Les sondages qui ont suivi l’allocution présidentielle du 5 mars laissent entendre que celle-ci a été plutôt bien perçue par une majorité de Français. Selon celui organisé pour LCI par Toluna-Harris interactive, 52% ont trouvé le président convaincant. Ils ont approuvé à 68% l’augmentation du budget de la défense et à 61% l’ouverture du parapluie nucléaire français à l’Europe. Le discours martial, inquiétant appelant au patriotisme, a même, selon l’enquête de l’IFOP pour Ouest-France, entraîné une hausse de 7 points de la côte de popularité du locataire de l’Elysée, lui faisant retrouver son niveau d’avant la dissolution. 45% estimeraient qu’il défend bien les intérêts de la France à l’étranger et 76% approuveraient les investissements supplémentaires que la situation exigerait selon M.Macron. Ce regain est tempéré par Yougov pour le Huffpost qui le limite à 1% avec 19% d’opinions favorables. Tous sont d’accord en revanche pour souligner le décrochage du Premier ministre qui perdrait lui 5 points.
Ces chiffres suscitent trois commentaires : d’abord, le président français continue de bénéficier du soutien inconditionnel d’une grande partie des médias qui contribuent souvent aux réactions moutonnières des Français. Le décalage entre les résultats donnés par les baromètres selon qu’ils appartiennent ou non au camp présidentiel est significatif. En second lieu, l’habileté du théâtrocrate qui dirige notre pays est à la fois évidente et calamiteuse : sans scrupule, il utilise les malheurs à venir pour appeler à l’unité nationale en grossissant les risques et en faisant oublier sa responsabilité dans la situation. La guerre devient ainsi un levain de rebond chez cet homme qui est le Chef des armées bien qu’il ait soigneusement évité le service militaire. Il voulait faire la guerre au Covid, il a surfé sur l’opération spéciale des Russes en Ukraine pour se faire réélire, et il ressert le même plat aujourd’hui pour reprendre la main tandis que le gouvernement sans majorité s’épuise face au marasme généralisé qu’il lui a laissé, sans majorité après sa dissolution scandaleuse. Enfin, l’impudence du personnage est sans limite : non content d’effacer le bilan catastrophique de sa politique, l’endettement monstrueux du pays, son recul économique, le délabrement d’un Etat de moins en moins capable d’assurer ses missions régaliennes, le recul de la France sur la scène internationale, il ment effrontément pour convaincre les Français qu’il faut continuer plus vite et plus loin : dépenser plus sans augmentation d’impôts, ce qui relève de la supercherie ; offrir le parapluie nucléaire dont il a hérité à l’Europe, ce qui est une trahison ; appeler au patriotisme pour faire face à la menace d’une invasion russe, quand il se couche lamentablement devant l’Algérie en désavouant son propre gouvernement, et alors qu’il sait fort bien que la Russie n’a ni l’intention ni les moyens d’envahir l’Europe.
Les Français ont été soumis à une désinformation officielle reprise par la majorité des médias. M. Macron a accusé Vladimir Poutine de commettre un contre-sens historique en pratiquant un impérialisme révisionniste. Derrière ces mots, il y a l’idée que a Russie voudrait retrouver les limites géographiques de l’URSS et peut-être davantage. Entre ignorance et mensonge, c’est Macron qui commet un double contre-sens. D’abord, dans l’histoire récente, la Russie dont la démographie est devenue fragile ne peut nourrir l’ambition de conquérir des territoires dont la population lui serait hostile. Elle a accepté l’extension de l’Otan sur les anciens pays du Pacte de Varsovie, et même sur les pays baltes qui faisaient partie de l’URSS. En revanche, elle a réagi lorsque, poussées par les Occidentaux et avant qu’elles n’entrent dans l’OTAN, avec le risque d’un conflit majeur avec cette organisation, la Géorgie a attaqué les Russes de l’Ossétie du Sud, et l’Ukraine les Russes du Donbass. La politique russe est donc limpide : pas de guerre avec l’OTAN, mais refus que des Russes soient retournés contre la Russie, à travers l’extension de l’OTAN. La stratégie des néocons, surtout démocrates, dessinée par Brzezinski dans le grand échiquier qui consistait à faire éclater la Russie pour faire face à la Chine, a donc trouvé un obstacle dans la politique de Poutine qui veut que la Russie demeure une grande puissance avec une influence dans le monde, et en premier lieu sur les anciennes provinces de l’Empire russe. Cette influence n’implique ni une invasion ni une annexion. La Russie est une très grande puissance, militairement une des plus fortes, économiquement une des plus solides contrairement à ce que disent les économistes du dimanche qui comparent les PIB nominaux en oubliant que malgré la faiblesse de sa monnaie, son industrie, son agriculture et ses richesses naturelles la placent avant le Royaume-Uni ou la France. Elle a certes délogé notre pays d’une partie de l’Afrique, mais cela a été une réponse à l’agression menée contre la Libye par les Occidentaux qu’elle ne souhaitait pas et qui a semé le désordre dans ce pays et dans le Sahel. Le second contre-sens de M. Macron porte sur l’histoire de longue durée qui explique la stratégie de Moscou, non pas un impérialisme débridé, mais la volonté que la Russie tienne son rang, celui du pays le plus vaste de la planète, d’un membre permanent du Conseil de sécurité qui dispose de l’arsenal nucléaire le plus imposant, d’une nation qui a vaincu tous les adversaires qui cherchaient à la soumettre, de l’Etat qui défendra les populations russes qui seraient menacées comme il l’a fait en libérant les Russes des Polonais ou des Turcs. Concrètement, cela ne pourrait concerner que la Transnistrie, non la Moldavie. Entre la volonté légitime d’être une grande puissance comme elle l’a toujours été depuis le XVIIIe siècle et l’impérialisme révisionniste dénoncé par Macron, il y a une marge que l’on ne peut négliger sans insulter la Russie qui ne peut accepter le mot “révisionniste” lancé à la face du peuple qui a payé le plus lourd tribut à la défaite du nazisme.
