Le dernier concept découvert par notre Président, qui a, paraît-il, enseigné l’économie, est “déflation”. Les prix baissent parce que la demande baisse, et la spirale est amorcée d’une récession fondée sur l’attente des consommateurs, la réduction des salaires et des emplois et le recul de la demande extérieure. En zone euro, le ralentissement est quasi-général. A l’extérieur, la surévaluation de la monnaie européenne et l’effritement de la compétitivité s’ajoutent à un ralentissement de plusieurs économies émergentes. Les deux solutions qui s’opposent paraissent aussi absurdes l’une que l’autre. La solution défendue à des degrés divers en France par les gauches repose sur une croissance fondée sur la demande plus que sur l’offre. A gauche toute, on voudrait s’exonérer des contraintes européennes en matière de déficits, poursuivre le matraquage fiscal et social des entreprises et des classes moyennes, et redonner du pouvoir d’achat aux petits revenus. Une telle solution achèverait notre outil de production et accentuerait le déséquilibre de nos échanges, avec en prime une augmentation de la dette. La gauche de gouvernement a raté son demi-tour à droite. Après s’être lourdement trompée pendant deux ans, elle a enfin accepté l’idée que la baisse des charges et donc des coûts de production était vitale. Ce revirement trop compliqué, trop faible et trop tardif a accentué l’incertitude des décideurs économiques, et n’a pas encore permis de rétablir des marges suffisantes pour investir. L’indispensable diminution de la dépense publique arrive également trop tard. La distinction entre le fonctionnement et l’investissement n’est pas suffisamment établie. Il faudrait accélérer le recul du premier, qui a souvent besoin de temps avec les départs en retraite et les non-remplacements. Le second moteur, l’investissement, manque de carburant. La tentative de Sarkozy lors de la crise n’a pas produit les effets escomptés en raison de la faiblesse et de la dispersion des moyens. Et là encore, il faut du temps qui nous fait cruellement défaut tant nous avons pris de retard.
La France stagne. Elle recule même puisque l’augmentation de la population devrait se traduire par une croissance mécanique. Elle en est à demander une fois de plus l’ajournement du retour aux 3% de déficit public par rapport au PIB, ce chiffre quelque peu artificiel qu’elle avait introduit au temps où elle prenait l’Allemagne par la main. Outre-Rhin, on n’est pas prêt à entendre l’appel. Berlin continue à imposer l’autre solution, celle d’un cercle vertueux qui assainit les comptes publics, réduit les déficits, améliore la compétitivité et permet aux Européens de prendre une part importante du marché mondial. Malgré le mauvais résultat du second trimestre, l’économie allemande reste vertueuse et exportatrice. Sa logique de l’offre est même confortée par l’amélioration de la situation espagnole après une terrible cure d’austérité qui laisse un quart de la population au chômage. Néanmoins, l’Europe et singulièrement l’Euroland, est désormais l’homme malade du monde. C’est un continent vieillissant qui marche au ralenti et se fait doubler ou distancer par ses concurrents. Sa richesse est en stock plus qu’en flux. Les revenus de distribution et d’assistance y entretiennent une aisance relative davantage que la production et les échanges. Toutefois, il y a quelques rescapés au premier rang desquels se situe le Royaume-Uni.
L’évidence saute alors aux yeux. Les seuls pays européens à échapper à la contagion sont ceux qui se sont protégés du virus de l’Euro, ce Mark bon marché qui est une monnaie trop chère pour les économies de la plupart des autres pays, notamment ceux qui ne se relançaient qu’en dévaluant comme la France ou l’Italie. On ne peut bâtir une monnaie que sur une économie convergente avec un gouvernement économique responsable et des systèmes de transfert compensatoire. La croissance a fait espérer cette convergence. La crise et l’absence de croissance ont douché cet espoir. Le canard sans tête européen continue donc sa course aveugle vers un abaissement du niveau de vie que l’Allemagne elle-même va connaître. Par ailleurs, l’Europe est totalement absente de la scène mondiale et subit la politique américaine à domicile. Faute de moyens et de volonté, elle réduit sa capacité de défense et croit trouver une solution à son déficit démographique dans un remplacement de population qui menace une identité et une tradition culturelle d’une prodigieuse richesse.
