce sport, ou pour la France, censée représentée par son équipe de football, mais une grossière tentative de récupération destinée à redorer une popularité en berne. Il est vrai que Monsieur ” En même temps” avait affirmé qu’il ne fallait pas politiser le sport… Le football est politisé : c’est l’opium du peuple de notre époque pour faire oublier aux peuples qui s’effondrent leur situation réelle et rêver que les exploits de millionnaires pendant une centaine de minutes sur un terrain ont la moindre importance pour le pays dont leur équipe porte le nom. La finale 2022 entre l’Argentine et la France, la première qui collectionne les banqueroutes et dégringole de la première place après-guerre en Amérique du sud, à travers crises économiques, coups d’Etat, guerre perdue et corruption, et la seconde larguée sur le plan économique et endettée jusqu’au cou, change-t-elle quoi que ce soit à ce constat de deux Etats qui ne cessent de tomber ? Encore l’équipe d’Argentine, paradoxalement, représentait bien ce qu’est ce pays d’immigration européenne. L’équipe de France, quant à elle, prouve s’il en était besoin qu’une nation ne peut se réduire à 11 joueurs et plus, sélectionnés par leurs aptitudes sur un marché international. Mbappé a reconnu honnêtement qu’il avait choisi la France en raison de la carrière qu’elle ouvrait par rapport au Cameroun, et non par amour pour notre pays des “droits de l’homme”. L’indifférence des joueurs, exténués et déçus, à l’égard du Président suffit à traduire le renversement des rôles et des valeurs : le Chef de l’Etat n’a pas à aller chercher un joueur comme s’il était plus important que lui. Qu’est-ce qu’une démocratie où le peuple place des sportifs professionnels au-dessus de celui qu’ils ont élu à la plus haute fonction ? Qu’est-ce qu’une nation qui vénère comme des héros des mercenaires très bien rémunérés, même quand ils perdent, mais qui oublie les soldats morts pour la France au Mali ou en Afghanistan alors qu’ils n’ont pas été dotés d’un matériel suffisamment protecteur ?
Le spectacle terminé, M. Macron a continué sa tournée en Jordanie pour la seconde conférence organisée pour renforcer la stabilité de l’Irak. Quel est le bilan ? Dimanche, neuf membres de la police fédérale, dont un officier, ont été tués dans une attaque revendiquée par le groupe État islamique (EI) qui continue de sévir dans le pays. L’homme “fort” de Baghdad , le premier ministre Mohamed Chia al-Soudani, nommé il y a un mois après un an d’affrontements sanglants, est un chiite pro-iranien, contesté par une autre faction chiite. Les Iraniens et les Turcs n’hésitent pas à intervenir en Irak contre les Kurdes. La situation scandaleuse de la Syrie, à laquelle les Occidentaux refusent la restauration de la pleine souveraineté sur son territoire et ses frontières, est pour beaucoup dans le désordre de cette région. Au nord de L’Euphrate, l’armée syrienne est écartée militairement par les Américains au profit de Kurdes très minoritaires qui bénéficient de la rente pétrolière de cette zone, tandis que les Etats-Unis occupent toujours une base à la frontière jordanienne, et que les Turcs ont annexé de fait une bande territoriale au pays au nord. La notion de souveraineté est à géométrie variable selon Washington et ses suiveurs zélés comme la France actuelle : elle légitime la cobelligérance en Ukraine mais soutient de fait la rébellion en Syrie. L’Iran se moque des critiques impuissantes contre la répression exercée à l’encontre des manifestation en faveur des droits des femmes. Il continue à forger sa puissance nucléaire et exerce une tutelle sur le Liban, notre pays-frère que la France a abandonné à son sort après les discours vibrants mais dénués de suite d’un Jupiter privé de foudre. Nos amis arméniens qui n’ont plus Aznavour ni Devedjan pour les défendre sont harcelés et envahis par les Azeris, et la France ne bouge pas ! Israël a redonné le pouvoir à Netanyahou à la tête d’un gouvernement nationaliste et religieux qui visera le Grand Israël et pulvérisera le mythe des deux Etats prôné par Macron. Le bilan pour la France est catastrophique, voisin du néant, dans cette partie du monde où ses seuls amis sont les pétromonarchies, et notamment le Qatar, capable de tout acheter jusqu’au sein des institutions européennes !
En Afrique, la France connaît une véritable déroute. Hollande avait envoyé l’armée française repousser les islamistes au Mali, Macron a dû en retirer nos troupes, rendant vain le sacrifice de 56 soldats français. Une francophobie s’est développée en République centrafricaine et au Burkina Fasso. Les coups d’Etat se multiplient, nos alliés comme le Tchad vacillent. Nos anciennes colonies comme le Gabon ou le Togo rejoignent le Commonwealth. Le comble est atteint lorsque notre “président” étale contrition et repentance au profit de l’Algérie ou du Rwanda qui ne sont certes pas des amis. Est-ce intelligent quand ce rapprochement avec Alger éloigne notre vieil allié marocain ? Le Rwanda soutient les bandes armées qui sapent le contrôle des riches régions de l’est du Congo par l’Etat, et Paris se trouve ainsi placé entre deux chaises, entre volonté de rapprochement avec un pays et désir de protection du pays qu’il menace. La désignation claire des ennemis est le seul moyen d’avoir des alliés. Le “en même temps” est stupide en géopolitique. D’autres pays nous remplacent : la Russie, qui n’a plus aucune raison de nous ménager, la Chine, mais aussi les Etats-Unis qui, depuis longtemps lorgnent sur le sous-sol de l’Afrique centrale et n’ont pas été étrangers à notre éviction du Rwanda.
