Philippe BILGER est l’avocat général près de la Cour d’Appel de Paris bien connu de tous et notamment des internautes puisque celui-ci tient un bloc-note engagé et respecté. Il a par ailleurs écrit un ouvrage que je vous conseille d’acheter au plus vite. Son titre est premonitoire J’ai le droit de tout dire ! Voici quelques extraits de son dernier article sur l’arrêt Vanneste (article à lire en entier absolument en cliquant ici) :
Indignation de la communauté homosexuelle : j’entends cette annonce bouleversante au journal de France Inter. Immédiatement inquiet, je me demande de quoi il s’agit, quelle catastrophe s’est abattue sur elle durant la nuit, quel homosexuel a été frappé, assassiné, quelle intolérable offense l’a blessée au point que l’information du matin éprouve le besoin de faire part de son émoi.
Je suis très vite rassuré puisqu’en réalité ce qui la désespère au-delà du raisonnable constitue, au contraire, une formidable nouvelle pour la liberté d’expression, pour la démocratie. Ce qui fait scandale pour la communauté homosexuelle, c’est l’arrêt rendu par notre plus haute juridiction, la Cour de cassation, le 12 novembre 2008, qui a cassé sans renvoi un arrêt de la cour d’appel de Douai (…).
La superbe et commode concision dont la Cour de cassation fait preuve et qui est sa “marque de fabrique” la dispense d’expliciter davantage ce sur quoi elle a fondé son argumentation pour donner raison à Christian Vanneste et satisfaire sa cause. Il n’empêche qu’elle affirme nettement, contre la loi (à mon sens clientéliste) du 30 décembre 2004, les exigences de la liberté d’expression et qu’elle le fait “sans renvoi” – donc avec une certitude telle qu’elle n’éprouve même pas le besoin de saisir une nouvelle cour d’appel.
J’avais moi-même, dans “j’ai le droit de TOUT dire”, consacré plusieurs pages à l’arrêt de la cour d’appel de Douai pour démonter une mécanique intellectuelle qui brimait à ce point la liberté d’expression qu’elle confondait l’offense singulière et l’analyse générale. (…)
Pour ma part, je songe à Christian Vanneste, traité sans cesse d’homophobe et qui a eu l’élégance du vainqueur de regretter l’usage de l’adjectif ” inférieur”. Je pense à lui longtemps mis à l’écart par ses amis politiques, qu’il dépassait sur le plan philosophique mais qui étaient trop soucieux de complaire à qui pourrait leur porter préjudice, je devine l’embarras de ces juridictions trop heureuses de donner tort à Vanneste quand il se plaignait d’avoir été gravement insulté ou diffamé, surtout par un homosexuel. Quelle importance puisqu’il était qualifié, pour toujours, d’homophobe et que personne ne voulait entendre ni comprendre qu’il ne l’était pas. Mais qu’homme libre, sa pensée était sa fierté. Mis en exil pour rien, la Cour de cassation l’a remis en pleine et honorable lumière pour ceux, seulement, qui avaient douté absurdement de lui.
J’éprouve un sentiment de reconnaissance démocratique pour la Cour de cassation. Moi qui, même si on me le demandait, ne souhaiterais pas m’y trouver, je suis heureux de constater qu’elle ne sauvegarde pas seulement l’acquis. Elle n’a pas pour vocation exclusive de privilégier les sûretés contre les droits, l’ordre d’une société au détriment de l’autonomie de l’individu . Heureusement conservatrice parfois, en matière de liberté d’expression les avancées ne lui font pas peur.
Elle l’a brillamment démontré avec la victoire de Christian Vanneste.