Il n’y a de politique que lorsqu’un projet est soutenu par une volonté. Il est temps de prendre conscience que le projet européen est mort, qu’il n’y aurait aucune personne, aucune institution pour incarner la volonté de le mettre en oeuvre s’il existait toujours. Il y a une machine, un automate chasseur d’inflation, qui s’appelle l’Euro, qui continue à fonctionner mécaniquement alors que la déflation est là. Sa valeur internationale donne l’illusion de la force quand elle accentue la faiblesse des zones périphériques dans un processus qui va atteindre le corps tout entier. Comme l’écrit François Heisbourg, ce n’est pas être anti-européen que de demander aujourd’hui le retour aux monnaies nationales. L’instrument monétaire est un outil indispensable du pouvoir politique. Il n’y a pas et il n’y aura pas de pouvoir politique européen à moyen terme. Il y a seulement des gouvernements impuissants parce qu’on leur a retiré leurs armes. On a voulu bâtir une Europe politique sur l’économie. L’échec économique risque de tuer définitivement l’Europe politique. Il faut pour repartir de l’avant redonner aux Etats la liberté nécessaire au redressement de leurs économies, en fonction de contextes qui se sont différenciés au lieu de se rapprocher.
6 commentaires
C’est Berlin qui a raison. Il faut réduire l’Etat, mettre fin au déficit budgétaire, baisser les impôts, libérer l’économie pour enfin améliorer la compétitivité. L’euro ne nous empêche pas de mener cette politique qui est celle de tous les pays de la zone qui sont prospères.
Vouloir obtenir la compétitivité au moyen d’une monnaie nationale qui se déprécierait en permanence, c’est encourager le maintient de l’Etat omnipotent et tous nos blocages. Le laxisme monétaire n’est pas la solution au problème qui est, rappelons-le, le poids excessif de l’Etat.
D’accord avec vous. La meilleure chose qui puisse arriver à un Etat moderne, c’est que sa banque centrale soit indépendante, et que le politique ait l’interdiction absolue de manipuler la monnaie. Sinon c’est le n’importe quoi assuré, et l’achat de votes par la dette, puis la dévaluation, et au final l’appauvrissement de tous. L’indépendance des banques centrales doit conduire à terme à mettre les politiques devant leurs responsabilités. Quant à nous, pays d’Etats Providence mal gérés, il faudra accepter de nous sacrifier pour une ou deux générations, avant de tirer bénéfice d’une gestion enfin assainie de nos finances.
L’idéal à mon sens serait un Etat ayant l’interdiction absolue de faire de la dette de fonctionnement (on en revient à l’idée curieusement oubliée depuis quelque temps de cette interdiction au niveau constitutionnel), une banque centrale statutairement indépendante et à l’abri des manigances politiciennes (l’horizon du politique est la prochaine élection, et l’idée de bien commun et de vision à long terme véhiculée par ces gens là m’a toujours fait sourire), une démocratie directe par des référendums fréquents comme en Suisse, l’obligation de paiement de l’impôt sur le revenu par tous les ménages pour responsabiliser la masse des parasites (taux fixe bas pour tout le monde, comme la CSG qui est plutôt un bon impôt), l’interdiction du cumul des mandats, lesquels ne pourraient être exercés que deux fois, ce qui limiterait les risques de corruption et de clientélisme, et favoriserait le renouvellement du personnel politique (marre de voir les mêmes tronches depuis ma naissance, on est vraiment un pays à part pour ça), démission de la fonction publique pour tout mandat électif national.
D’accord sur le fond, mais il faut redonner du souffle à l’économie, ce qui ne paraît guère possible avec une monnaie surévaluée.