C’est pourquoi l’alignement inconditionnel sur Washington est incompréhensible, notamment après le torpillage de notre vente de sous-marins à l’Australie par les Américains. Macron est allé baiser le pied du seigneur à la Maison Blanche, mais n’a obtenu aucun recul du protectionnisme américain. De même, la marionnette ukrainienne est allée, elle-aussi, à Washington saluer celui qui tire ses ficelles, mais au moins en a-t-elle soutiré 45 Milliards de dollars supplémentaires. Pour quoi ? Pour que les Etats-Unis financent en Europe une guerre par procuration pour affaiblir la Russie, pour ruiner l’Europe, pour empêcher l’entente nécessaire entre l’Europe riche de travail mais pauvre de ressources naturelles et son complément évident, la Russie. L’Europe minée par des institutions européennes corrompues sacrifie ses intérêts à une idéologie aveugle : la défense d’une apparence de démocratie, de frontières artificielles et d’une souveraineté aussi contestable, celles de l’Ukraine, que celles de pays dont on a, sans vergogne, bousculé les frontières.
L’omnipotence américaine s’est désintégrée dans les années 2000. L’Amérique a perdu en Afghanistan, où les femmes sont à nouveau soumises à la loi islamique, où les Hazaras sont écrasés par les Talibans. Il est étonnant qu’après avoir aussi peu défendu les valeurs occidentales contre leur ennemi islamique, les Américains s’acharnent contre ce pilier de la civilisation occidentale qu’est la Russie. Comme il y a dans cet acharnement des intérêts de domination matérielle vaguement associés à une libération de l’individu où le progrès prend le plus souvent le visage de la décadence, la guerre contre la Russie ne fait plus universellement recette : la Chine, l’Inde, d’autres pays asiatiques, des Etats sud-américains comme le Brésil, l’Afrique et même les pays arabes prennent leur distance. Dans ce contexte d’un monde où les rapports de forces sont bouleversés, la France avait un rôle à jouer en affirmant son indépendance comme elle l’a fait pour la dernière fois en 2003 en s’opposant à l’invasion américaine en Irak. On imagine ce qu’un de Gaulle aurait pu faire, et lorsqu’on voit ce que fait Macron, on se dit que la France est tombée bien bas ! Alors, à moins que les gens qui nous gouvernent soient ineptes, on ne peut s’interdire de penser qu’ils choisissent des intérêts personnels et immédiats et non l’intérêt de la France au long cours : quel autre nom donner à ce choix que celui de trahison ? (fin)
6 commentaires
Avec cette affaire de corruption au plus haut niveau au sein du Parlement européen, il est encore une fois croustillant de voir que ce sont les socialos qui portent en permanence la République en bandoulière, ces moralistes de pochette surprise, qui sont les premiers à renier leurs “idéaux” universels et les voir s’y substituer des liasses de billets qataris!
Tiens, c’est bizarre, Kaïli arrive au bon moment ou au moment opportun ?
Un complotiste.
Merci pour cette synthèse sous forme d’un état des lieux, certes sans concession, mais, hélas, tellement factuel. Mais quand les citoyens français vont-ils se réveiller et prendre conscience de l’état catastrophique du pays de leurs pères ? ? ?
Avec tous mes vœux de bonne santé pour l’année qui s’annonce !
Macron a compris que ce n’est pas devant les électeurs que l’on gagne les élections mais bien devant les médias ! Il fait et dit donc tout ce que les médias souhaitent. Retour à la triade de l’Ancien Régime : la Noblesse/classe politique, le Clergé/classe médiatique et le Tiers Etat …
J’apprécie votre analyse, sauf sur la guerre en Ukraine. La brutalité « moujik « de nature stalinienne mérite un coup d’arrêt. Merci à Zelinski d’avoir eu le courage de résister et au monde libre de le soutenir, car quoiqu’on puisse en dire, cette guerre c’est celle de notre liberté
Manifestement vous êtes victime de la propagande proaméricaine. C’est le bellicisme incessant des Etats-Unis qui doit être arrêté. Ceux-ci, non contents d’avoir provoqué la guerre en étendant l’OTAN sans nécessité, colonisent l’EUROPE par le biais de cette organisation obsolète depuis la fin de l’URSS et obligeant les Européens à renoncer aux richesses du sous-sol russe, proches et bon marché les conduisent à acheter des armes mais aussi leurs ressources énergétiques lointaines chères et polluantes. La brutalité américaine au Moyen-Orient ou contre la Serbie était “cow-boy”, mais bénéficiait du soutien médiatique : c’est la seule différence, si on omet de préciser que les bombardements russes tuent moins de civils que ceux des Américains en Irak, par exemple. Les accords de Minsk permettaient d’éviter la guerre, les Américains la voulaient en application de la doctrine Brzezinski du “Grand échiquier”. Les Russes voulaient tellement peu cette guerre qu’ils ont attendu trop longtemps.. depuis 2014 alors que les Ukrainiens armés par les Etats-Unis attaquaient les populations du Donbass russes, et non ukrainiennes, comme celles de Crimée. L’Ukraine n’a jamais été un Etat reconnu avant 1991 et ses frontières sont des limites administratives internes à l’URSS. Il suffisait d’en reconnaître le caractère artificiel, d’accepter que la Crimée fût russe, de donner une autonomie au Donbass dans le cadre fédéral d’une UkRAINE neutre, et cette guerre n’aurait pas eu lieu.