Face à cette dimension historique de la Russie, qu’oppose Macron ? La paix, la liberté, la démocratie et la liberté d’expression, comme il le dit. Aujourd’hui, c’est lui qui s’oppose à la paix que le président Trump exige. Sans cet allié que Macron n’a nullement convaincu malgré ses rodomontades, les Européens vont donc pousser les Ukrainiens à mourir sans la moindre perspective de victoire et alors que la totalité du pays n’est nullement menacée ? Contrairement à ce qu’a osé affirmer le président français, la Russie a respecté les accords de Minsk qui devaient conduire à une Ukraine fédérale et neutre. Le Président Hollande et la Chancelière Merkel ont avoué que leur parrainage n’avait pour but que de donner le temps à l’Ukraine de s’armer. Boris Johnson a poussé Zelenski a poursuivre le combat alors que l’Ukraine et la Russie, qui se réunissaient à Istanbul, allaient trouver un compromis. Quant à la guerre pour la démocratie et la liberté d’expression, il faut un certain culot pour brandir ces valeurs piétinées comme jamais dans notre pays où une oligarchie au conseil constitutionnel, ou au conseil d’Etat ne tient aucun compte de la volonté du peuple ou de ses représentants : le premier refuse les référendums d’initiative partagée, ampute les lois votées par le parlement, et sera désormais présidé par un proche du prince selon le bon plaisir de ce dernier ; le second vient d’approuver la suppression de la chaîne préférée d’un large public sur la TNT, C8 dont on sait qu’elle agaçait le pouvoir. Le président monopolise la politique étrangère alors que ses gouvernements n’ont plus de majorité parlementaire et ne survivent que par l’abus du 49/3. La France a réussi ce que Bertolt Brecht présentait comme une sombre plaisanterie : le pouvoir y a dissous le peuple !
La victoire de l’Ukraine est impossible, celle de la Russie peut-être mesurée. L’Europe aurait tout à gagner à rétablir de bonnes relations avec une Russie tellement complémentaire et qui appartient à la même civilisation. Pourtant les Européens s’agitent, se font peur et pleurent sur les dividendes perdus de la paix. Pourquoi ? Les oligarchies progressistes, c’est-à-dire décadentes, voient le pouvoir leur échapper avec la montée de ceux qu’elles appellent les populistes. La guerre ou sa menace sont un moyen de restaurer leur crédit en dénonçant la collusion de l’extrême-droite et de l’impérialisme russe, comme ils le font en Roumanie en torpillant l’élection présidentielle. Macron qui songe déjà à la prolongation de sa carrière rêve de prendre la tête de la basse-cour et de ses volailles affolées. Après tout, à voir Mme Von der Leyen, que personne n’a élue, jongler avec les milliards et s’emparer de domaines qui ne sont pas de sa compétence, M. Macron se dit qu’il serait à l’aise à cette place, et en donnant plus de pouvoirs à la bureaucratie de Bruxelles, qui l’accueillera avec plaisir lorsqu’il viendra, les bras chargés des lambeaux de la souveraineté française, la bombe et le siège au conseil de sécurité.
2 commentaires
Au début de votre billet, vous analysez la réponse favorable (d’après les sondages) au discours de M. Macron comme une “réponse moutonnière”, qui serait liée à l’influence des médias. Je suis plutôt de votre avis sur ce point (j’espère, du moins, que c’est le cas et que le soutien au discours de M. Macron vient d’une absence de réflexion de la majorité avant réponse au sondage).
*
Toutefois, vous poursuivez un peu plus loin par cette phrase “il faut un certain culot pour brandir ces valeurs piétinées comme jamais dans notre pays où une oligarchie au conseil constitutionnel, ou au conseil d’Etat ne tient aucun compte de la volonté du peuple ou de ses représentants : le premier refuse les référendums d’initiative partagée”.
*
Ne pensez-vous pas qu’il est incohérent de constater d’une part le fonctionnement nocif du système médiatique actuel, et de réclamer d’autre part le RIC, qui reviendrait à augmenter encore l’influence de ce système médiatique ?
Car, en cas de RIC et de recours fréquent au referendum, c’est bien ce à quoi on assisterait : une influence accrue des médias, pour faire passer à tel ou tel thème la barre de la pétition, puis pour peser sur le vote.
*
J’ajoute que la désinformation médiatique a aussi tendance à aller dans le sens du libéralisme économique qui vous est cher (et qui coûte si cher au pays en décisions économiques aberrantes).
Vous êtes un lecteur attentif. Merci. Je pense au contraire que la banalisation des référendums et leur régularité dans le temps et dans les modalités, ainsi que la décorrélation entre le vote populaire sur un objet et le maintien ou nom des personnes au pouvoir réduiraient considérablement le rôle des médias qui profitent surtout des réactions émotionnelles de la population quand on focalise sur une seule question posée par l’exécutif.