Le souffle viendra d’une diminution drastique de l’Etat (privatisations, ventes d’actifs, fin des régimes spéciaux, fin des subventions aux syndicats et des aides aux entreprises, privatisation des retraites et de l’assurance santé, réduction de l’Etat providence, etc…, etc…, il y a des gisements d’économies immenses si on veut bien s’y atteler).
Bonjour, autant l’article est excellent, autant les commentaires ne sont pas au même niveau.
Je cite entre autres:
“D’accord avec vous. La meilleure chose qui puisse arriver à un Etat moderne, c’est que sa banque centrale soit indépendante, et que le politique ait l’interdiction absolue de manipuler la monnaie”.
Donc, indépendante, un peu comme la FED ?
Croire qu’il suffirait de changer ceci ou cela pour remettre de l’ordre est utopique et dépourvu de vision. Le système entier à la tête sous l’eau, principalement les politiciens qui n’ oeuvrent plus pour la Nation, encore et toujours….et vous voudriez diminué encore ce ratio vers le négatif. il ne s’agit pas de faire moins de social et d’oter le pouvoir de ceux qui nous gouvernent, mais de mieux les choisir.
Je cite Franck Herbert:
Le bon gouvernement ne dépend jamais des lois, mais des qualités personnelles de ceux qui gouvernent.
La machine gouvernementale est toujours subordonnée à la volonté de ceux qui l’administrent.
Il s’ensuit donc que l’élément le plus important de l’art du gouvernement est la méthode selon laquelle les chefs sont choisis.
“En terre molle ils dorment,
Tous ces vieux chiens ignobles,
Abrutis, sales et sourds,
Ils ne voient plus le jour.
Et passe, passe le temps
Rien n’y fera plus,
Rien ni personne.
Foutez leur la paix:
Ils dorment !”
La vie d’un humain, tout comme la vie d’une famille ou celle de tout un peuple, persiste en tant que mémoire.
Mon peuple doit en venir à considérer cela comme faisant partie de son processus de maturation.
Il constitue un organisme et, par cette mémoire persistante,
il accumule ses expériences dans un réservoir subliminal.
L’humanité espère pouvoir utiliser si besoin est ce matériau dans un univers changeant.
Mais une grande part de ce qui est stocké dans ce réservoir peut être perdu par ce jeu de hasard accidentel que nous appelons:
“Le destin”.
Une autre grande part peut ne pas être intégré aux relations révolutionnaires; ainsi, elle ne peut être évaluée et activée par ces modifications permanentes de l’environnement qui affectent la chair.
L’espèce peut oublier !
Voici la valeur spéciale du Kwisatz Haderach que ceux de la haute caste de l’oeil n’ont jamais soupçonnée:
Le Grand monarque ne peut oublier.
Ce n’est pas à leur création que les Empires souffrent de ne pas avoir de but, mais plus tard, lorsqu’ils sont fermement établis et que les objectifs sont oubliés et remplacés par des rites sans fondements.
Quel que soit le degré d’exotisme atteint par la civilisation, quels que soient les développements de l’existence et de la société ou la complexité des rapports hommes/machines, il existe des interludes de pouvoir solitaire durant lesquels l’évolution de l’humanité, son avenir, dépendent des actions relativement simples de certains individus.
Les limites de la survie sont définies par le climat,
dont la lente tendance au changement peut passer inaperçue d’une génération.
Et ce sont les extrêmes d’un climat qui définissent la structure.
Des humains isolés peuvent observer des provinces climatiques, des fluctuations du temps sur une année et, occasionnellement remarquer:
“C’est l’année la plus froide que j’ai connue”.
Ces choses sont perceptibles .
Mais les humains sont rarement sensibles à la variation de la moyenne sur un grand nombre d’année.
Et c’est précisément en développant cette sensibilité que les humains apprennent à survivre sur une planète.
Ils doivent apprendre le climat.