La France grande absente du basculement du monde.

Pendant que la France bricole un budget dans une Assemblée éclatée grâce au “génie” qui a dynamité la Ve République et qui continue à “présider” un Etat ruiné et discrédité sur la scène internationale, le monde se passe d’elle pour résoudre les crises les plus graves auxquelles il est confronté depuis 1945. La France, depuis Nicolas Sarkozy, a cessé de faire entendre une voix indépendante et s’est soumis à l’Empire anglo-saxon, dont l’Union Européenne est la vassale. L’incohérence apparente de la politique étrangère des Etats-Unis suscite l’interrogation : après avoir lâché le Shah d’Iran au profit de la théocratie chiite qui est devenue son grand ennemi, Washington a armé les Afghans, le plus souvent sunnites contre l’occupant soviétique, avec pour résultat d’épuiser l’URSS, mais aussi de faire naître un nouvel adversaire, l’organisation terroriste islamiste Al Qaïda. Les États arabes autoritaires, pour la plupart liés à leur armée nationale, étaient le rempart contre cette double menace, comme l’Irak l’avait montré au cours de sa longue guerre contre l’Iran entre 1980 et 1988. C’est cependant contre eux que les Américains et leurs alliés “occidentaux” se sont acharnés en attaquant l’Irak en 2003 (sans la France), puis la Libye en 2011 (avec la France), enfin en soutenant une prétendue Armée syrienne libre, en fait dominée par les Frères musulmans, et en créant un maelström sanglant où se mêlaient Al Qaïda, l’État islamique, les Kurdes et la Turquie tandis que la Russie intervenait pour sauver le régime de Damas. Là où les révolutions animées par les Frères musulmans avaient momentanément réussi dans une étonnante imitation des révolutions colorées des anciens pays communistes, en Égypte, en Tunisie, les régimes autoritaires ont repris le pouvoir. Le chaos subsiste en Libye coupée en deux où les djihadistes en partance pour le Sahel croisent les migrants qui vont vers l’Europe. La Syrie où le pouvoir baasiste a rétabli l’ordre, est néanmoins privée de ses ressources pétrolières dévolues aux Kurdes sous la protection de l’Amérique. Les “marines” ont quitté Kaboul abandonnée aux Talibans comme ils avaient fui Saïgon devant un dictature communiste. Quelle est la logique de ces fauteurs de troubles, de ces aventuriers peu glorieux qui sèment le désordre partout dans le monde ? Suffit-il à leur bonheur que leurs usines d’armement tournent à plein régime ? Tentent-ils avec maladresse de maintenir la domination unilatérale du monde telle qu’ils l’ont connue entre 1991 et 2011 ? Celle-ci a deux faces, la militaire et la financière : les bases et les alliés d’un côté, le Dollar, de l’autre. Kissinger disait qu’être l’ennemi des États-Unis était dangereux, mais qu’être leur ami était fatal. Connaly s’était fait remarquer lorsqu’il avait dit : ” le dollar est notre monnaie, et c’est votre problème”. Ces deux phrases résument l’impérialisme américain qui a révélé depuis la chute de l’URSS son égoïsme et son cynisme.

