L’hypothèse d’un dieu se moquant des hommes et s’amusant dans son éternel ennui avec les péripéties de leur existence se présente parfois à l’esprit avec un air de vraisemblance. Renaud Camus, non sans humour, souligne ainsi qu’à deux pas du Palais de Justice où il était condamné en première instance, à la même heure, son ami Alain Finkielkraut était élu à l’Académie Française. Sa condamnation sous prétexte d’islamophobie et ma relaxe d’une prétendue homophobie paraissent nous séparer en tous points. Cependant les audiences de nos deux affaires avaient lieu le même jour devant la fameuse XVIIe Chambre qui veille sur ce que les lois laissent subsister en France de la Liberté de la Presse. Et Renaud Camus, dont j’apprécie le style et le souci permanent de ciseler notre langue, avait fait preuve d’une honnêteté intellectuelle indissociable, elle-aussi du personnage. En “témoin de moralité”, il m’avait fourni une attestation de non-homophobie. Je n’ai malheureusement aucune qualité requise pour lui attribuer un certificat de non-islamophobie. Mais nos deux démarches revêtent malgré les apparences une étonnante similitude. Nous sommes l’un et l’autre passionnément attachés à la conservation de notre civilisation. J’y inclus la religion chrétienne, sa conception de la famille, et les conséquences démographiques heureuses de celle-ci. Sur ce point, nous divergeons. Mais nous avons l’un et l’autre osé affronter la pensée unique imposée par les médias. Nous l’avons fait avec honnêteté et parfois avec un style qui a prêté le flanc à la critique. On me reproche toujours mon hyperbole d’il y a dix ans : “la menace pour la survie de l’humanité”, comme si elle n’était pas la figure d’un raisonnement d’un bon sens tel qu’on retrouve la même idée chez Voltaire et chez… Oscar Wilde. De la même façon, interrogé sournoisement par un journaliste de Canal+, Renaud Camus avait filé une métaphore guerrière à propos de l’expansion de l’islamisme dans notre pays. L’hyperbole ou la métaphore peuvent être au discours ce que la caricature est au dessin. Celle-ci témoigne de la bonne santé de la liberté de la presse. On a vu récemment qu’elle était menacée. Mais, ce qui est plus grave, c’est que certains journalistes, certains organes de presse se fassent les complices de son assassinat.
Lorsqu’en Février 2012, j’étais interviewé par un site catholique à propos de ma Proposition de Loi contre l’accès des mineurs aux contenus pornographiques sur internet (dont personne ne parle jamais), j’ai cru utile de répondre à une question qui n’était pas prévue sur les raisons pour lesquelles le “mariage” unisexe était accepté par 63% de Français. Cet entretien était destiné à un public catholique. C’est une grande chaîne de radio qui lui a donné un retentissement inattendu. On a d’abord orchestré un harcèlement médiatique sur le thème du négationnisme, puis ne pouvant me poursuivre sur ce terrain où je disais la vérité, on a ensuite tenté de me faire condamner pour avoir dénoncé le poids du lobby et souligné le narcissisme à l’oeuvre dans notre société. Pendant toute cette affaire qui m’a fait perdre mon mandat parlementaire, j’ai manifestement été la victime d’une chasse aux sorcières de la part de journalistes qui trahissent leur profession, et de politiciens vindicatifs, ignorants et paresseux. Renaud Camus qui connaissait bien la question de la déportation homosexuelle pour avoir défendu la mémoire de Pierre Seel m’a soutenu, tout simplement parce qu’il savait que je disais la vérité. J’aurais aimé bénéficier du même soutien de la part des milieux catholiques et notamment des organisateurs de la Manif pour Tous… Les juges, avec mesure, ont considéré qu’il n’y avait aucun appel à la haine dans mes propos et que ceux-ci étaient trop peu sérieux pour revêtir un réel danger. L’opportunité commandait en effet de ne pas condamner les idées de celui à qui la Cour de Cassation avait déjà donné raison en s’appuyant sur la jurisprudence de la CEDH. Mais reconnaître la solidité du discours aurait en revanche affaibli la portée de la loi et créé un trouble dans l’opinion dominante. Le problème n’est pas celui de la Justice, mais celui de la Loi et de ceux qui la font si mal pour des raisons idéologiques ou parfois bassement électorales.
Et voilà que Christine Boutin nous rejoint, Camus et moi. LGBT porte plainte contre elle pour avoir employé le mot d’abomination à propos de l’homosexualité. Elle est chrétienne affichée. Elle utilise le mot du Lévitique pour exprimer un jugement moral sur un comportement. Que ce mot soit désagréable est évident, mais précisément, il n’est pas interdit d’être désagréable lorsqu’on exprime une opinion. Sur ce point, la loi française est excessive et confuse. Juger une personne pour ce qu’elle est, pour sa couleur de peau, par exemple, n’est pas une opinion, mais juger ce qu’elle fait ou ce qu’elle pense devrait appartenir au libre débat. L’interdire est une atteinte à un Droit de l’Homme fondamental : la liberté de penser et d’exprimer cette pensée. Qui plus est, comme le reconnaît avec sincérité Renaud Camus, le déséquilibre des forces en présence, une ou plusieurs associations largement soutenues par des fonds publics ou privés, d’un côté, et une personne dénuée de moyens importants de l’autre, peut décourager la “sorcière”. Le battage médiatique, avec ou sans condamnation, affaiblit de toute manière sa position. Il y a là un procédé pervers qui conduit à l’autocensure. Je souhaite pour ma part que Renaud Camus fasse appel et que Christine Boutin dépose à l’occasion de son “affaire” une Question Prioritaire de Constitutionnalité pour qu’on revienne sur ces lois liberticides, contraires aux principes fondamentaux de notre droit, et qui sont une honte pour le pays de Voltaire.
2 commentaires
Comme il doit être compliqué de se trouver aux prises avec toutes les subtilités de la Loi et des usages de la Mise en cause. Cela dit, quelle promotion pour Voltaire que ces temps obscurs s’allant s’obscurcissant. Bon courage à vous, affichez du soutien à Dieudonné, dites que vous mattez ses vidéos plutôt deux fois qu’une afin d’emporter quelques clivages dans le feu de la bataille, des textes suivront.
” la fameuse XVIIe Chambre qui veille sur ce que les lois laissent subsister en France de la Liberté de la Presse. ”
C’est la Cour de cass’ qui veille sur la liberté d’expression.