Il faut s’y faire : la politique, c’est comme le commerce : un produit, une étude de marché, une clientèle. Pour les grandes surfaces, elles visent à fidéliser les chalands sur des produits moyens, interchangeables et sans autre identité que l’emballage, sans autre différence que le prix. Pour les grands partis, c’est pareil. Aux Etats-Unis, vous êtes Républicain ou Démocrate, Pepsi ou Coca. Le prix, c’est un peu plus d’aide sociale ou un peu moins d’impôts. Ensuite, il y a le commerce de proximité, les petits partis, les produits de luxe réservés à des clientèles spécifiques, les mouvements communautaires rattachés aux partis. Il y a encore la publicité. Le produit doit aussi être soutenu, en tout cas, ne pas être refusé par les leaders d’opinion. La vraie différence réside dans la part de la publicité mensongère, primordiale en politique où les produits sont difficiles à évaluer. Le client mécontent n’a qu’une ressource : changer de crèmerie.
Pour un grand parti comme l’UMP, l’objectif est simple : avoir le maximum de voix, le maximum d’élus, le maximum de pouvoirs, le maximum de subventions… La stratégie est complexe. Elle doit tenir compte de la diversité des régions, des sensibilités, ne pas décevoir la masse des clients fidèles, mais séduire aussi ceux qui, à la marge, vont compter davantage puisqu’ils vont faire la différence, les acheteurs plus rares, mais qui font le bénéfice. Il faut aussi combler les écarts entre les dirigeants et le public. Les goûts et les opinions des mondanités parisiennes ne sont pas forcément partagés par l’Auvergne profonde, et encore moins pour la Guadeloupe. Le Président peut préférer le champagne à la bière, il doit être capable de boire cette dernière avec plaisir, s’il vient dans le Nord. On peut toujours essayer de changer les mentalités, mais c’est long. Alors il faut faire le grand écart. En politique, ça s’appelle la contradiction, ou plus bêtement le mensonge : dire à Pierre des gros bataillons ce qu’il veut entendre et à Stéphane, des cercles plus raffinés, mais qui comptent davantage, ce qui lui fait plaisir.
La virtuosité de ce jeu à l’ump est dans l’ADN de la marque. Sarkozy, Copé, Fillon pour ne citer que ceux qui ont du poids : même combat. Les nouveaux arrivés, les Ravis de la crèche, façon Guaino, ne sont pas encore au point. Il leur reste des idées. Mauvais, en politique. Il est allé de bon coeur à la Manif Pour Tous. Il n’était pas seul. Copé aussi, toujours prêt à récupérer les pains au chocolat tous chauds. Marine n’y était pas. Certains y ont vu des influences lobbyesques. Mais chez Copé, c’est plus vicieux. Il faut ménager la chèvre catholique qui vote à Versailles et le chou “gayfriendly” qui règne à la télé. On dit à la chèvre qu’on est contre le mariage unisexe, et elle y croit et au chou qu’on est pour. Petit problème, Stéphane Bern, qui est drôle et en a dans le chou, rend le trucage transparent : pourquoi vous dites le contraire dans vos discours, de ce que vous nous dites entre la poire et le fromage ? Alors, les chèvres qui étaient bien nombreuses dans les rues de Paris et ont fait des kilomètres en pure perte, se sentent bernées. Lorsque l’un des fondateurs de Gaylib, la vitrine “gay” de l’Ump, habilement cédée à la sous-marque Udi, plus libertaire, revient en douce à la maison-mère comme secrétaire chargé de la lutte contre l’homophobie, les chèvres découvrent, effarées, le pot aux roses. En fait, il n’y a rien de neuf. D’un côté, on dit qu’on est contre le mariage pour ne pas perdre les conservateurs et de l’autre on lutte contre l’homophobie pour plaire au lobby si puissant dans les médias. Sarkozy en campagne avait dit : “pas de mariage” et avait flingué publiquement un député pour “homophobie”, sans le moindre fondement légal pour le faire. L’UMP ne remettra évidemment pas en cause le mariage unisexe, comme elle a entériné le Pacs en améliorant ses conséquences fiscales. C’est elle, d’ailleurs, qui a ancré cette notion contestable d'”homophobie” dans la loi. Elle préférera toujours ceux qui ont été pris, la main dans le pot de confiture, à ceux qui ont des idées qui agacent même s’ils n’ont jamais été condamnés. La qualité du produit compte moins que son accueil sur le marché. La politique, c’est du commerce !
3 commentaires
Défoncer des portes ouvertes est d’autant plus utile qu’on veut transformer le chambranle en petit couloir. Vous avez eu dans ce billet tant de fois raison que je ne vois rien à ajouter sinon qu’il faut vivre dans le monde tel qu’il est, et non,.. vous connaissez la suite. Merci cependant de faire savoir qu’il y a des gens en politique qui méritent de garder la tête sur les épaules.
Des épiciers à la tête du pays ! UMP et PS confondus, deux partis de boutiquiers, de comptables, de petits-bourgeois et de godillots sans envergure, le triomphe de Bouvard et Pécuchet ! Et ça grouille sous les ors de la République comme des cancrelats sous les pierres des forêts ! et ça planche sur ses derniers axes de communication ou son story-telling, et ça monte, au frais du contribuable, des think tanks (autrement dénommés comités Théodule) qui cogitent à base de présentations Powerpoint (avec des images parce que sinon, Copé ne comprend pas de quoi il est question).
Quelqu’un sait danser la danse du scalp ?
Le problème, pour la plupart des politiques, ce n’est pas de rester au pouvoir pour faire en sorte d’agir, mais d’agir, pour faire en sorte de rester au pouvoir…
Si les fonctions politiques étaient exercées d’une manière tout à fait bénévoles
(comme le font des centaines de présidents d’associations toutes aussi utiles à la Nation ),il y aurait à mon avis beaucoup moins de soi-disant passionnés par la cause à se présenter au portillon !