Les États-Unis au tournant du millénaire ont amorcé une révision stratégique qui a consisté à choisir entre ses ennemis lesquels étaient prioritaires. Apparemment, le bloc communiste vaincu, l’ennemi était devenu la créature qui s’était retournée contre eux, le terrorisme islamiste contre lequel ils pouvaient compter sur une majorité des États du monde, y compris leur rival malheureux d’hier, la Russie, qui leur faisait alors des propositions d’alliance. Mais, ni les organisations terroristes islamistes, ni les Frères musulmans ne sont de véritables menaces, car ils entretiennent le désordre du monde si profitable à la superpuissance. Que les Talibans aient repris le pouvoir à Kaboul, qu’Al-Qaïda ou l’Etat islamique continuent à peser sur l’Irak ou la Syrie, ils ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ceux qui le sont sont les véritables États qui ont vocation à devenir des puissances, à commencer par la Chine dont le PIB PPA dépasse celui des États-Unis et qui développe des technologies en passe de rattraper celles de la Silicon Valley. La véritable menace est constituée par l’Eurasie, si l’Europe, la Russie et la Chine prennent conscience de leur complémentarité et développent leurs échanges avec un jour ou l’autre l’idée de privilégier une autre monnaie que le dollar. Comme il faut toujours s’attaquer au maillon le plus faible, Washington a donc décidé de s’attaquer à la Russie, de la priver l’un après l’autre des alliés qui constituaient le bloc soviétique. Cela fut facile pour les pays de l’Europe de l’est qui gardent pour la plupart la rancœur de près d’un demi-siècle d’occupation. Ce fut plus ardu pour les républiques de l’ex-URSS dès lors qu’elles avaient des liens historiques et culturels anciens et profonds avec la Russie. La tentative d’arracher l’Ukraine, russe pour la plus grande partie de son territoire depuis le XVIIIe siècle, fut le “pont trop loin”, qui touchait la Russie affectivement et stratégiquement. L’idée d’avoir pour ennemi le plus proche, membre de l’UE et de l’OTAN, l’ancienne province où la Russie était née à la fin du premier millénaire, avec un jour des missiles à charge nucléaire pointés sur Moscou, était un risque inacceptable en plus d’une blessure insupportable. L’invasion de l’Ukraine en 2022 par l’armée russe n’exprime nullement la volonté de puissance d’un dirigeant mégalomaniaque désireux de reconquérir l’empire soviétique, mais la réponse parfaitement justifiée d’un responsable politique qui avait clairement fixé la ligne rouge qu’il ne fallait pas franchir. A quoi servait l’OTAN, une fois que le pacte de Varsovie avait disparu et que la Russie n’était plus communiste ? A rien, sinon à maintenir l’hégémonie américaine sur l’Europe.

Cette stratégie menée depuis la fin de l’URSS  y compris au Moyen-Orient ou en Yougoslavie en ciblant les amis de la Russie, puis en renversant les gouvernements pro-russes en Géorgie et en Ukraine, ou en tentant de le faire dans d’autres États, a lamentablement échoué. Les conséquences de cet échec sont désastreuses : d’abord pour la Géorgie, battue militairement et dont deux régions ont été “libérées” par les Russes, ensuite pour l’Ukraine lancée dans une guerre par procuration, exténuante, qu’elle est en train de perdre, enfin pour l’Europe privée des ressources énergétiques russes et qui  s’entête à soutenir la croisade antirusse des Américains contre ses intérêts de même qu’elle se montre incapable de rivaliser avec la montée en puissance de la Chine. Washington a vu ses armes combattues avec efficacité par les Russes et ses sanctions économiques avoir pour effet de doper la croissance de la Russie. Trois conflits majeurs impliquent actuellement les États-Unis : l’Ukraine sous perfusion américaine, Israël que Washington doit soutenir, sans l’adhésion unanime des Américains, dans sa lutte avec l’Iran et ses tentacules palestinien, libanais et yéménite, Taïwan sur laquelle la pression chinoise s’accroît constamment.

En ce moment même, à Kazan, en Russie se réunissent les BRICS+. Les 9 pays qui constituent désormais ce groupe représentent la moitié de la population mondiale et le tiers de son PIB, c’est-à-dire qu’ils dépassent désormais le G7, le club des pays occidentaux. Beaucoup de médias français traitent cette réunion avec condescendance en la réduisant à une mise en scène de Poutine pour faire croire qu’il n’est plus isolé puisqu’une quarantaine d’États seront présents. Ce point de vue est erroné jusqu’au ridicule : c’est l’Occident ou ceux qui croient le représenter qui risquent d’être demain isolés, s’ils ne le sont pas déjà. La Russie, conservatrice désormais, est un pays de culture occidentale, colonisateur continental, et qui résiste à la décadence beaucoup mieux que les États-Unis ou que les pays européens. La guerre que lui livre Washington, en faisant mine de confondre la Russie et l’URSS, l’a placée paradoxalement au sein d’une alliance de pays qui veulent se libérer de la domination, de la colonisation hier, de l’hégémonie aujourd’hui, des pays occidentaux. Démographiquement, économiquement, ils ont pris l’avantage et vont s’attaquer aux instruments financiers et monétaires sur quoi repose la puissance américaine. Beaucoup de leurs échanges contournent déjà le dollar. Il y a là le pivot d’un grand basculement du monde. Un de Gaulle l’aurait sans doute perçu. Les dirigeants français actuels, et Macron le premier n’ont rien vu, ni rien compris.

 

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